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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

mardi 18 décembre 2012

Born to Fly - Felix Baumgartner

Depuis qu'il a réalisé son saut en chute libre depuis la stratosphère, on entend parler de cet homme dans les média. J'ai regardé deux émissions à son sujet: l'une sur son saut dans une grotte de Croatie, perdue au milieu des montagnes, profonde d'environ 150m et très étroite, l'autre sur le saut de 39km de haut.

Dans un premier temps, je me suis dit : "ah ouais, c'est cool...." mais je me demandais si ça valait la peine de mobiliser tant de moyens. Par exemple, pour son saut dans la grotte, les environs étaient dangereux, il restaient de nombreuses mines anti-personnelles. Il fallait emmener sur le lieu en question des tonnes de matériel logistique, une équipe caméra, au moyen d'hélicoptères qui ne pouvaient pas se poser, donc tout était hélitreuillé.
Pour le saut depuis la stratosphère, idem, trois années ont été nécessaires à la fabrication de la capsule qui allait l'emmener vers les étoiles, plus de nombreux essais de saut et plein de problèmes...

Je me demandais alors quel était l'intérêt de faire tout ça et puis j'ai trouvé.

La réponse est venue toute seule, au moment précis où il est sorti de capsule, tout la-haut, qu'il s'est penché et qu'il a sauté dans le vide.

Je me suis retrouvée à agripper le bras de mon voisin, le coeur battant et les yeux tout mouillés. C'était tout simplement fantastique. On voyait la mère de Felix Baumgartner dans un état de tension palpable, pendant les 4 minutes et 20 secondes qu'a duré la chute, et puis les larmes là aussi.
On voyait surtout notre belle planète depuis la stratosphère, petite et uniforme.

...

lundi 17 décembre 2012

Mariage "contre-nature" ?


Petite note qui fait suite à mon poste précédent sur la jolie Natacha qui trouve le mariage gay contre-nature.
Je reviens sur l'expression "mariage contre-nature".

Le mariage est une institution. C'est à la fois une formalité administrative et sociale et un rituel cérémoniel visant la reconnaissance par le groupe - ses semblables et /ou un clergé - d'une union de deux êtres.

C'est une institution culturelle, et la "culture" vise à encadrer la "nature"1.

Souvent ce qui émane de notre culture étouffe-t-il certaines choses que l'on ne veut pas voir. Ces choses ne disparaissant pas simplement parce qu'elles sont niées, elles continuent d'exister, et nous les considérons  quand nous le voulons bien, comme des abcès purulents, des anomalies, des maladies.

C'est la culture qui est parfois bien plus contre-nature, simplement pour cette logique:

les hommes, considérés comme des animaux sociaux, s'organisent nécessairement pour "contrôler" leur nature - que certains considèrent comme sauvage, violente et destructrice, que d'autres considèrent pacifiste, c'est une question de conviction, on est loin d'être tous d'accord sur le fond de la nature humaine. 

La culture est un ensemble de codes conventionnels plus ou moins formels, érigeant des normes générales, qui forment LA NORME, et ce qui s'en éloigne est qualifié de déviance. La déviance est une menace pour la  préservation de l'ordre social.

Un homme et une femme se mettent généralement ensemble. Pour la survie du groupe, il a été décidé qu'il devait en être ainsi "normalement" pour tous.
Le reste est "hors catégorie", déviant, inutile, insignifiant et immoral.On le voudrait inexistant...

Que ce soit par amour ou par intérêt, deux êtres de genre différent s'unissent formellement  face au groupe. Par exemple, le mariage repose entre autre sur la fidélité, déclarée, ouverte, consentie, jurée... Cela a-t-il jamais empêché la polygamie de fait, c'est-à-dire l'infidélité? Alors biensûr la fidélité relève autant d'une question de morale que d'une question de contrôle social. (Ce qui provoque un surplus d'émotion chez l'homme le conduit potentiellement à la violence: jalousie, possession, déception, etc; donc pour limiter ces "dégâts", on insiste sur le bien-fondé et la justesse de la fidélité, et c'est bien légitime...)

Pour en revenir à notre mariage gay, je vois plusieurs options:

Soit on fait preuve de frilosité, de conservatisme, de pseudo-respect des normes culturelles et dans ce cas on décide que le mariage est bien tel qu'il est, on essaye de sauver d'un soi-disant naufrage les vestiges d'un passé révolu. On en a une conception "fermée" et l'institution ne concerne que les unions hétéro.

Soit on ouvre un peu plus ses petites mirettes et on regarde honnêtement les choses. Les institutions, c'est nous qui les faisons. Alors leur persistance dans le temps nous les rend imposante, on ne veut pas y toucher, le mariage a une aura quasi sacrée, mais le mariage ne veut déjà plus dire la même chose qu'il y a 50 ans par exemple. On se marie - quand on se marie- davantage pour exposer au grand jour l'amour qui unit deux personnes que pour demander la bénédiction d'un seigneur éthéré. On se marie pour faciliter certaines procédures administratives. Le mariage n'est plus ce qu'il était. Que ce soit à déplorer ou à encourager, là n'est pas la question. La question est de constater qu'aucune menace ne viendrait troubler l'ordre social si des homos veulent se marier. Et s'ils veulent se marier, c'est surtout parce qu'on le leur empêche. N'avons-nous pas d'autres problèmes, réels, à résoudre?

Je trouve que le conservatisme repose sur des conceptions qui sont proches de celles qui mènent au fondamentalisme. Le conservatisme, à mes yeux, trahit une peur du changement, une croyance en l'incapacité des hommes à s'adapter au changement .Il trahit un sentiment de méfiance face à l'inconnu et promeut les clivages entre les différences.

Au sein d'une société, les choses bougent très lentement. La "mentalité générale" évolue très progressivement, encore plus lentement sur les fondements. Je pense que  les mentalités sont en train de changer au sujet du mariage gay, et je le souhaite. De manière insidieuse, discrète  les normes sont amendées pour correspondre aux humeurs de la société. C'est un jeu très complexe d'intérêts contradictoires, et il faut parfois très peu de choses pour passer à côté de la norme honnête.





Les concepts « culture » et « nature » sont employés dans un sens « Rousseauiste ». A lire, à feuilleter, à googeliser : « le Contrat social », « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ».

dimanche 16 décembre 2012

Natacha!

Juste pour ne rien dire, voici un post indispensable pour faire savoir que Natacha Polony m'énerve...

Le fait qu'elle juge le mariage gay contre-nature a surement quelque chose à voir avec l'antipathie qu'elle m'inspire, mais si ce n'était que ça...

Elle a un beau parcours académique, très "parisien", ou ("francilien" pour être plus précise): serait-ce cela qui explique son conservatisme? Son amour des belles lettres, des choses pures, élevées, "parfaites", poétiques, des idées bien arrêtées sur ce que doivent être les choses?...
Je la trouve hermétique à l'essentiel, à la particularité des individus.
Je la trouve froide, représentant le pire sens que revêt le terme d'"intellectuelle".
J'admire cependant sa finesse d'esprit.

Je vous laisse juger: vous pouvez l'écouter dans l'émission de Ruquier sur F2 où elle est chroniqueuse et lire son blog, spécialisé sur les questions d'éducation.

http://blog.lefigaro.fr/education/natacha-polony.html

samedi 15 décembre 2012

Newton - USA


Un jeune homme de 20 ans entre dans une école primaire de la petite ville de Newton, tue 20 enfants et 6 adultes... n'est-ce pas SUFFISANT pour mettre un terme à la liberté du port d'armes??!!! Combien en faut-il d'autres?
L'arme à feu est une arme trop dangereuse pour la laisser à la portée d'individus irresponsables qui ne savent pas gérer leurs états d'âmes. La violence engendre la violence, de quelle manière faut-il le répéter!
Fuck la NRA et ces lobbies detestables.



Ce drame ouvre la réflexion sur ces thèmes:
  • Liberté / sécurité = légitime défense (liberté d'avoir une arme pour se défendre) ; cette liberté chérie dont on ne veut pas voir les inconvénients, cette liberté qui va de par avec la RESPONSABILITE;
  • Les dérives de la libre circulation, quand la liberté de se protéger entre en contradiction avec elle-même: plus de morts!
  • Ce drame révèle, encore une fois que l’économie prévaut sur la vie des individus (le marché des armes à feu, influence des lobbies);
  • La question de la responsabilité, lorsque des droits sont accordés sans qu’il y ait réflexion honnête sur la responsabilité qu’ils engendrent;
  • La folie dépressive qu’engendre trop souvent notre mode de vie.

Bye Bye Big Bang



Au début du 20ème siècle, alors que la physique classique est en plein essor et que la physique quantique connaît ses premiers développements, de nombreux scientifiques se penchent sur la question de l’origine de l’univers. Bien que cette question ait tracassé les hommes de tout temps, c’est à cette époque que la science fait un grand bond en avant.

I - Origine de la théorie du Big Bang

L’univers a-t-il toujours existé ou bien est-il sorti de nulle part, ou de quelque chose, mais quoi… Lorsque l’on s’arrête sur ces considérations, on est confronté à une question métaphysique, insoluble évidemment, qui est celle-ci : quelque chose peut-il avoir TOUJOURS existé ? Ou bien si ce n’est pas le cas, quelque chose peut-il être sorti du NEANT ?  Le TOUJOURS renvoie à la question de l’infini, de l’éternité inconcevable ;  le NEANT est quant-à lui tout aussi inconcevable.

Plusieurs visions s’opposent alors : pour faire simple disons que soit l’univers est stable et son origine se perd dans l’infini, soit il est en mouvement, en expansion, et on peut remonter à « l’atome primordial » d’où il est issu. L’idée d’un atome primordial ne répond pas à la question de savoir d’où vient cet atome, on le pense alors soit hors du temps ou comme ayant « toujours » été là… Bref on spécule.

D’après Gilles Cohen-Tannoudji , physicien – article paru dans philosophie magasine, novembre 2012 :

La théorie du Big Bang consiste en ceci : à l’origine, tout l’univers était contenu dans une particule de densité infinie (pas au sens propre du terme, mais infinie dans le sens où la densité était au-delà de ce que l’on peut concevoir, seules les mathématiques postulent un infini infini). Il y aurait eu une explosion – peut-être sous l’effet d’une trop forte densité- et toute la matière se serait éloignée de son centre originel pour aller dans toutes les directions sous l’effet de l’explosion. Pendant la première seconde après le BB les premiers atomes se seraient formés pour créer des particules d’abord simples puis plus complexes,  donnant naissance à l’énergie, la matière et le temps[i].

La théorie du Big Bang s’impose dans la seconde moitié du 20ème siècle suite à plusieurs observations. D’abord, on confirme que les galaxies d’éloignent les unes des autres, elles s’éloignent de plus en plus vite, et plus elles sont éloignées, plus elles fuient rapidement. C’est ce qu’on appelle l’accélération de l’expansion de l’univers. Elle se traduit par l’effet Doppler, le décalage du bleu vers le rouge de la « couleur » des galaxies observées. (Effet doppler que l’on connait dans notre quotidien lorsqu’une sirène de pompier approche : au loin domine le son aigu qui devient plus grave à l’approche. Cet effet Doppler est perceptible en termes de température, de son et de lumière). Si l’expansion s’accélère, on est en droit de supposer que par le passé, elle était moins rapide, et que les galaxies étaient donc plus proches les unes des autres. En extrapolant, on finit par concevoir que toute la matière de l’univers était à l’origine, il y a 13.7 milliards d’années, concentrée en un point d’une densité infinie.

Ensuite, on observe que la matière –observable et plus particulièrement les particules légères- est repartie de manière uniforme dans l’univers. Cette répartition est expliquée par la théorie de l’inflation : après une explosion gigantesque, toute la matière contenue dans notre point originel se serait répartie dans toutes les directions.

Enfin, il y a la découverte du rayonnement cosmique, appelé aussi le fond diffus cosmologique. C’est l’empreinte qu’aurait laissé l’explosion initiale dans la trame de fond de l’univers. Ce fond diffus cosmologique témoignerait de la température infinie qui régnait à l’origine au cœur de notre atome primordial. Cette température originelle infinie, sans cesse en refroidissement depuis, rend compte de l’effet Doppler mentionné ci-dessus.  

II - Limites de la théorie

Les théories postulaient approximativement l’existence de ces phénomènes et l’observation les a confirmées. Cependant, gardons à l’esprit que lorsque l’on fait une expérience scientifique pour valider ou invalider une théorie, bien souvent le fait de chercher quelque chose de plus ou moins précis influence notre interprétation des résultats de l’expérience. Ainsi on trouve ce que l’on cherche, ou son contraire.

Ce qui ne veut pas dire que l’expérience et l’interprétation de ses résultats  n’ont pas de valeur mais qu’il faut rester prudent et bien travailler ses hypothèses de départ.

Il est intéressant de souligner que notre principal « accès » à l’univers passe par la lumière : c’est en étudiant celle-ci que l’on définit la composition chimique des éléments de l’univers. Or la lumière est un phénomène qui pose encore pas mal de questions sans réponses.

La théorie du BB se confronte à un « obstacle épistémologique » qui consiste en gros en ceci : la théorie permet de remonter dans le « temps » jusqu’au moment où on tombe brutalement sur un mur, un mur infranchissable, le temps zéro…or le temps zéro, eh bien, il nous pose plus de question qu’il n’en résout !
Le temps zéro est appelé le « mur de Planck ». L’observation ne nous permet pas de remonter au-delà de ce moment qui serait celui de l’explosion primordiale, il est de 10 –42  secondes. Après ce moment déjà excessivement précis et lointain ? Plus rien, on ne sait pas. C’est la naissance du temps et avec lui, de l’espace et de la matière.

On peut théoriser sur l’état des choses avant ce moment, et une théorie sympathique est celle de l’état KMS, par exemple (KMS pour renvoyer aux auteurs de cette théorie). Ce n’est pas, me semble-t-il, une théorie qui fait l’unanimité parmi la communauté scientifique, mais aucune ne la fait à ce stade. Selon cette théorie, pour faire simple, on considère que dans le point primordial, le temps n’existe pas. Il existe un temps « imaginaire », comme en mathématique il y a des nombres imaginaires, et que l’énergie, sous forme « imaginaire » elle aussi, existe sous forme d’ « information ». L’explosion du point aurait entrainé la naissance du temps et le développement de l’information en énergie. Un peu comme un DVD : le disque en soi contient le film en puissance, mais il faut un lecteur pour que l’information contenue se déploie dans le temps, pour devenir un film. Ce serait à peu près la même chose avec le Big Bang, qui marquerait alors le début du film de l’univers. C’est une théorie qui fait appel à des hypothèses relevant de la physique quantique, ce qui paraît légitime puisque l’on considère qu’au « commencement », l’univers était un « atome ».

Je ne vais pas m’étendre sur les incompatibilités qui existent entre physique quantique et physique classique, mais elles sont fondamentales. Il est facile, de plus, d’en avoir un aperçu[ii].

Ce qui m’intéresse, c’est que la question métaphysique de l’origine de l’univers est tributaire- nécessairement- de la question du temps. Et le temps – qui a fait l’objet d’un autre article sur ce blog- est relatif à notre capacité de perception.

Einstein a bouleversé de nombreuses idées reçues sur le caractère potentiellement absolu des notions de temps et d’espace. Ses théories de la relativité restreinte et générale mettent en avant le fait que ces notions sont relatives à la position de l’observateur.

La théorie de la relativité générale est une théorie de la gravitation. Elle rend compte des phénomènes que provoque  la force gravitationnelle. Le phénomène décisif provoqué par la gravitation est celui-ci : la présence de masse, de matière dense, provoque une modification de l’espace-temps. Une courbure de la dimension spatio-temporelle s’opère à l’approche d’un corps massif. Le temps se dilate avec l’éloignement par rapport au corps massif ; le corps massif attire la matière moins massive, d’autant plus fortement que la matière moins massive est proche du corps massif.

L’espace, le temps et la matière sont intimement connectés, dans un jeu d’inter-rétroactions complexes.
Le mathématicien et physicien Alexandre Friedman a travaillé sur les théories d’Einstein. Il a démontré que les hypothèses de la géométrie euclidienne (« deux droites parallèles ne se rencontrent jamais », par exemple) ne sont valables que dans notre espace-temps, sur notre bonne terre. Elles s’écroulent lorsqu’on les transpose dans un autre espace temps soumis à une force gravitationnelle différente.

Concernant l’expansion accélérée de l’univers : il semblerait que cette expansion entre en contradiction avec la forcé gravitationnelle théorisée par Einstein. Si la force gravitationnelle fait que les objets de masses différentes dans l’univers sont attirés les uns par les autres, proportionnellement à leur distance, comment se fait-il que les galaxies s’éloignent les unes des autres ? Pour réduire cette contradiction, on a postulé l’existence d’une force antigravitaionnelle, que l’on nomme aussi « constante cosmologique » pour reprendre le terme qu’Einstein avait établi dans sa théorie. (Bien que non convaincu que l’univers soit en expansion, pour « faire tenir » ses équations, il avait pressenti l’existence d’une « constante cosmologique », sans y être attaché puisqu ‘elle contredisait sa conviction d’un univers stable.)

Une force antigravitationnelle contrebalancerait la force gravitationnelle. Ce sont les recherches menées sur ce sujet qui ont mis en évidence l’existence d’une énergie sombre. On voit en cette dernière notre potentielle force antigravitationnelle.

N’oublions pas non plus ce point : environ 90% de ce qui compose l’univers nous est inconnu…

III - Relativité

L’espace, le temps et la matière seraient apparus avec le Big Bang, c’est ainsi que l’on voyait les choses.

Voici un passage de Gilles Cohen-Tannoudji :

 « Personnellement, j’ai tendance à faire une distinction très nette entre ce que j’appelle l’univers et l’Univers. Avec un u minuscule, ce mot ne renvoie pour moi qu’à l’univers observable. Mais cet univers qui nous est observable ne peut pas coïncider avec l’Univers dans son entier.[…]L’univers qui nous est observable, étant borné par un horizon dont nous sommes le centre, est anthropocentré. Attention, je ne dis pas que nous sommes au centre de l’Univers, mais étant inclus dans l’Univers, nous ne pouvons le saisir de l’extérieur. »
Nos connaissances sont donc toutes des connaissances « pour nous », de notre point de vue, c’est en ce sens que nous sommes au centre de notre univers.

Il cite un mathématicien suisse, Ferdiand Gonseth :

« Les connaissances que nous avons ne sont jamais autre chose que des connaissances relatives à un horizon de connaissance, les réalités les plus ultimes que l’on connaisse ne sont jamais autre chose que des horizons de réalités ».

Il semble alors que toute nos connaissances soient relatives, tributaires de nos capacités à percevoir, raisonner, interpréter.

On a d’abord cru que la terre était plate, puis on a compris qu’elle était ronde. On a cru que notre planète était au centre de Tout et que les astres tournaient autour de nous, puis on a compris que non, c’était notre planète qui tournait autour du soleil. On a cru que le système solaire était au centre de l’univers, et puis non, on a découvert que notre galaxie n’était qu’une petite galaxie perdue parmi des centaines de milliards d’autres galaxies. Même notre soleil s’avère être une étoile plutôt petite. Sans cesse nous nous rendons compte que notre place dans l’Univers est plus « éloignée », confuse, que ce que nous pensons premièrement.

Etant donné que la science, en avançant, ne fait que nous révéler la relativité de nos postulats, il est raisonnable de penser que ce que nous appelons temps, espace et matière est encore loin d’être connu. Il est dans ce cas un peu précipité de croire que nous sommes en mesure de comprendre comment l’Univers fonctionne. Comme le dit Gilles Cohen-Tannoudji, ce que nous sommes en mesure de comprendre, c’est comment fonctionne l’univers, de notre point de vue.

Le fait d’affirmer que les lois mathématiques forment le langage universel de l’Univers est un peu présomptueux, nécessaire pour avancer, mais présomptueux.  Les maths sont à mes yeux, notre moyen de lire le monde, l’expression magnifique de notre rationalité, mais c’est un moyen qui permet d’appréhender UNE des manifestations du fonctionnement de l’Univers.

Trop souvent ai-je lu et entendu de la part des grands scientifiques que la raison humaine et les mathématiques étaient l’outil absolu, l’outil qui permettait de comprendre, de plier la nature aux règles qu’on lui découvrait. Cette idée reflète l’enthousiasme que l’on éprouve face à la capacité heuristique des mathématiques, et je pense que cet enthousiasme légitime masque les limites de cette discipline. Cela devient plus clair lorsque l’on dissèque finement les procédés qui sous-tendent la « méthode scientifique ». Sans dévaluer notre méthode, une telle dissection permet de RELATIVISER.

« Relativiser » est un terme que j’emploie beaucoup mais je ne défends pas un relativisme qui mènerait au nihilisme. Je défends une posture d’humilité, de questionnement, de prise en compte des contours fragiles de nos perceptions, une prise en compte de nos « limites ». J’entends par « relativiser », garder à l’esprit que toute chose est en relation nécessaire et irréductible avec d’autres choses.

A suivre...



[i] Voici un bouquin très bien fait et surtout –très important à mes yeux – accessible à tous les curieux qui veulent en savoir plus sur le BB et les mystères de l’univers :
« Une belle histoire du temps » de Stephen Hawking qui reprend tout l’historique de l’astronomie.

[ii]  Autre bouquin très accessible : « Les énigmes mathématiques du troisième millénaire » de Keith Devlin : le chapitre deux « Les champs qui nous composent », comme le titre ne le montre pas, expose avec une grande pédagogie les tenants et les aboutissants de la physique quantique et de la physique classique, expliquant la recherche actuelle d’une théorie unifiée de la matière.


21 jours... (France 2)




21 jours... est une série de documentaires diffusés sur France 2. Le concept est simple, quoique plutôt original: pendant 21 jours Alexandra Alévêque intègre une condition, par exemple celle d'ouvrière, partage avec ses nouveaux "camarades de condition" toute sorte d'états d'âmes, voit de l'intérieur (pas l'intérieur de l'usine, mais l'intérieur psychologique). L'émission que j'ai préférée porte sur les aveugles (21 jours à l'aveugle). La journaliste Alexandra Alévêque s'est mise dans la condition d'une aveugle pendant 21 jours, comme une expérience sociologique et psychologique, voire plus psychologique que sociologique.
Le reportage nous montre les différentes étapes par lesquelles elle est passée:
  •     Apprendre à se repérer :

Pendant les deux premiers jours c’est sa mémoire qui l’aide à se souvenir des emplacements chez elle, par contre elle ne peut pas sortir toute seule. Au bout de 10 jours à peu près, les repères mnésiques ne sont plus fiables, Alexandra a plus de mal à se repérer chez elle, il lui faut redoubler de vigilance pour se déplacer, compter et tâtonner.

  •     Prendre conscience "autrement" de l'espace :

A l’aide d’une guide pour déficients visuels professionnelle, elle apprend à utiliser une canne et commence à percevoir autrement. Une capacité d’écholocation se manifeste, surement toujours présente en chacun mais qui se développe pour pallier l’absence de repères visuels. C’est très intéressant de voir que dès le début, Alexandra sent la présence des murs des immeubles et des voitures garées lorsqu’elle marche sur le trottoir, avant même de les toucher.

  •     Chercher un sens à sa vie quand rien de ce que l'on fait habituellement n'est plus faisable;

Coup de déprime, elle peine à se repérer, elle perd confiance en elle, et plus rien n’a d’intérêt ni de saveur. Elle réalise qu’elle ne peut plus rien faire, ni écrire, ni regarder un film, ni faire le ménage… la nourriture est sans intérêt car ne pas voir ce qu’on mange n’entretient pas l’appétit. Bref, coup de déprime.

  •     Rencontrer des gens aveugles - définitivement-, les voir autrement;

Quel meilleur moyen de reprendre goût à la vie que de sortir de chez soi et rencontrer ses semblables ? Alexandra –qui n’est aveugle que temporairement mais 3 semaines c’est une éternité quand on est en plein dedans- part rencontrer des aveugles. D’abord au sein d’un Institut spécialisé dans la rééducation des nouveaux aveugles, puis elle rencontre des aveugles de plus longues dates. Certains sont des battants au caractère bien trempé, d’autres luttent encore chaque jour pour accepter leur condition. Elle imagine leur visage, au son de leur voix, à leur façon de s’exprimer et à la mélancolie ou à la détermination qui les habite.

  •     Etre finalement étonnée de l'incroyable capacité de résilience de l'esprit.

Que les personnes rencontrées soient plus ou moins bien disposées, au final, elles se battent avec ardeur pour profiter de la vie, autrement. Il faut du temps pour façonner cet autrement, il faut toujours du temps pour tout, mais l’esprit finit par le façonner, cet autrement. Comme si, soumis à une logique d'entropie, avec le temps le pire et le mieux se fondaient en un acceptable.

Ce que je retiens de ce documentaire c’est qu’aussi dramatique que puisse être une situation, quand on ne la connait pas personnellement, elle paraît insurmontable. Il est même difficile de faire preuve de curiosité à l’égard des gens que l’on qualifie maladroitement de « déficients ». Quand on est voyant on peut difficilement concevoir la vie sans voir. Cela équivaudrait à une mort, d’une certaine façon, et ça fait peur.
Alors tant que l’on peut profiter de ce merveilleux sens qu’est la vue, profitons-en. Le corps et l’esprit sont dotés d’une force insoupçonnable pour peu qu’on ait confiance en notre incroyable instinct de survie.
Ce documentaire est très intéressant tout simplement parce qu'il est basé sur l'empathie et que c'est un des thèmes centraux de ma réflexion. La journaliste devient aveugle, devient ouvrière, pour un temps limité mais suffisant pour modifier ses habitudes et entrer en contact avec une condition étrangère, dont l’expérience lui laissera une empreinte bien moins éphémère.

jeudi 13 décembre 2012

Bye Bye Big Bang - à venir!

A lire dans philo mag du mois de novembre, un article sur les avancées scientifiques au sujet de l'origine de l'univers. Par le physicien Gilles Cohen-Tannoudji.
Je le lis et j'en fais un résumé très prochainement.
Voici l'intro de l'article:

Bye bye Big Bang

Intrigant non?

mardi 11 décembre 2012

Les portes de la perception (A. Huxley)

J’ai lu, il y a quelques temps, le bouquin d’Aldous Huxley « Les portes de la perception ». Cet ouvrage est un véritable trésor philosophique.

Je propose de nous jeter sans plus tarder dans le grand bain.

Tout d’abord, Aldous Huxley écrit son essai en 1954, à l’âge de 60 ans, soit plus de 20 ans après avoir écrit « Le meilleur des mondes », en 1931. Il relate dans cet essai une expérience personnelle particulière : en mai 1953, sous la surveillance d’un docteur, il prend une dose de 4 décigrammes de mescaline (principe actif extrait de la racine de peyotl). 
A l’époque, Aldous se passionne pour la psychologie alors très en vogue. Particulièrement la schizophrénie, et la folie en général, suscitent un regain  d'intérêt général et nourrissent de nombreuses théories sur la notion de perception. 
Détail intéressant, le père d’Aldous était herboriste – entre autres choses- et enfant, Aldous l’accompagnait dans son laboratoire. Il aura été sensibilisé aux effets que produisent certaines substances sur l'organisme.
Autre détail, pendant plusieurs années de sa jeunesse, Aldous a souffert d’une maladie qui l’a rendu presque aveugle. Dans son essai, il donne énormément d’importance aux couleurs accentuées et à l’acuité visuelle que la mescaline provoque.

Bien. Voilà notre homme dans son fauteuil, la mescaline ingurgitée, un ami médecin à ses côtés, un enregistreur vocal posé à proximité des deux hommes.
La perception qu’Aldous décrit est d’ordre principalement visuel. Il regarde les choses qui sont dans son bureau, les objets que l’on trouve généralement insignifiants comme un fauteuil, un vase de fleurs, une étagère pleine de livres et n’accorde déjà plus d’importance aux personnes présentes dans la pièce. Il perçoit ces objets avec une intensité très forte, déstabilisante puis impressionnante, frôlant, voire embrassant, une transcendance. Il faut lire ses mots écrits a posteriori pour être embarqué dans un voyage plein de couleurs et d'extra-sensorialité :

« Les rapports spatiaux ont cessé d’avoir grand intérêt » pour son esprit qui est, de plus, devenu « complètement indifférent au temps ». « Mon expérience [du temps] était celle d’une durée infinie, ou bien celle d’un perpétuel présent ». « J’étais dans un monde où tout brillait de la Lumière Intérieure et était infini dans sa signification ». « L’esprit ne se préoccupe primordialement pas de mesure, mais d’être et de signification ».

Je retrouve ici l'idée selon laquelle, par une pratique contemplative et méditative- sans avoir recours à aucune drogue- notre pensée peut devenir intuitive et transcender la transcendance pour devenir immanence dans une sublimation d’elle-même. Alors la formule que j’emploie est un peu compliquée, voire redondante, mais cette formule est l’exemple même de la difficulté que l’on éprouve à mettre des mots sur une sensation infuse.
C’est comme chercher à expliquer ce qu’est un « point » en essayant d’en faire une « ligne ». 

La contemplation des choses simples –principalement la nature- nous procure une sorte d’apaisement, une sensation de réconfort, que l’on peut assimiler à une harmonie retrouvée, comme si une connexion s’établissait entre le paysage et notre corps, nous rappelant, malgré nous, que nous sommes partie de ce monde. Une naïveté presque enfantine nous enveloppe, ramenant à la surface de notre conscience des valeurs enfouies par des années passées sans trop se consulter soi-même, des années passées à chercher à être « tel qu’il faut » au détriment de soi.

Une partie de sa réflexion sur la perception porte sur le langage, le verbe. Il y a énormément de choses à dire sur ce sujet mais on va tenter de faire simple.

Commençons par ce que dit Huxley :
« Nous ne pourrions jamais nous passer de langage et des autres systèmes de symboles ; car c’est par leur entremise, et seulement par leur entremise, que nous nous sommes haussés au-dessus des bêtes, au niveau d’êtres humains. Il nous faut maintenant apprendre à manier les mots d’une manière efficace ; mais, en même temps, il nous faut conserver, et au besoin intensifier, notre aptitude à regarder directement le monde, et non à travers ce milieu à demi-opaque de concepts, qui déforme chaque fait donné à la ressemblance, hélas trop familière, de quelque étiquette générique ou abstraction explicative

Il est important de savoir ce que représente le langage pour l’homme. On peut dire que c’est à la fois l’instrument et la manifestation de la raison humaine. Je renvoie ici à Bergson et à Saussure qui ont magnifiquement traité le sujet.

Les mots sont comme des étiquettes que l’on pose sur des choses.
Ces choses font partie de ce qui nous entoure, mais pour les désigner, nous les séparons de leur environnement.
Cette séparation est une catégorisation, c’est-à-dire que les choses qui se ressemblent sont rassemblées sous une même étiquette.
 Par exemple, chaque arbre est différent mais nous utilisons le terme générique d’ « arbre » pour parler de tout ce qui a un tronc, des branches et un feuillage. Le mot "arbre" est l'étiquette que l'on pose sur la catégorie qui rassemble tous les arbres.
Cette catégorisation est arbitraire. Elle est le reflet d’une culture, c’est-à-dire, d’une vision du monde (Weltanschauung) qui peut être commune à un groupe.
Dans ce cas, le découpage de la réalité se fait de manière conventionnelle et inconsciente, car le fait de vivre en groupe dans un même milieu nous amène à voir les choses de la même manière.
Au sein d’un groupe, la vision du monde est aussi propre à chaque individu, de manière plus nuancée, plus profonde. Mais là, le langage qui est à la disposition de l’individu ne lui permet pas d’être aussi « précis » que l’individu souhaiterait l’être ou pense l’être.
Cependant, le langage est une des inventions les plus importantes que l’homme ait connue. C’est le moyen qu’il a développé pour communiquer, partager et ainsi transmettre. C’est la base de l’Histoire qui nous a fait sortir de la Préhistoire. C’est ainsi que nous avons créé la société puis la civilisation.

Le langage est une invention issue de notre pensée rationnelle. A force d’observer le monde, nous l’avons rangé, ordonné afin de facilité notre interaction avec lui. Nous avons observé puis généralisé. Nous avons conceptualisé les récurrences, ce qui nous a permis de prévoir, anticiper, projeter, et donc d’abstraire.
Le français est une langue d’origine indo-européenne, comme bon nombre de langues voisines. D’autres langues sont d’origine finno-ougrienne (les langues baltiques, slaves, le coréen, le turc…), sino-tibétaines (le chinois par exemple).

Pour illustrer au mieux mon propos, opposons le français au chinois par exemple. Le découpage du monde qui est à l’origine de la langue française est très éloigné de celui qui est à l’origine des langues chinoises. Le découpage est à ce point différent qu’il provoque presque un hermétisme entre les cultures. Il renforce la sensation d’une profonde différence entre les deux cultures qui n’est pas sans entrainer un jugement de valeur mais c’est un autre problème. 
Le fait est que d’un côté, le nôtre, notre origine linguistique nous a amené à catégoriser, diviser jusqu’à atomiser (étymologiquement : atome signifie qui ne peut être divisé, c’est-à-dire, réduire en unités élémentaires distinctes la réalité).

Cette logique de division, de découpage est à l’origine de notre démarche scientifique et du cartésianisme (un trait principal du cartésianisme est d’avoir séparé le corps et l’esprit par exemple).

Les langues chinoises reposent sur un système complètement différent. Il ne se base pas sur des mots que l’on pourrait qualifier d’objectifs, génériques, mais sur des impressions, des subjectivités qui soulignent toujours l’importance de la relativité qui existe entre la personne qui parle, ce qu’elle cherche à dire et à qui elle le dit. L’importance dans cette différence, est que le système chinois privilégie la relativité et la subjectivité alors que notre système privilégie l’objectivité (illusoire) et la recherche d’un absolu, idéal donc impossible.

Cela ne veut pas dire que nous nous sommes fourvoyés, loin de là, cela signifie simplement que notre approche du monde est UNE approche du monde, et qu’aussi loin qu’elle puisse nous amener dans la connaissance, cette voie est limitée autant que balisée, délimitée.

De l’autre côté, la vision du monde asiatique est à l’origine de la philosophie dite « zen ». Plus qu’une philosophie, c’est une disposition de l’esprit, un « art de vivre » au centre duquel se trouve une conception unifiée du tout, cyclique, changeante, perpétuelle. La notion d’harmonie est centrale elle aussi : harmonie entre le corps et l’esprit, le féminin,  le masculin, le défini et l’indéfini, le fini et l’infini. 
Chaque pendant de ce qui est un binôme de notre point de vue contient en son sein son pendant opposé. Rien que cette dernière phrase est intéressante : elle reflète comment, avec nos mots, nous pouvons tenter d’approcher une réalité que nous ne pouvons pas appréhender avec nos instruments culturels. En faisant sien quelque chose d’étranger, on crée ce qu’on appelle un syncrétisme.

Derrière le langage et la culture, heureusement, il reste le plus important : la profonde égalité de chaque individu face à la nature humaine. La culture est ce qu’on appelle un « accident », une contingence,  par opposition à la nature, qu’on appelle par exemple « essence ».  
Par un effort intense, il est possible de s’extraire mentalement de sa culture pour sentir l’essence de la nature humaine, de la condition humaine. La condition humaine peut être définie très simplement : son critère fondamental est la finitude dans l’espace et dans le temps (la peau est la limite du corps dans l’espace ; la naissance et la mort sont les limites dans le temps). Ceci est une définition rationnelle, issue de l’observation. Ce peut être aussi une définition relative : elle est tributaire de la définition que l’on donne à la notion de limite, d’espace et de temps.

N’est-il pas plus intéressant de prendre en compte la relativité de toute chose plutôt que de s’efforcer de chercher une vérité catégorique ?

Le regain d’intérêt que l’on observe pour les spiritualités asiatiques ne traduit-il pas une inadéquation de notre vision du monde, comme si notre manière de voir était en train d’atteindre ses limites,  amenant de plus en plus de contradictions (crise écologique, économique, sanitaire)...

Je clos ici cette digression pour revenir au langage et au propos de Huxley : il faut court-circuiter le réflexe rationnel, « préserver un rapport direct et non conceptualisé au monde », donc favoriser une approche intuitive complémentaire à la raison pour connaître « autrement ».

Passons à un autre élément intéressant que je retiens de la lecture des « Portes de la perception ».
Le passage qui suit est un de mes passages préférés. Il présente l’idée d’une « valve de réduction » que j’aime beaucoup.
« Chacun de nous est, en puissance, l’Esprit en Général. Mais, pour autant que nous sommes des animaux, notre rôle est de survivre à tout prix. Afin de rendre possible la survie biologique, il faut que l’Esprit en Général soit creusé d’une tuyauterie passant par la valve de réduction constituée par le cerveau et le système nerveux. Ce qui sort, à l’autre extrémité, c’est un égouttement parcimonieux de ce genre de conscience qui nous aidera à rester vivants à la surface de cette planète particulière. Afin de formuler et d’exprimer le contenu de ce conscient réduit, l’homme a inventé et perfectionné sans fin ces systèmes de symboles et de philosophies implicites que nous appelons les langues. Tout individu est à la fois le bénéficiaire et la victime de la tradition linguistique dans laquelle l’a placé sa naissance, - le bénéficiaire, pour autant que la langue donne accès à la documentation accumulée de l’expérience des autres ; la victime, en ce qu’elle le confine dans la croyance que le conscient réduit est le seul conscient, et qu’elle ensorcelle son sens de la réalité, si bien qu’il n’est que trop disposé à prendre ses concepts pour des données, ses mots pour des choses effectives. »

La notion d’Esprit en Général est à prendre avec précaution. C’est une expression métaphysique très connotée. Certains l’appellent Dieu, d’autres l’appellent Vérité, Illumination, Nirvana, Eveil. Pour Huxley, elle traduit l’intuition que nous avons d’une réalité objective qui nous est normalement inaccessible, un Tout infini dont nous aurions l’intuition et dont nous serions une partie. Sous mescaline, la « valve de réduction » n’est plus « hermétique » et cet Esprit en Général « s’égoutte » alors dans son esprit. Lui est alors « révélée la splendeur, la valeur infinie et la richesse de signification de l’existence nue, de l’évènement donné et non conceptualisé. Au stade final de l’absence de moi, il y a une connaissance obscure que Tout est dans tout, que Tout est effectivement chacun. »

Posant que cet Esprit en Général existe, Huxley défini alors un processus naturel qui, tel un entonnoir  – la valve de réduction qu’est le système nerveux -, ne laisserait à la portée de l’esprit humain que ce qu’il lui est nécessaire de percevoir pour survivre.

Nous sommes ici très proches de mon postulat sur les échelles de perception, si ce n’est en plein dedans : « nous ne percevons de notre environnement que ce qu’il nous est nécessaire d’en percevoir afin d’interagir avec celui-ci, pour y évoluer ».

Je trouve son illustration mécanique (tuyauterie) intéressante bien que je n’y souscrive pas pleinement, surement par manque de connaissance en neuropsychiatrie… Je préfère l’idée que nous prenions simplement conscience de la relativité de notre expérience de l’environnement, que nous entretenions une posture humble face à la sensation vertigineuse de l’étendue de notre ignorance, que nous continuions à nous étonner, à chercher, étudier, mais surtout que nous soyons davantage à l’écoute de nos intuitions, que nous apprenions à nous oublier pour mieux être réceptifs à ce qui nous entoure. 

Que nous comprenions que ce que nous comprenons n’est qu’une partie d’un ensemble qui nous échappe, et que nous ne devons pas nous laisser aveugler par la puissance de nos capacités et le développement de nos connaissances  qui masque trop souvent, je le répète, l’étendue de notre ignorance.

Un point que je tiens à souligner également : je pense que le bouquin de Huxley est passé très souvent à côté de son potentiel heuristique pour le simple fait qu’il a été accaparé dans les années 60 et les suivantes, par des communautés qui ont vu en cet essai un plaidoyer pour l’usage des drogues. C’est dommage. Il contient de très fines analyses qui n’ont rien à voir avec la prise de mescaline et il importe de prendre un peu de recul quand on aborde cet ouvrage.

D'autres sujets intéressants sont abordés dans l'essai mais ils s'éloignent du sujet de cet article: la sensation de solitude irréductible de l'homme, des comparaisons avec le Grand livre des morts tibétains, une analyse du comportement addictif des gens en lien étroit avec le christianisme, un plaidoyer pour la contemplation.

Pour finir,  je renvoie à William Blake –« Mariage du Ciel et de l’Enfer »- auquel Aldous a emprunté le titre de son essai.

lundi 10 décembre 2012

Spartacus (série télé)


Spartacus est une série américaine diffusée actuellement. Il y a trois saisons pour l’instant que l’on peut voir :
Saison  un : « Le sang des gladiateurs » ; saison deux : « Vengeance » et entre les deux saisons, ce qu’on appelle préquelle : « Les dieux de l’arène ».

La préquelle se situe chronologiquement avant la première saison mais a été réalisée après pour une raison simple : l’acteur qui interprète Spartacus est tombé malade et ne sachant ce qui allait advenir de lui, on a fait une saison où il n’est pas présent. L’acteur Andy Whitfield est décédé et on a pris un autre acteur pour jouer dans la seconde saison. Une dernière saison est en cours de tournage, qui devrait avoir pour titre « La guerre des damnés ».

Voilà pour les détails introductifs.

Cette série est excellente à mes yeux pour plusieurs raisons.

D’abord, pour la violence graphique.
Le sang coule à flot et il faut parfois s’accrocher face à certaines scènes. Cependant, l’image est toujours belle. On trouve un trait graphique très proche de la bande dessinée. La violence montrée est à la fois réaliste et amplifiée, mais jamais glauque ou gratuite. L’écran se couvre de rouge, les épées des gladiateurs tranchent dans le vif, mais cette violence est contrebalancée par son expression graphique esthétique.

Ensuite, la violence charnelle des combats de gladiateurs est à la hauteur de la violence des propos et des actes des autres protagonistes.
Trahison et manipulation sont poussées à l’extrême. La vie des gens ne tient qu’au bon vouloir des uns et des autres, au profit qu’on peut tirer d’une personne à un moment. Ce moment révolu, il y a toujours un poignard opportun à porté de main ; un individu peu scrupuleux pour se charger d’un assassinat.

Autre chose de plaisant dans cette série : les dialogues. Qu’on regarde les épisodes en VO ou en VF, la langue employée est belle, elle aussi. Les mots sont réfléchis et harmonieusement agencés pour mieux servir les intentions traitres de son auteur, pour mieux tromper son auditeur.

Chaque épisode est un petit film saisissant. Le scénario est toujours finement brodé, la vilénie toujours plus obscure qu’on ne l’anticipe. C’est une série politiquement incorrecte, un tantinet provoquante, qui ne cherche pas à enjoliver un passé souvent romancé. Bien au contraire.

« Par la verge de Jupiter ! Ce suceur de queues de Solonnius tâtera de mon glaive s’il croit pouvoir se jouer de moi en ma demeure ! »

La parenthèse inattendue (émission télé)


Les chaines de télé sont de plus en plus nombreuses – on en attend encore plusieurs le 12 décembre- et les programmes, n’en parlons pas.

Il y a une dizaine d’années, on s’offusquait de la multiplication des émissions de télé-réalité et de leurs spin-offs colorés (dans le genre « Confessions intimes »). Ces émissions n’ont pas disparu de nos programmes mais depuis quelque temps, je trouve que la télé propose davantage d’émissions de meilleure qualité.

Biensûr, Arte et France 5 sont, à mes yeux, les plus enrichissantes. Et puis les séries télé sont pour certaines – nombreuses- excellentes, mais là, je m’intéresse précisément à l’émission de Frédéric Lopez sur France 2 «  La parenthèse inattendue ».

Quel est le concept ?

Dans une vieille bâtisse magnifique, en pleine nature, Frédéric Lopez rassemble trois personnalités qui – hormis le fait d’être des personnalités médiatiques- n’ont rien en commun et ne se connaissent pas.

Pendant 24 heures, de 10h du matin à 10h du matin le lendemain, ces trois personnes cohabitent. Frédéric leur propose des activités très simples (un tour en vélo, une promenade en barque, préparer le repas, etc…) tout en les invitant à partager leur histoire personnelle, revenant sur leur enfance, leur famille, leur début, leur analyse de leur célébrité, etc… Chacun revient sur son parcours, suscitant la curiosité des autres invités. Dans une humeur légère, parfois triviale et toujours prosaïque, les trois personnalités sympathisent, se découvrent des points communs, dévoilent leur simplicité. Sans fioriture, ils se révèlent fragiles, terriblement humains et attachants.

Contrairement à certaines émissions qui font appel à des témoins inconnus en quête de reconnaissance pour témoigner de choses plus dégradantes qu’intimes dont on rigole non sans éprouver parfois une gêne, ici, il n’y a aucun voyeurisme déplacé car les participants sont des personnalités habituées à être sous les projecteurs.

Ce que j’apprécie dans cette émission, c’est qu’elle témoigne d’un certain idéal que Frédéric se fait de la télé. Il part du postulat que le partage des expériences personnelles, dans la simplicité des activités quotidiennes, crée des liens de générosité, de sympathie, de confiance. Autant pour les participants qui, pour le coup, participent à une émission qui les éloigne des paillettes du showbiz, que pour les spectateurs qui découvrent que derrière la renommée, tout le monde est, au fond, semblable, quelque soit le degré d’extra-ordinaire qu’atteignent certains parcours.

Frédéric Lopez utilise finalement des ingrédients bien connus : l’interview de célébrités, l’immersion de gens dans un cadre particulier (des apprentis artistes dans un château, des bimbos dans un loft) pour nous concocter une recette bien plus digeste qui relève, à mon humble avis, le niveau souvent insipide de la grille des programmes télévisuels.

Frédéric Lopez avait déjà créé une émission super : "Rendez-vous en terre inconnue"

Russell et Kony


J’étais en train d’essayer de travailler un peu mais comme la neige ne cessait de tomber, je n’arrivais pas à me concentrer suffisamment. Je préférais regarder par la fenêtre.

J’ai ouvert une page internet et je me suis connectée à facebook, pour voir d’un œil distrait les derniers postes sur le fil d’actualité. Je suis tombée sur une vidéo partagée dont le titre m’a interpelée et je l(ai regardée.

Il s’agissait d’un film d’une trentaine de minutes relatant un mouvement qui a été créé en vue de mobiliser l’opinion sur Joseph Kony, en Ouganda. Kony  dirige un groupe, le LRA ( Lord’s Resistence Army) qui enlève des enfants pour en faire des soldats ; des petites filles pour en faire des esclaves sexuelles.

L’auteur du film, Jason Russell, raconte comment il a été touché par le discours d’un de ces enfants, Jacob, qui avait vu son frère mourir et qui pleurait en disant qu’il préférait se faire tuer que de continuer à vivre comme cela. Russell a décidé de s’engager dans une lutte visant à faire tomber Kony.

Il a créé un mouvement, « Invisible Children » et a cherché à mobiliser la communauté internationale à ce sujet. 

Comprenant que les dirigeants des USA ne s’intéressaient pas au problème pour la simple raison  que Kony ou l’Ouganda ne représentait pas une menace pour la sécurité américaine, Russell a décidé de trouver d’autres moyens d’agir. Il a utilisé les réseaux sociaux pour faire connaître Kony et dénoncer ses crimes. Il cherche à rendre Kony aussi célèbre qu’une star internationale, partout, pour que l’opinion fasse pression sur les politiques pour se débarrasser du criminel. Il interpelle des célébrités pour qu’elles passent le message et fassent ainsi réagir les politiques, pour qu’ils décident d’une intervention militaire. Le mouvement a pris une grande ampleur et approche de son but.

A la fin de la vidéo, Russell nous dévoila sa stratégie : propagation de la vidéo sur internet et appel au don.
Le film était plein d’enthousiasma, comme les américains savent le faire quand il s’agit de se mobilise rpour une cause juste. Russell montrait qu’il voulait laisser à son fils un monde meilleur, que nous avions le devoir de façonner l’histoire de l’humanité, etc… un tantinet messianique sans que cela ôte toute la légitimité de l’entreprise.

Avant tout commentaire intérieur ou prise de position, j’ai « googelisé» les différents protagonistes de la vidéo : Kony, Russell et Invisible Children…

Je n’ai pas été voir toute l’histoire de l’Ouganda et du LR qui, de toute évidence, est bien plus complexe que ne le laisse entendre le résumé de Russell. Je voulais voir ce que je pouvais trouver sur le mouvement Invisible Children, de l’extérieur.

Je suis tombée sur un article du Guardian traitant de Russell. Ce dernier aurait récemment et momentanément  « pété un cable ». Il aurait été arrêté dans la rue, nu, en train de se masturber et de taper le sol à coups de poings.

Ce qu’il dit, après coup, au guardian :

« My mind couldn’t stop thinking about the future – I literally thought I was responsible for the future of humanity. It started to get into the point where my mind finally turned against me and there was a moment that click, I wasn’t in control of my mind or my body.”

En gros, la notoriété aurait retourné le cerveau de notre jeune père de famille à force de se prendre pour le sauveur de l’humanité qu’il n’est apparemment pas.

Sur de nombreux forums, les points de vue se multiplient.
Certains pensent que son action est louable et que le gouvernement américain a cherché à le décrédibiliser. D’autres estiment que Jason est un charlatan qui, via son organisation « Invisible Children » cherche à financer l’armée ougandaise pour tuer Kony et critiquent alors sa stratégie d’ingérence militaire sous couvert d’humanitaire. D’autres encore montrent que Jason s’est énormément enrichi grâce à son projet.

Bref, ce que je vois, moi, c’est qu’on ne sait plus que croire tant les informations prolifèrent. Il faut redoubler de vigilance et consacrer un temps fou à dépiauter les données quand on cherche un peu d’objectivité.
Ce que je crois, par contre, est relatif.
Si Jason a pété un câble, et apparemment c’est le cas, c’est son explication qui m’intéresse. Pris dans l’engrenage d’une cause juste qui l’a touché profondément parce qu’il a été en contact direct avec un enfant soldat, Jacob, notre homme s’est senti investi d’une mission. Un peu comme quand une prise de conscience nous tombe sur le coin de la tête, nous fait voir des étoiles et nous impose de réagir.

Lorsque cela arrive dans un pays où la culture est percluse de bonne volonté messianique et de puritanisme,  les réactions sont démesurées. Le tempérament américain est effectivement propice à susciter ce genre d’envolée psychologique à saveur messianique.

L’intention de Jason a été dépassée par la puissance des moyens qu’il a mis en œuvre, et il n’a pas réussi à gérer la visibilité qu’il a soudainement gagnée.

Ensuite, sur le projet lui-même, je n’adhère pas à l’ensemble de la stratégie. Dès que l’on demande des sous, de toute façon, je suis sceptique (c’est comme le projet de James Redfield de la « Prophétie des Andes » : bouquin intéressant, intention sympathique de l’auteur, mais complètement décrédibilisée par sa conclusion qui confine au prêche, à l’aumône et à la sectarisation).

Faire connaître au plus grand nombre de citoyens, par les moyens existants, qu’un criminel tue impunément des enfants, oui, biensûr, c’est une bonne démarche.
Savoir, c’est pouvoir. Qu’un individu se mobilise pour une cause, là aussi, tant mieux. Il y a tant de causes à défendre, tant de profiteurs qui tuent, d’une manière ou d’une autre mais toujours impunémnt. Par contre, la violence n’est jamais une solution. Et créer une association qui, certes, construit une école mais qui vise avant tout à mettre à mort un criminel, je suis sceptique.
Des centaines d’organisations existent qui ont montré patte blanche, c’est vers elle qu’il faut se tourner. Demander de l’argent pour offrir aux concitoyens un moyen de sentir qu’ils participent à une cause juste ne résout rien.
Des stratèges entrainés à résoudre ces problèmes d’atteintes à la vie et aux droits des hommes sauront comment mettre un terme aux actions de Kony. On sait que les Etats ont en leur possession plus de moyens qu’on ne le saura jamais pour atteindre un but militaire, géopolitique – pour peu qu’il y ait des intérêts  économiques importants en jeu.

La question de l’ingérence militaire est une question qui ne devrait plus être pertinente de nos jours. Envoyer l’armée d’un état ou d’une organisation pour guerroyer dans un autre état, c’est une erreur.
Prendre contact avec quelques structures civiles pour envoyer une aide humanitaire, c’est plus raisonnable. De nos jours, la transnationalisation des structures rend obsolètes les stratégies interétatiques. Les organisations extrémistes, fondamentalistes, sont quasi invisibles si on ls cherche géographiquement. Il faut chausser les lunettes de la virtualisation des mouvements pour voir quelque chose. Et quand on voit quelque chose, un flux, un point, encore faut-il savoir quoi faire de cette information.

Bref ce que je retiens, c’est comment on peut tomber sur une vidéo qui va susciter un grand engouement, puis comment on trouve ensuite sur des forums et sur des sites internet des avis tous plus contradictoires les uns que les autres, créant ainsi plus de confusion, créant  à la suite – et légitimement- un désabus des gens. Ce qui m’intéresse, c’est la manière très « américaine » dont la vidéo souligne un tempérament messianique efficace, jouant sur le levier de l’émotion. Et ce qui m’intéresse, c’est ce qui a pu se passer dans la tête de Jason Russell.

Pour voir la vidéo

Un article du Guardian

Un forum

mercredi 5 décembre 2012

Le Temps

Au cours de mes réflexions, il y a quelque temps de cela, j'ai du faire une parenthèse sur la question du temps.
Le temps du point de vue physique/ métaphysique.
Depuis des années, je me rangeais aux côtés de Kant en considérant que l’espace et le temps sont des « formes a priori de l’esprit ». Tout ce que perçoivent nos sens est naturellement (c'est-à-dire instinctivement) inscrit dans un temps et dans un espace. Ce temps et cet espace n'existent pas en dehors de notre esprit. Ce sont des structures intuitives propres à notre capacité de perception et étrangères au monde "objectif" (si tant est que ce monde puisse être concevable).

La réalité est perçue via le prisme de notre entendement qui l'inscrit naturellement dans l'espace et le temps, comme l’eau - contenu (ie la réalité)- épouse les contours d’un vase - contenant (ie notre esprit).

Je n’étais plus satisfaite de cette vision. Je la questionnai donc.

Pourquoi, saperlipopette, ne pouvons-nous concevoir le temps autrement que par une flèche, une ligne, une rivière, linéaire ou circulaire ? Avec les notions de sens  et de direction, de courant, que cela induit ?

Entre les millisecondes, les siècles et l’inconcevable éternité, le temps n’est-il qu’un découpage conventionnel de la réalité afin de nous la rendre rationnellement préhensible?

Une mise en « épochè » du « temps » se révèle être un exercice particulièrement ardu, quand on ne peut, premièrement, délimiter les contours de la notion. 
La mise en "épochè " s'apparente au travail d'un biologiste qui, l'oeil collé au microscope, tente avec une petite pince de séparer la molécule qu'il veut étudier du reste de la substance dont elle est issue. En philo, il s'agit d'une mise entre parenthèses de la réalité pour ne garder que l'"objet" qui nous intrigue. ( Pour en savoir plus, voir la phénoménologie de Husserl)

Dans le cas de l'étude du "temps", il  nous faut alors prendre l’ensemble de la réalité et peu à peu lâcher du lest, comme une montgolfière cherchant à s’élever.

La première étape par laquelle je suis passée consiste à dépouiller le «temps» des notions de « sens », de « direction » et de ses conventions de mesure. Pour cela j'ai mis de côté les notions de "passé", de "présent" et de "futur", d'"origine" et d'infini".

Que reste-t-il après cela ? Parmi tant de choses, voici les raisonnements les plus intéressants.

Le temps et la matière sont effectivement indissociables.
La question du « vide » est incontournable pour saisir le lien fondamental qui existe entre l’ « espace » et le « temps ».
Dans la réalité qui nous entoure et que nous connaissons, le vide absolu n’existe pas. A chaque fois que l’on parle de vide, on parle de basses pressions mais aucunement d’absence totale de particules – donc de matière (voir l’invention de Torricelli, par exemple). Les notions de forces, d’énergies, de températures que l’on peut retourner dans tous les sens nous permettent de modifier des processus, de les ralentir (la congélation comme moyen de conservation, par exemple), mais pas de les arrêter de manière absolue.

Concevoir une absence totale de matière demande de concevoir une absence totale de mouvement, donc une extraction du temps.


On voit bien que la matière est en mouvement et ce mouvement-là est nécessairement lié au mouvement que nous appelons « temps ».

On parle donc de la dimension spatio-temporelle pour définir le mouvement dans lequel toute chose s’inscrit, (notamment la «vie»).

Voici quelques propositions auxquelles on abouti :
- Le temps est un mouvement ;
- La matière est indissociable du temps ;
- La matière n’Est que parce qu’elle se manifeste dans le temps.

On arrive donc à cette même conclusion qu’Einstein et d’autres scientifiques : l’espace (la matière dans ses trois dimensions) et le temps sont deux expressions d’un même continuum.

Cela dit, tout cela ne nous avance pas beaucoup plus sur la question du temps, il faut secouer davantage la notion en faisant appel à d’autres disciplines scientifiques pour voir ce que l’on peut en apprendre.

Aux premières heures de l’humanité, les hommes ont observé des récurrences dans la nature : la succession de « jour » et de « nuit » ; de périodes fraiches, de périodes plus chaudes, ou pluvieuses, en tout cas nous avons  observé des changements dans la nature, toujours récurrents. Les choses passaient et revenaient. Comme il devait être effrayant de voir le cycle interrompu par un énorme orage, une éclipse : on devait craindre la fin de son monde tel qu’on l’avait connu.

Pour communiquer entre nous, nous avons fait ce que nous savons aujourd’hui faire de mieux, nous avons établi des conventions. Nous avons conventionné le temps en le découpant. Le découpage du temps est une interprétation de ce que nous avons perçu, observé, de ce qui nous entoure, pour interagir avec cet environnement.

Le temps que nous concevons est forcément le temps «pour nous». Là encore, un petit détour par la physique est éclairant.

Il existe en science physique une grande énigme que nous n’avons pas résolue (parmi beaucoup d’autres, biensûr). Il s’agit de la question de la «discrétion» et de la «continuité».

Nous ne savons pas, par exemple, si la lumière est une onde continue ou un flux de particules discrètes. Nous ne savons pas si une onde continue est composée de particules discrètes. Nous avons beaucoup de mal à concevoir la continuité. Par exemple, on nous enseigne qu'une droite, en géométrie, est un ensemble de points.

Notre rationalité nous pousse à penser, a priori, que la réalité se découpe en petites choses, et ce jusqu’à un infini supposé. C’est ainsi qu’est née la physique quantique, c’est ainsi que Newton a inventé le calcul différentiel utilisé en mécanique des fluides, par exemple. C’est aussi pour cela que l’on utilise la notion de fréquence : nombre de mouvements dans un laps de temps défini, et ce découpage est à la base de la science des structures : les mathématiques. ( Voir aussi le concept de monade chez Husserl et Leibnitz)

Nous structurons notre réalité à l’aide de conventions basées sur le postulat de la «discrétion» de notre réalité. Le temps est ainsi divisé en éléments discrets que l'on appelle "instant". Les instants sont placés les uns devant ou derrière les autres, pourquoi pas côte à côte, mais toujours selon une logique spatiale. Puis l'écoulement du temps dans l'espace amène un "instant" à succéder à un autre. C'est comme cela que nous percevons le temps, de notre point de vue.

La physique quantique est, elle aussi, confrontée à un problème irrésolu, passionnant et révélateur: la place de l’observateur par rapport à l’objet observé. 
En effet, il apparaît que le simple fait d’observer un objet modifie le comportement de cet objet. Une particule observée peut être, pour l’observateur, « partout » à la fois, devenant une onde, mais restant particule… un vrai casse-tête… (Voir le chat de Schrödinger et l'indétermination quantique).

En physique classique, on sait que notre temps se dilate ou se condense en fonction de l’endroit où se trouve l’observateur et de ce qu’il observe. Depuis un point situé au niveau de la mer et un point, au même moment, situé sur le sommet d’une montagne, il y a quelques microsecondes de différence. De même que le montre la force gravitationnelle, le temps se « courbe » sous l’effet de la masse physique d’un corps.

La question de l’objectivité et de la subjectivité est présente dans toutes les disciplines. C’est même une part très importante de la réflexion épistémologique.

Je pense que l’objectivité est un idéal qu’on peut s’efforcer d’approcher mais qu’on ne peut atteindre. On parle alors d'objectivation pour qualifier cet effort cognitif  de distanciation et d'abstraction.

Toujours est-il qu’en matière de temps, on peut partir de la proposition suivante :

Le temps que nous percevons est le temps « pour nous », le temps de la matière, le temps physique, le mouvement de la vie. Un temps qui est rationnel autant que subjectivement – individuellement- vécu. Notre temps est un instrument. Un instrument de mesure. Mais il ne se réduit probablement pas à n’être que cela.

Je pense que l’intuition est une immanence, une extraction de notre temps donnant accès à un autre temps, à une multitude de temps…

Toutes ces réflexions en amènent d'autres: la relation entre le temps et la vie implique une réflexion sur la relation entre le temps et la mort, par exemple. On peut également penser les notions d'infini, de passé, présent, futur, d'origine, etc...

mardi 4 décembre 2012

Action!


Bon, après 20 ans de discours plus ou moins engagés sur les menaces écologiques, la crise qui n'en finit pas de se résoudre, etc..., il serait temps de se bouger les fesses non?
On attend peut-être qu'un drame se produise franchement, un cataclysme ou je ne sais quoi de radical. Il n'y a que ça qui fasse réagir. C'est vrai que les espèces vivantes qui disparaissent chaque jour, ce n'est pas suffisamment grave; après tout c'est notre planète, on en fait ce qu'on veut, on est tellement plus fort...

Au cours de ma vie, j'ai rencontré tellement de gens biens, de gens vrais que je reste positive sans trop comprendre pourquoi. Parce que je vois bien que notre monde marche à l'envers, notre monde est dévastateur, on ne peut que s'en rendre compte, et s'en désoler n'est pas suffisant!

La société civile doit se mobiliser. Au sein de chaque famille, il faut faire un choix. C'est à ce niveau que l'on peut faire pression. On doit sortir des sentiers battus, soutenir les gens qui osent s'engager. Je ne sais pas, commencer par chercher près de chez soi une association, acheter moins et mieux, délaisser les tablettes tactiles, il faut faire quelque chose! Il faut qu'on se remette sérieusement en question.
Qu'est-ce qu'on veut vraiment: être en sécurité chez soi, dans son petit confort, derrière sa porte fermée à clé et tant pis pour les autres, et tant pis si le monde s'écroule autour de nous? Ou bien voulons-nous être responsables et prendre soin de notre planète.
Je l'ai déjà dis et je le répète, nous tuons nos enfants de nos propres mains! On pollue, on épuise, on jette, on consomme avec tant d'indifférence que c'en est arrogant, méprisant. Et on ne peut plus se contenter de dire que nos politiques sont impuissants ou manquent de volonté. Le système ne tient en place que parce que nous en tirons "bénéfices", il repose sur les citoyens qui consomment et travaillent! Alors si l'on commençait à boycotter tout ça, à mettre en place un système parallèle de solidarité de proximité, petit à petit.

Là comme ça, un exemple: Madame Planchon, ancienne chef de projet chez XX, décide d'enseigner aux petits enfants de son quartier en échange de légumes cultivés par les parents du petit Gauthier et divers services des autres parents. On limite le nombre de voiture par mètres carrés, M. Ledoux devient chauffeur en échange de nourriture et autres services. On réserve une aire de jardinage par surface délimitée, et ceux qui veulent cultiver cultivent et donnent une partie à d'autre en échange de divers services, etc... C'est en train de se faire mais ça doit continuer et se propager.

L'individualisme n'a vraiment pas que des bons côtés et il est temps de regarder les choses en face. Idem pour la "liberté" individuelle que nous croyons avoir: la liberté de quoi, de profiter? La liberté de s'engager et protester oui! au lieu de courir vers plus de technologie, vers une illusoire immortalité et autre vanité, toutes ces choses érigées en valeurs par notre mode de vie, arrêtons-nous! Voyons ce que nous pouvons faire avec nos deux mains et notre cervelle pour tenter de changer les choses! Organisons-nous avec nos voisins, nos amis, en famille et petit à petit, par contagion, étape après étape, des centaines d'idées vont mûrir  Il faut juste s'y mettre.

Si nous tournons le dos à notre système, celui-ci sera bien forcé de se tourner vers nous. Toutes les richesses spéculatives qui nous entourent ne sont rien s'il n'y a plus de demande sur le marché de la grande consommation. A nous de défendre une autre idée de la richesse.

Quelques associations pour infos:

Humanité et biodiversité - Hubert Reeves - page facebook
Humanité et biodiversité - Site web
Mobilisation pour la forêt amazonienne - Cacique Raoni
Les amis de la terre - trouvez une antenne locale près de chez soi, se renseigner...
Intelligence Verte - page facebook
Greenpeace France
Comité français pour la solidarité internationale

et tant d'autres à trouver près de chez soi.

On peut lire Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi, Marie-Monique Robin, Albert Jacquard, Joel de Rosnay, Nicolas Hulot, etc...




lundi 3 décembre 2012

Et la Raison dans tout ça



Nous sommes peu nombreux à avoir une connaissance approfondie du fonctionnement de notre corps.
Nous respirons sans y penser, notre coeur bat sans que nous nous en rendions compte, le sang circule, les cellules se régénèrent et nos organes remplissent leur fonction, incessamment. Un biologiste a une idée à peu près claire de "comment ça marche", mais nous autres...
A  défaut d’avoir cette connaissance, nous sommes aussi très peu nombreux à chercher à appréhender cette connaissance du corps au moyen de nos perceptions ou de nos sensations.

Prendre quelques minutes pour tenter de ressentir ce fonctionnement silencieux.

Cependant nous vivons avec cet organisme étranger, faussement familier, sans grande curiosité à son égard si ce n’est, parfois, un certain émerveillement face à son mystère.

Nous passons à côté de nous-mêmes, bordés  d’œillères, courant après la réalisation de schémas de vie sociale, souvent mus par la crainte de notre éphémère condition.

Ceci dit, nous faisons de même avec le monde qui nous entoure, notre environnement. Armés de notre rationalité, nous « connaissons » un monde que nous adaptons à ce que nous percevons de lui et de nous-mêmes, laissant de côté l’intelligence du cœur trop souvent en contradiction avec notre rationalité.  

Conséquence : nous détruisons à la fois notre planète et notre organisme.

Nous sommes tombés malades.

D’un autre côté, notre nature humaine s’exprime au travers du peu de place que nous lui laissons (rêves, intuitions, émotions) et malgré nos tentatives pour maîtriser cette nature.
Elle s’exprime aussi dans notre besoin de comprendre.
Ce besoin de comprendre nous a amené à tomber amoureux de la Raison qui loge en notre cerveau et à lui donner à traiter à elle-seule tout objet de questionnement, faisant fi de nos intuitions quand ces dernières ne sont pas validées par la Raison.

Notre compréhension est rationnelle et ce n’est pas suffisant.

Ce n’est pas suffisant si nous exploitons nos connaissances comme étant des vérités abouties -absolues- et les imposons à notre environnement.

Nous avons de ce fait amélioré notre condition et repoussé l’échéance mortelle mais de manière provisoire et illusoire.

La Raison est un excellent instrument, un trésor à notre portée, mais la beauté de cette faculté ne doit pas nous aveugler face à la relativité des fruits de son travail.

1re V. du 5/11