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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

vendredi 31 mai 2013

Du point à la ligne

Nouvel article, avec, comme d'habitude, plein d'illustrations et de choses légères...

C'est un article de métaphysique, ce qui veut dire que je ne fais que questionner des concepts, c'est donc plutôt abstrait, et forcément indigeste pour beaucoup...
Cependant je fais l'effort de rester la plus claire possible, si l'on passe les deux ou trois premiers paragraphes introductifs. J'en profite aussi pour partager un "feedback", qui est une méthode de travail.

Alors qui m'accompagne?


jeudi 30 mai 2013

Le devoir de lecture

Je me permets, sur cet espace de liberté d'expression qu'est le web, de donner mon avis, c'est gratuit. Aujourd'hui, je souhaite dire un mot sur la vulgarisation scientifique.

Vous n'êtes pas sans savoir que depuis plus d'un an, une petite curiosité m'a entraînée dans le monde compliqué des sciences physiques et mathématiques. Venant de la science politique et de la philosophie, je m'étais intéressée à ce que l'on peut appeler le "cosmos" des philosophes, c'est-à-dire, en gros, l'interprétation philosophique des dernières découvertes scientifiques sur l'univers. Mon bagage ne me facilitait en rien l'appréhension des concepts scientifiques propres à la physique ou au mathématique. Je me suis naturellement appuyée sur les ouvrages de vulgarisation, les lisant; les relisant, les uns après les autres et en lecture croisée pour commencer à cerner le début d'un eurêka.

De manière générale, on distingue les sciences humaines des sciences dites dures. Il est vrai que les méthodes diffèrent entre ces deux grands domaines et il est surtout vrai que les principes régissant les sciences dures ( des principes mathématiques) ne sont pas les plus pertinents pour appréhender l'étrange sujet d'étude qu'est l'homme. Transposer des principes mathématiques aux phénomènes sociaux est même très hasardeux. Ceci peut expliquer en partie pourquoi nombre de "socio-scientifiques" accordent peu d'égards aux travaux de mathématiques pures. Il existe une tension presque palpable entres les tenants des sciences dures et ceux des sciences humaines.Cette tension est fort dommageable si l'on considère qu'au fond, on étudie tous la même chose.

Ainsi, la réflexion philosophique autour des grands concepts scientifiques (force, énergie, matière, vie, perception..) est-elle souvent l'apanage des initiés, en tout cas de nos jours, depuis que les disciplines se sont infiniment diversifiées. Les grands philosophes du passé étaient cependant presque tous des hommes de sciences (mathématiques, physiques). Comment en effet repenser la place de l'homme dans le grand tout, au 17ème siècle, si on ne maîtrise pas les idées révolutionnaires de Copernic et Gallilée? Plus récemment, comment penser par exemple le concept de temps si l'on ignore ce que nous en dit la physique quantique. La réflexion sur le monde doit en partie reposer sur la "connaissance" de ce monde.

J'en profite, ici, à cet endroit précis pour rappeler qu'étymologiquement, le mot "mathématique" vient du grec matematika, qui veut dire "connaissance". En un sens, et pas le moindre, la mathématique est un processus de connaissance. Or de nos jours et pour la plus grande partie d'entre nous, on entend par "mathématique" un corpus de connaissances obscures.

Il existe aujourd'hui une barrière entre, d'un côté, les sciences physiques, mathématiques et toutes les disciplines qui en découlent et de l'autre côté les sciences humaines ( histoire, sociologie, histoire de la pensée, etc...) et cette barrière n'est pas, fondamentalement,  épistémologique. Ce n'est pas la différence de point de vue de l'étude ou de méthodologie qui rend ces deux conceptions scientifiques fondamentalement différentes, non. C'est "simplement" le manque de communication.

La communication interdisciplinaire est devenue très compliquée parce que les disciplines - de plus en plus nombreuses- développent leur propre langage. Quand ce langage est fait de mots, les concepts compliqués peuvent être appréhendés par un "non-initié" moyennant un effort raisonnable ( comme en psychologie ou en philosophie). Quand ce langage n'est plus fait de mots, comment le "non-initié" peut-il appréhender quoi que ce soit? Les mathématiques sont pour la plupart de nos contemporains une discipline impénétrable, effrayante, voire aussi utile qu'un sudoku. C'est un fait qui est dû à l'approfondissement tous azimuts du fonctionnement des phénomènes, qui engendre à son tour la spécialisation et la multiplication des disciplines. Cela impressionne et rebute facilement tout individu qui souhaiterait se faire une idée de l'état des connaissances.

D'un autre côté, depuis presque trois décennies maintenant, on entend traîner dans le grand commentaire médiatique l'idée d'une crise idéologique, d'une perte de sens. "Tout va trop vite et s'accélère " (information et communication), "repenser la mondialisation"( notions d'identités nationales, territoriales, pratiques commerciales).

Les grands idées ( libéralisme, individualisme, capitalisme, holisme, démocratie,...) s'effritent et perdent de leur superbe car trop de contradictions -par exemple les drames écologiques et sanitaires- émergent autour de nous et nous poussent à remettre en cause nombre de nos pratiques et croyances érigées en dogmes et certitudes.

Le doute grandit, la peur l'accompagne. C'est la crise. Or une crise n'a en soi rien de péjoratif, c'est une transition qui accompagne une remise en cause. Elle a beau être douloureuse et compliquée, elle n'est pas grave et désespérée. On a le tournis et on est dans le flou, mais ça ne dure que le temps nécessaire à trouver de nouveaux repères. Définir de nouveaux rapports entre les hommes, et entre les hommes et le monde.

Où pouvons-nous aller chercher ces nouveaux repères?

J'observe -depuis que j'y prête attention- un phénomène qui prend de l'ampleur et qui me semble très important: le nombre croissant d'ouvrages de vulgarisation scientifique qui est proposé au grand public.
Lorsqu'un scientifique prend la décision de partager une partie de ses connaissances avec le plus grand nombre, le travail qu'il fournit pour traduire ses propres connaissances en un langage compréhensible relève de la virtuosité. Bon nombre de ces ouvrages de vulgarisation sont donc des trésors à notre portée.

Si l'on veut repenser les choses, il faut y mettre de la bonne volonté. La bonne volonté commence par faire l'effort de lire ces ouvrages. Ne serait-ce qu'un seul.
Quand certains des esprits les plus brillants au monde proposent de manière accessible leur savoir au grand public, le grand public se fait-il pas un devoir de lire leurs propos?

Par exemple, la physique quantique a été inventée suite à des découvertes faites à la fin du 19ème siècle. Ses grands principes sont "connus" depuis les années 1920. Pour en tirer des applications pratiques - téléphones, ordinateurs- , on se bouscule, mais pour en tirer une nouvelle vision du monde, une "cosmologie", on se presse moins et c'est bien dommage. Cela fait presque un siècle qu'on ne fait rien de ce que nous dit la physique quantique sur le monde.

Ne trouvez-vous pas qu'il est aisé de critiquer, déplorer, se plaindre de toute chose alors même que pour la plupart d'entre nous, nous ne comprenons pas grand chose de ce qui se passe? Critiquer et déplorer ne sert à rien si l'on ne propose pas. et pour proposer, il faut matière à proposer. Et cette matière n'est pas si loin.

En effet, les bouquins de vulgarisation sont nombreux, pour ceux que cela intéresse:

ainsi on pourra lire Albert Jacquard, Etienne Klein, Stephen Hawking, Hubert Reeves, Simon Sing, Marcus du Sautoy, Keith Devlin, Brian Greene, Sven Ortoli, Denis Guedj, Christophe Galfard, etc, etc sans oublier la collection "Le monde est mathématique" présentée par Cédric Villani. Tous ces gens, détenteurs de secrets sur notre monde, ne cherchent qu'à les partager avec leurs contemporains. Il y en a pour tous les goûts, alors soyons curieux, soyons responsables et courageux.

Il ne s'agit pas d'accumuler des connaissances en quantité, l'idée est d'apprendre à regarder autrement ce que nous avons sous les yeux et dans notre tête...

Hop hop hop, la librairie, c'est par là...

mercredi 15 mai 2013

Correspondances




Aujourd’hui, je vous propose de partir à la rencontre des fabuleuses correspondances. Le concept de correspondance tel que je l’entends est très riche de signification et le meilleur moyen de l’introduire est poétique. Voici le poème de Baudelaire extrait des Fleurs du Mal :

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.


Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,


Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens
.

Quand j’ai découvert le poème de Baudelaire en classe de Première, il m’a marquée car j’y ai perçu quelque chose de vrai sans trop savoir quoi. Bien plus tard, je me suis souvenue de ce poème alors que je réfléchissais, tout simplement. L’idée de correspondance qu’il propose, au-delà de l’explication de texte qu’on en fait au lycée, m’a paru être un reflet imagé du processus de connaissance. C’est cela que je souhaite développer maintenant.
A chaque instant, nous percevons des sensations et des idées nous traversent l’esprit. Nous n’y prêtons pas souvent attention. Il n’empêche cependant que nous sommes en constante interaction avec ce qui nous entoure. Inconsciemment, toutes ces informations se lient entre elles, se questionnent et se répondent, se font échos, si bien qu’intérieurement nous nous construisons un petit monde fait de repères que nous comprenons, nous nous construisons un cadre dans lequel nous évoluons. Ce petit monde intérieur n’est pas dépourvu de contradictions, bien au contraire. Ce un petit monde est un équilibre fragile.
Que se passe-t-il lorsqu’on prend le temps de questionner ce petit monde intérieur ?
On se rend tout d’abord compte de sa fragilité. On se rend compte que les bases sur lesquelles il repose sont extrêmement confuses. On se rend compte que beaucoup de choses sont davantage ressenties que raisonnées. Lorsque l’on réfléchit sur quelque chose, on cherche généralement à raisonner à partir du ressenti.
Le ressenti relève de l’intuition, et les intuitions sont souvent trompeuses. La raison semble être bien plus fiable mais elle a son lot de défauts. (Voir la toute puissance de la raison)
En fait, intuition et raison, ressenti et raisonné sont inextricables. Je dirai plus précisément que la raison ne peut exister sans l’intuition, sans le ressenti. Il est ainsi vain de vouloir faire taire cette dernière sous prétexte que seule la raison est source de connaissance. La raison est source de compréhension, mais la compréhension seule n’est pas connaissance.
La compréhension consiste à révéler un maillon de la grande chaine de causalité. Pourquoi B ? Parce A, pourquoi A ? Parce que X, et ainsi de suite, telle une infinie mise en abîme qui plonge au fin fonds de la métaphysique et de la foi.
Comprendre signifie étymologiquement, prendre avec soi. C’est-à- dire ramener quelque chose à soi, à son monde, le faire sien, lui trouver une place dans le grand ensemble des choses admises.
Qu’est-ce que comprendre si ce n’est établir une correspondance entre l’extérieur et soi ? Comprendre, c’est révéler des ponts entre soi et le monde. Comprendre, c’est établir des correspondances entre notre intériorité et le monde qui nous entoure. En ce sens, comprendre c’est ramener le monde à soi mais c’est aussi se replacer soi-même dans le monde. C’est se remettre en question. Comprendre, c’est partir de soi et aller vers l’extérieur, l’autre. Car un pont s’emprunte dans les deux sens. Comprendre, ce n’est pas ajouter une brique de certitude à son petit monde dans un semblant de fortification. Comprendre c’est  s’ouvrir. C’est emprunter les ponts, franchir l’autre rive.
Qu’en est-il de la connaissance ? La connaissance est une compréhension sage. Elle commence quand on emprunte les ponts.
Bon, c’est une bien jolie métaphore que tout cela mais Baudelaire, lui qu’est-ce qu’il vient faire là.
Eh bien Baudelaire, dans ce poème, nous donne un bel exemple de connaissance.
Une connaissance autre et non raisonnée. Il nous parle de la sérénité qu’apporte la contemplation. Les ténèbres de l’inconnu peuvent effrayer, mais, nous dit-il, ces ténèbres s’estompent face à la familiarité confuse que nous inspirent les choses que nous percevons. Comment cela ?
Prenons le poème au pied de la lettre. Imaginons que nous sommes seuls dans une forêt, certains craquements peuvent nous effrayer, certaines formes peuvent apparaitre indistinctement et ne pas nous rassurer. Nous pouvons choisir d’avoir peur et nous enfuir, ou bien nous pouvons choisir de rester, de continuer à percevoir cette forêt encore plus pleinement. Nous percevons des sons, des odeurs, des couleurs et au lieu de chercher à les analyser un par un, laissons-les se répondre. L’apparent chaos fait alors place à une harmonie ressentie et ineffable. Ici, un battement d’ailes dans les feuilles d’un arbre, là, un drôle de buisson plein d’épines, à nos pieds, une pierre en forme de tétraèdre anormalement régulier. La forêt nous devient familière, nous sommes plantés au beau milieu de la vie.
Là aussi c’est une métaphore car nous sommes constamment au beau milieu de cette forêt. S’il est intéressant d’en analyser les moindres recoins, parfois une simple inspiration nous apporte toute la confiance dont nous avons besoin.
Les correspondances que Baudelaire décrit peuvent être interprétées de différentes manières. Une de ces manières correspond au phénomène de synesthésie.
Synesthésie ?
Une personne douée de synesthésie est une personne qui associe sans que ce soit volontaire, des couleurs à des formes, des sons. Communément, on cite l’exemple de quelqu’un pour qui la lettre A est verte, B violet, C jaune, etc. « Ces lettres forment un arc-en-ciel alors que je les lis ». De même, certaines personnes perçoivent des couleurs sur certains sons. D’autres ont une synesthésie numérique, c’est-à-dire qu’ils ont une sorte de carte mentale où les nombres sont localisés. D’autres encore ont une synesthésie gustative, certains mots ont un goût. Aussi, certains associent une personnalité à chiffres, des lettres, des jours, des mots (« 4 est honnête, K est une femme responsable » etc.). Dans tous les cas, il s’agit de correspondances involontaires, instinctives, innées. Il est probable qu’à différents degrés nous soyons tous doués de ce genre de facultés de perception. Les enfants sûrement davantage ; l’apprentissage de notre réalité estompant sans doute ces manières de percevoir.
Lorsque nous sommes concentrés et que nous réfléchissons sur une chose, il se passe quelque chose de très intéressant.
J’associe la concentration à une forme de méditation.
D’un côté, il est entendu que la méditation consiste précisément à déconcentrer toutes ses pensées, les laisser passer sans plus s’y attarder, afin que la conscience s’apaise, « s’élève » diront certains. Afin surtout que la conscience et l’inconscient se rejoignent.
La concentration est à mon avis une forme de méditation. Lorsque l’on est concentré sur une chose, une question, une idée, tout ce qui nous entoure disparaît. On ne perçoit plus grand-chose d’autre, la pièce dans laquelle on se trouve perd toute sa réalité. Notre pensée est focalisée sur un point et, comme j’aime le dire, elle se sublime elle-même.
Quand on est concentré sur une idée, on « envoie » cette idée dans les profondeurs de notre esprit ( j’emploie plus généralement l’expression du « cosmos de notre esprit » en référence à l’étendue insondable de l’esprit humain, comparable, si l’on veut, à l’étendue de l’espace). Dans ces profondeurs, des résonnances ont lieu. Ces résonnances sont guidées par l’intuition. Quand une résonnance a lieu, cela correspond à ces images communes du genre « ça a fait tilt » ou « la petite ampoule s’est allumée ». Toujours est-il que la résonnance provoque une sensation, une petite montée d’adrénaline. C’est à ce moment que la raison va s’activer pour formaliser cette résonnance, lui donner corps, l’inscrire dans notre conscience, la démontrer en établissant des correspondances raisonnées, c’est-à-dire en reconstituant la chaine de causalité.
Toutes les résonnances ne peuvent être démontrées. Je considère que les résonnances sont des correspondances intuitives, c’est-à-dire des correspondances ineffables, ressenties. La petite montée d’adrénaline est le pendant sensitif de la connexion intuitive qui vient de s’établir. Il est probable que la grande force de la raison soit de réussir à donner une interprétation des correspondances quand il est nécessaire qu’elles soient formalisées.
Il est donc probable que de nombreuses résonnances aient lieu en notre for intérieur sans qu’il y ait nécessité de les formaliser.
Comme je l’ai déjà souligné dans des articles précédents, je pense que l’intuition joue un rôle bien plus important qu’on veut bien le reconnaitre généralement. Elle nous induit si souvent en erreur qu’il est compréhensible qu’on s’en méfie, mais par la même occasion nous nions trop souvent la place primordiale qu’elle occupe dans notre fonctionnement. Si l’on va plus loin, l’intuition, l’émotion, l’empathie et la compréhension sont inextricables.
Tout cela étant dit, je souhaite donner un exemple des correspondances qui s’opèrent lorsque l’on est concentré.
Rien de tel que les mathématiques pour étayer notre réflexion.
Un mathématicien est un être doué d’une extraordinaire capacité  de concentration. Les plus grandes avancées dans le domaine ont été faites par des hommes dont l’imagination, la créativité, la capacité d’analyse et de raisonnement se complétaient. La capacité de sortir du cadre dans lequel s’inscrit un problème est indispensable. C’est ainsi que Montgomery (mathématicien) et Dyson (physicien) ont vu une correspondance entre l’hypothèse de Riemann – qui cherche une logique à la répartition des nombres premiers- et les variations du niveau d’énergie au sein des atomes lourd, en physique quantique (cf. La Symphonie des nombres premiers, Marcus du Sautoy). Lorsqu’ils ont osé spéculer sur certaines occurrences que leur esprit jugeait trop opportunes pour n’être que coïncidences, les expériences réalisées au sein du laboratoire d’AT&T par Andrew Odlyzko ont confirmé l’existence d’un lien. Un lien entre la fréquence d’apparition des zéros sur la droite de Riemann et des variations d’énergie en physique quantique ? Ces correspondances sont tellement effarantes et mystérieuses qu’elles ne provoquent pas une petite montée d’adrénaline mais un tourbillon étourdissant capable de liquéfier une pauvre petite cervelle. Ou presque.
De nombreuses correspondances interdisciplinaires jalonnent l’histoire des sciences. Elles ont donné naissance, par exemple, au programme de Langlands visant à établir des ponts entre les sous-disciplines mathématiques pour créer les mathématiques unifiées. En physique, de même, l’avancée des connaissances laisse supposer que les quatre grandes forces (électromagnétique, gravitation, nucléaire forte et faible) sont quatre manifestations d’une grande force unifiée (d’ores et déjà les forces électromagnétique et nucléaire faible constituent la force électrofaible). Il faudrait cependant unifier physique classique et physique quantique pour donner consistance à cette force supposée. Il est vrai que puisque le macroscopique et le microscopique sont deux points de vue que n’oppose que le regard de l’homme, « rien » n’empêche que d’un « autre » point de vue, tout cela ne soit qu’une seule et même chose…
La psychologie, la sociologie, l’histoire, la géographie humaine ne sont-elles pas toutes une seule et même chose ? La psychohistoire d’Asimov n’est-elle pas une extrapolation sympathique de l’intuition que des choses se passent au-delà de nos perceptions ? (cf. Le cycle « Fondation » d’Asimov). Ce n’est qu’une question de point de vue, encore une fois, et tout point de vue est relatif à l’observateur. Les correspondances sont partout et surtout là où l’on ne s’y attend pas. Elles se laissent découvrir volontiers pour peu que l’on fasse preuve de bonne volonté, de créativité, d’un peu de rigueur et de curiosité.

lundi 6 mai 2013

Hugo Horiot

Petit commentaire sur ce personnage.




Hugo Horiot : "L'institution tue les enfants... par FranceInfo

Diagnostiqué "autiste" dès son plus jeune âge, ce jeune homme aujourd'hui âgé de trente ans est comédien et auteur d'un bouquin. Un bouquin qui parle de quelque chose de fondamental, qui met le doigt là où ça fait mal. Hugo Horiot a été diagnostiqué autiste, c'est-à-dire qu'il manifestait le syndrome d'Asperger. Et puis, grâce à l'écoute indéfectible de sa mère, Hugo en est revenu de ce syndrome. Il est désormais "normal" comme on aime dire.
Alors, que dire sur ce sujet?

Les autistes sont, à mon avis, non pas des "malades" mais des êtres qui perçoivent autrement, tout simplement (je m'intéressais à cela en réfléchissant sur les échelles de perceptions et la notion de relativité).

Le premier réflexe que j'ai eu en l'entendant parler, c'est de penser " cool, il est revenu de l'autre côté, il va nous expliquer ce que c'est de l'intérieur". Sauf que ça ne me paraît pas correct de parler d'un "autre côté". Parce qu'il ne s'agit pas de guérir d'un mal, ou d'être anormal et de devenir normal. Il s'agit de quelque chose qui à mon avis nous est difficilement accessible, comme un décalage de phase entre la manière normale de percevoir le monde et une manière simplement différente (et qui je pense détient son lot de pertinence).

Un début de compréhension de notre part peut venir, je pense, de ceci:

Dans la relation entre la mère de Hugo et ce dernier, cette femme s'est laissée guidée par la clairvoyance d'un amour viscéral, intuitif  et inébranlable, plus fort que tous les messages ou toutes les pressions venant de la société, l' invitant à placer son enfant entre les mains de professionnels, jugeant son fils malade.

Alors, c'est bien joli, l'amour maternel mais si les bonnes intentions sauvaient le monde ça se saurait. Cependant, dans la nature intransigeante de ce sentiment maternel, il y a les bases de la confiance, il y a les bases de l'enthousiasme. Hugo le dit lui-même: "en voyant avec quelle force ma mère menait ce combat, je me suis dit que ça valait peut-être la peine, et j'ai décidé de dire "oui"." De dire "oui" malgré la violence faite à son encontre à la fois par notre façon de le juger et par ce que nous faisons de notre réalité dont lui ne percevait pas le sens. (sans doute ne le perçoit-il pas beaucoup plus aujourd'hui mais l'accepte-il).

Il s'agit d'une grande violence mais elle n'est pas volontaire, du moins dans un premier temps. Elle est principalement due à notre ignorance et à notre inadaptation. C'est une violence dont, effectivement nous sommes souvent coutumiers et Hugo le surligne à en trouer la page: cette violence est le fruit de notre attitude face à la différence, l'inconnu, le réflexe mental de jugement de valeur négatif, toujours inspiré par un relent de peur - une peur atavique. Il est inutile de se flageller parce que nous avons mal fait les choses pendant longtemps et dans de nombreux domaines. L'important est de ne pas persévérer dans l'erreur, cachés derrière des œillères alors que des bribes de compréhension nous montrent comment faire autrement.

C'est pourquoi quand quelqu'un vient nous tirer l'oreille pour nous remettre à notre place, il faut l'écouter. Car ce qu'il a à nous offrir n'est rien de moins qu'un moyen de faire mieux les choses, un moyen d'en apprendre plus sur nous mêmes. Il a fait le dur travail d'accepter notre monde et ses nombreuses absurdités, le moins que l'on puisse faire c'est écouter et faire un effort.


D'autres "autistes" ont écrit des bouquins passionnants:

David Tammet: Je suis né un jour bleu (Mathématicien)
Josef Shovanec : Je suis à l'est (Docteur en philosophie)
Hugo Horiot : L'empereur c'est moi
Françoise Lefèvre (maman de Hugo Horiot) : Le petit prince cannibale (2001)

De manière générale, ces bouquins sont indispensables pour ouvrir notre manière de percevoir. Par exemple, le titre du livre de Tammet souligne le phénomène de synesthésie qui est lié à une forme particulière ( proche de l'intuition) d'accès  à une connaissance "autre"...
De même, rien que les trois premiers titres, Je... Je.... Moi.... , laissent penser que la question tourne autour du rapport entre l'individu et le tout ( Soi dans l'espace, Soi dans le temps, Soi dans le monde).

vendredi 3 mai 2013

Marcus and I (aïe!)

Je suis toujours avec Marcus, tout se passe bien, on avance tranquillement... Non, je plaisante.

Je parle du bouquin de Marcus du Sautoy, sur la symétrie et les maths au clair de lune.
Alors pour la partie clair de lune, je vois ce que c'est, par contre la symétrie, b#[|^\`|[@^\¨%££¤§ !!

Le bouquin est facile à lire en soi, c'est effectivement une sorte de ballade, deux ou trois passages sont ardus et l'on peut aisément les survoler sans rien perdre du fil de l'histoire. Biensûr; quand on ne veut pas survoler mais creuser, et surtout creuser le plus dur, eh bien on y laisse quelques gouttes de sueur...
Cependant, quand on creuse suffisamment pour apercevoir une once de compréhension, je ne vous cache pas que les idées frôlées sont absolument géniales:

- objets symétriques et fonction zêta à symétrie palindromique;
- les figures irréductibles ont un nombre premier de côtés ( triangle, pentagone) ;
- un monstre mathématique à 196 883 dimensions;
- l'unité est-elle un nombre;
- la symétrie est-elle un aspect du mouvement;
- symétrie, économie d'énergie et encodage de l'information;
- les neurones miroirs ;
- symétrie et chiralité;
- symétrie, formes modulaires, géométrie finie;
- symétrie et "transconscience" (Carl Jung);

que de merveilleuses petites choses comme cela et ce n'est pas fini...

Un point que je trouve fondamental, par exemple et pour l'instant - et qui fait un peu mal au crâne aussi - est ceci:
En géometrie, on peut visualiser des formes tridimensionnelles simples ( tétraèdre = pyramide) ou complexes (pentagone à 12 faces) . Avec de l'entrainement, on peut même concevoir des objets à quatre dimensions (hypercube). Bien. Ensuite, ce sont les structures qui prennent le pas sur la visualisation mentale lorsqu'on étudie un objet mathématique inscrit dans de nombreuses dimensions. Ok. Donc en géométrie, l'abstraction n'a rien à envier à l'abstraction algébrique ( la théorie analytique). Dans les deux cas, ca ne sert à rien de s'accrocher puisqu'il n'y a plus rien à quoi se raccrocher.

Ensuite?

Imaginez qu'un homme cherche une formule générale pour résoudre toutes les équations d'une forme particulière, par exemple, les équations quartiques  (avec des x4) : 4x4 +2x3 - 7x2 + 4x + 3

Imaginez qu'il sache que toutes les équations quartiques ont toujours 4 solutions, comme les équations cubiques en ont 3 et les équations de degré 5 en ont 5.

Imaginez que cet homme étudie les rapports qu'ont ces quatre solutions entre elles, afin de voir s'il existe des lois qui régissent ces relations, ce qui lui permettrait de trouver sa formule générale.

Imaginez que notre homme découvre que les manipulations que l'on peut faire sur les relations entre les 4 solutions correspondent aux symétries du tétraèdre, c'est à dire à tout ce qu'un tétraèdre peut subir comme transformations successives et combinées qui le laissent inchangé.

Il a fallu créé un langage inédit pour exprimer ces idées là qui font passer de manipulations de nombres à des transformations de terrain. Un peu comme si les lois existant dans une dimension projetaient une ombre dans une autre dimension. Même si on admet qu'aucune discipline n'est cloisonnée, le pas conceptuel à franchir s'apparente davantage à un saut dans le vide. Et pourtant il y a comme un goût d'évidence derrière tout ça: la forme et l'équation ne sont que des expressions différentes d'une même réalité.

A suivre!