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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

samedi 22 juin 2013

De la constance de certaines choses


J’aime beaucoup ce genre de titres pompeux qui ne veulent rien dire… Cependant, de tous les titres  qui m’ont traversé l’esprit, c’est celui-ci qui correspond le mieux à ce dont traite le présent petit texte.

De la constance de la lune

En cette douce soirée du mois de juin, sur une petite route perdue au cœur des Vosges, je me promène avec mon père. 
La nuit tombe sur notre promenade. Tous les deux avons décidé de faire une petite marche sur la route qui sinue entre quelques montagnes. Il n'y a pas de maisons au bord de cette route. Partout où le regard se porte, il n'y a que des montagnes, des arbres, un ruisseau coule en contrebas et longe la route. Nous sommes seuls. 
Le pas de mon père est lourd. Tout est lourd, terriblement lourd. Les respirations se font avec effort. Elles se veulent profondes, comme si l’oxygène manquait dans cette nature. 
Mon père a du chagrin. Un vrai chagrin. Son grand frère vient de mourir dans un accident de planeur. Ce frère unique vient de nous quitter en plein vol. En plein exercice de sa passion. Mon père vient de perdre son frère et il se promène avec sa fille, la nuit.

Cependant, mon père avance. Marcher lui fait du bien. 

Son regard se pose sur les bois alentours, les montagnes sombres un peu plus loin. La phrase qu’il vient de prononcer, il y a quelques minutes, comme un éclair brisant le silence, résonne dans ma tête : « c’est beau la nature ».
A travers ce petit commentaire que l’on pourrait juger anodin, je vois quelque chose d’essentiel.
Je vois l’effort qu’il fait pour « continuer », l’effort qu’il fait pour ne pas laisser les pensées les plus sombres l’envahir. Je réponds un "oui" sincère qui sort du plus profond de mon coeur. Oui, c'est beau la nature. C'est inespéré, touvé-je en cet instant, de reconnaître la beauté au milieu du plus profond chagrin. Toutes mes pensées se focalisent alors sur le réconfort que la nature apporte à mon père. Je souhaite que ce réconfort soit immense et balaye la peine. Cette peine lourde qui ralenti nos pas, comme si la gravité avait doublé et que chaque mouvement nous demandait plus d'effort.

Une grosse boule jaune dans le ciel, un peu sur le côté, me fait plisser les yeux. Sa lumière rompt la mélancolie et je me sens dérangée dans mon chagrin. Elle rayonne si pleinement que j'y vois d'abord de l'arrogance.
En mon for intérieur, je l’invectivai alors de la sorte :

- Hey, toi, tu ne pourrais pas te faire plus discrète et respecter la douleur des gens ? A-t-on idée de se donner en spectacle en de telles circonstances ? Que fais-tu là à rayonner de mille feux quand nous pleurons la perte d'un être cher ?

De son silence éloquent, elle me répondit :

- Mais ma petite, je ne me donne pas en spectacle. Je suis chez moi, le ciel est ma maison. La nuit est mon moment. Que cela te plaise ou non, c’est ainsi. Libre à toi de détourner le regard, fermer les yeux  et trébucher.

Suspicieuse, je continue mon chemin en gardant notre lune au coin de l’œil. 
Elle persistait à être et je ne voyais rien qui l’eût empêché de persister à être. 
Nous faudrait-il  nous accommoder de sa présence jusqu’au bout ? En toutes circonstances, envers et contre tout ? N’avait-elle jamais la flemme de se montrer ? Certaines nuits elle savait se montrer discrète, noire, absente, occupée ailleurs sur un autre hémisphère mais, quand bien même on ne la voyait pas, elle était toujours là. Toujours là.

Elle était même là depuis le début, depuis des millions d’années, des milliards...

D’un coup, je suis saisie par le doute :

-  En des milliards d’années, on a le temps d’en voir des choses, et combien d’hommes comme moi ont connu la tristesse et lui ont reproché une constance inopportune ! Quelle ingratitude envers les astres. Mais au fait, elle m’a répondu alors que je la mettais au défi. Qu’a-t-elle dit ? Que si elle me gênait, libre à moi de fermer les yeux et trébucher. Je comprends alors que j'ai le choix. Je peux décider de voir sa lumière, ou bien je peux décider de rester dans l'ombre. 

Je commence à réaliser que sa douce clarté ne se répand pas seulement sur le paysage nocturne, mais aussi sur nos esprits peinés. Sa constance au premier abord froissant, devenait immanquablement source de réconfort.


Persévérance dans l’être - le conatus

Il est des choses qui, bien qu’elles aient été intellectualisées, ne restent pleinement compréhensibles que par la sensation. Je crois que le conatus est une de ces choses. Descartes et Spinoza se sont épanchés sur le sujet et je dois bien avouer que Spinoza gagne mes faveurs sur ce point comme sur de nombreux autres.

Lorsque l’on est réceptif à la force que dégage la constance de certaines choses, comme notre lune ou la nature par exemple, on éprouve le conatus. 

A l’origine du conatus, une observation très simple : tout, dans la nature, tend à persister dans son être. Les arbres n’ont qu’à être, le sol de même, les montagnes, l’océan, l’animal, jour après jours, tout persiste. Qu’importe la mort, les accidents, les destructions d’une petite partie, l’ensemble persiste. Il semble que la vie de ces choses soit en fait un effort constant qui vise à persévérer, continuer, rester vivant. Il semble que depuis des millions d’années, tout s’organise afin de permettre à la vie de persister. Le conatus est l'effort que fait une chose qui tend à persévérer dans son être.

La notion de conatus n’a rien à voir avec celle d’éternité ou de survie dans l'au-delà telle qu’on pourrait l’entendre d’un point de vue anthropocentré. Le conatus semble être une propriété du vivant, peut-être même le vivant n’est-il que conatus  – effort.

La notion de conatus a tout à voir avec ce proverbe que nous connaissons tous: "la plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque fois que l'on tombe".  Le conatus a à voir avec ce qui nous fait nous relever.

Il est entendu que le vivant reste pour nous un grand mystère. Nous ne sommes capables de définir la vie que par ses manifestations et quelques propriétés (dites biologiques). Fondamentalement, nous ne savons pas de quoi il retourne. Réciproquement nous ne savons pas ce qu’est la mort si ce n’est une absence de vie. Ainsi le mystère reste entier.

Lorsque l’on perçoit l’effort de vie qui anime la nature, notre propre sensibilité entre en contact avec la force de la constance des choses. Nous sommes contaminés par l’effort de vie. Nous nous croyons détachés de la nature et non-concernés par ce qui la régit ? Qu’à cela ne tienne. Malgré nous, en notre for intérieur, il y a quelque chose qui nous maintient debout alors que l’adversité s’abat sur nos épaules.

Alors que quelque chose de terrifiant semble pouvoir nous terrasser, nous anéantir psychologiquement, une certaine disposition de l’esprit lutte pour empêcher l’ensemble de s’effondrer.

J'illustre immédiatement ma pensée:

J’ai vu il y a quelques temps un excellent documentaire sur deux alpinistes partis escalader un sommet au Pérou. « Touching the void » ou « La mort suspendue » de Joe Simpson raconte comment un homme a lutté pendant 4 jours pour s’en sortir alors qu’il était tombé dans une crevasse. Une jambe cassée, sans eau, seul et sans aucun espoir, le jeune homme traverse les unes après les autres toutes les insurmontables  étapes. Il plonge malgré lui dans les abîmes de son esprit et y trouve une force impossible et pourtant là. Une volonté désincarnée de persévérance.

Ce ressort psychologique est trivialement appelé « instinct de survie ». Cet instinct de survie a tout à voir avec le conatus. Le conatus est une propriété que l’on peut attribuer à toute chose relevant du vivant, pas seulement à l’homme.  Cela ne veut pas dire que toute chose vivante dispose d’une « psychologie », loin de là, mais cela pose la question de la nature de notre psyché, de notre pensée. De quelle manière la « pensée » est liée à la « vie », étant donné qu’aucun des deux termes ne jouit d’une définition claire, peut-être est-ce dans la relation entre la pensée et la vie

J’utilise le terme pensée mais je pourrais tout aussi bien utiliser celui d’esprit, qui n’est pas plus définit que ne l’est la pensée.


Pour ce qui est de la vie, je dirai que c’est : « être, et plus encore ». Ce qui ne nous avance pas beaucoup mais nous fait faire un pas dans toutes les directions. Topographiquement, c'est très intéressant. Je devine votre perplexité et cela m’amuse beaucoup (!).
Encore un mot sur notre conatus.
Il est une chose qui je pense est très importante sur la nature de la nature.
C’est une forme de brutalité, d’absence de condescendance avec laquelle les choses sont et persistent à être. Il y a quelque chose de dépourvu de tout jugement et de toute morale dans le fonctionnement de la nature. Seul ce qui permet à la nature de persister persiste.
Dans le cas de notre jeune homme seul en pleine montagne péruvienne, on remarque que son « mental » lui dicte froidement, sans compassion, les gestes qu’il doit faire sans perdre de temps. C’est à peine si ce mental ne lui donnerait pas un coup de bâton, s’il pouvait se matérialiser en un autre.
Affaibli, affamé, blessé, meurtri par le froid, il rampe et se traîne, mètre après mètre, sur des kilomètres, à travers des roches. Pas âme qui vive à l’horizon ? Regarde les vingt prochains mètres et parcours-les, le reste n’existe pas.
Tous les moyens sont bons pour atteindre la finalité de vivre.
La solitude est une notion très proche des réflexions sur le conatus. C'est lorsque nous sommes confrontés à ce qu'il y a de plus profond en nous, dans la plus grande des solitudes, une solitude vertigineuse, que l'on trouve ces mystérieuses réserves qui nous permettent de persévérer, mettre un pas devant l'autre, finir sa promenade et rentrer à la maison, sous l’œil bienveillant des astres multimillénaires.

Il y a tant de choses à dire sur la solitude que je n’en dirai qu’une, qui résume, au final, toute l'affaire: la plus grande des solitudes, celle qui effraie bon nombre d’entre nous au quotidien, est aussi réelle qu’illusoire.
C’est lorsque je sors des phrases comme cela que je me rends compte qu’il était grand temps que la physique quantique - et son principe de superposition -  vienne à mon secours.
Pour terminer notre petite balade, je dirai ceci : il est important, à mon avis, de s’efforcer de voir le merveilleux qui anime (pas au sens animiste mais plutôt dynamique) les choses apparemment les plus simples, les plus triviales et anodines.

mercredi 12 juin 2013

FeedBack suite



Voici en gros les pistes que je développerai :

-       -  Principes d’indétermination, d’exclusion, théorie de la décohérence, effet tunnel
-       -  Idée des états quantiques représentés par des vecteurs d’état
-        - Questions sur l’interprétation des représentations mathématiques très abstraites
-        - Quel est le rôle de la physique : prédire des résultats d’expérience, dire comment est le monde, comprendre notre interaction (à nous, les hommes) au monde… ».

Pour rappel: ce feedback ne fait pas l'objet d'un effort particulier de rédaction. Ce sont des notes, ce n'est qu'un travail purement égoïste de tentative de compréhension. Puisque je le frappe, je le partage.


Les mathématiques de la physique quantique :

Analyse linéaire et calcul différentiel, c'est-à-dire les maths qui étudient le mouvement.

En physique quantique : on a le postulat du comportement ondulatoire de la particule, généralisation du principe de superposition.

Important : on ne décide pas de croire que la particule est une onde, on choisit de « faire comme si, pour voir… mais on sait que ça n’en est pas une ». Ce postulat est très heuristique pour nos amis qui vont voir leurs calculs aboutir à des résultats confirmés par les expériences.

Mais ce postulat pose aussi un gros problème d’interprétation de ces résultats, puisque ce postulat est « bancal ».

Pour ma part, j’ai tendance à penser que la « réalité » est effectivement plus proche de l’onde qu’elle n’est discrète, en restant complètement mystérieuse. Apparemment, la physique quantique ne contredit pas cette impression. Il est très très compliqué pour notre esprit de concevoir quelque chose, la plus abstraite possible, qui ne soit ni de nature continue, ni de nature discrète, qui soit autre… la cafetière se met à chauffer tellement qu’elle fait sauter les plombs de tout le pâté de maison.
On peut se demander si on pose la bonne question. Elle semble tellement objective qu’on n’en voit pas la subjectivité probable. Continuité - discrétion… je sais pas s’il est possible de contourner ce problème. Pour ma part, je pense que peut-être, peut-être bien, qu’en abordant les choses sous l’angle du mouvement, de l’interaction, de la relation, de la relativité, du changement, avec les principes de symétrie, de commutativité, de variabilité, de constance, des choses très abstraites et qui quelque part sont liées, on peut peut-être sublimer l’aporie continuité-discrétion, parce que la continuité et la discrétion n’existent pas en dehors du mouvement. Au final, c’est le mouvement qui nous pose un sacré problème.

Bref, laissons le mouvement où il est.

En analyse linéaire, on a ce qu’on appelle les « espaces de Hilbert ». Les mathématiques sont vraiment fascinantes pour ce genre de choses.

Dans un « espace » au nombre de dimensions variable, on représente l’évolution de l’état d’un système en fonction de l’évolution des grandeurs des dimensions (des variables). Cette évolution est représentée par une fonction d’onde.

En physique quantique, l’évolution de l’état d’un système est représenté par un vecteur d’état qui s’inscrit donc dans un espace abstrait, un espace de Hilbert, c’est-à-dire, extrait, désolidarisé, de notre conception de l’espace tri-dimensionnel bien coutumier. Un phénomène se passe nécessairement dans notre espace à nous,  mais qu’est-ce que notre espace à nous ? (cf : l’histoire de cafetière…). Comment comprendre le « sens » de l’évolution de ce vecteur ? C’est fou et c’est absolument génial.


Passons en revue les principes que le mariage maths-physique a fait naître.

Tout d’abord, sur la particule:

Une particule n’est pas un corpuscule ; un ensemble de particules ne constitue pas non plus un corpuscule, en fait, une particule, c’est confus, ou plutôt diffus, comme une substance qui n’en est pas une…
En travaillant sur leurs équations, les chercheurs ont découvert que l’état d’une particule avait une probabilité d’être dans cet état –là, comme pour n’importe quel état. On pense en termes de probabilité.

Ensuite, Heisenberg a formulé le principe d’indétermination. (Principe déjà vu, portée épistémologique aussi, cf article Du point à la ligne) Mettons que si la physique quantique était une substance, eh bien l’indétermination lui est consubstantielle.

Le principe d’exclusion : Wolfgang Pauli, 1925.

Très intéressant. Dit que deux fermions ne peuvent pas partager un même état quantique. Deux électrons ne peuvent pas être exactement dans la même situation. Deux électrons ne peuvent pas partager un même vecteur d’état.

En gros : si deux électrons étaient dans le même état quantique, eh bien ces deux électrons ne seraient qu’un seul électron. Ils ne peuvent pas tout partager. Cela signifie que bien que les particules aient en partie un comportement relevant d’un principe ondulatoire, certaines de leurs propriétés montrent qu’au sein même d’une famille de particules (gardons l’exemple des électrons) eh bien les particules se différencient les une des autres. C’est plus facile d’imaginer une particule dans un espace 3D. Si un endroit de cet espace est occupé par une particule, une autre particule ne peut pas se trouver exactement au même endroit.
D’un autre côté, la physique quantique tolère que l’on « intervertisse » deux particules fondamentales  entre elle du fait de leur indiscernabilité. Il y a une espèce de jeu entre symétrie et identité.

Face aux fermions qui sont soumis au principe d’exclusion, on a les bosons qui n’y sont pas soumis. Les bosons peuvent être tous dans le même état quantique. Il y a quelque chose de collectif dans le boson (photon, gluon) qui se manifeste différemment que pour les fermions.

C’est vraiment terrible, j’ai l’impression de marcher sur des œufs, à chaque mot que j’écris, je sens qu’il n’est pas approprié, enfin il l’est, mais pas vraiment, c’est compliqué !

Boson/fermion : très intéressant. Ex : gluon : c’est la particule qui « compose » ou « est responsable » de l’interaction forte. La force nucléaire forte. Donc une force est composée de particules ? Oui et non, ça dépend de ce qu’on entend par particule. On voit que l’étude du boson est vraiment intéressante et particulière. Un boson n’a sans doute rien à voir avec un fermion, ou peut-être tout à voir.
L’étude des bosons a entraîné une évolution du modèle de la physique des particules vers ce qui est appelé aujourd’hui la « théorie des champs » avec la chromodynamique quantique.

La notion de champs me plait bien, tandis que le terme particule, eh bien, il induit en erreur à cause de sa représentation instinctive : le corpuscule. Quand on parle de gluon, on fait un peu le grand écart entre ce que la physique nous dit du gluon et comment nous nous le représentons, si on arrive à se le représenter.

En physique quantique, je crois que si on veut essayer de commencer à toucher du bout du doigt un début de compréhension, il ne faut pas chercher à se représenter les choses. On est tenté de le faire, c'est normal, mais cela mène nécessairement à des confusions. Il faut se défaire de tous les préconçus, tout lâcher. Il faut au contraire faire confiance ( à qui, à quoi? on ne sait pas, mais il faut y aller) pour mettre un pied devant l'autre quand il n'y a plus de sol sous nos pas. Un peu comme un acte de foi. Une foi mathématique.

Effet tunnel et radioactivité :

Il existe des atomes légers, moyens et lourds, en fonction de la composition du noyau (nombre de nucléons : protons et neutrons). Les atomes moyens sont les plus stables. Les autres le sont moins.

Un atome lourd a un noyau qui contient trop d’énergie. Cette énergie a besoin d’être évacuée. La radioactivité a tout à voir avec l’évacuation de ce surplus d’énergie.

Dans une centrale nucléaire, on fissure les atomes lourds pour en extraire l’énergie.
De même, ou plutôt pas de même du tout, les atomes légers ont tendance à chercher la stabilité en "s’assemblant". C’est la fusion nucléaire que l’on n’a, je crois, du mal à reproduire. C’est cette fusion qui existe au sein du soleil et qui fournit son énergie.

Quand à l’effet tunnel, (Gamov, 1926) : il s’agit du fait que certaines particules ont la probabilité de « passer à travers une barrière de potentiel ».

Autre chose encore très sympathique : la notion de spin.

Le spin apparaît lorsqu’un système réunit des caractéristiques quantique et relativiste. Paul Dirac est le physicien qui a trouvé l’équation à la fois quantique et relativiste (qui prend en compte ce qui dépend de la vitesse). Le spin est intéressant parce qu’il suggère que quelque chose tourne, or non. Que nous apprend le spin sur la notion de mouvement ?

Décohérence :
On a vu qu’il existait un critère quantique lié à l’action d’un système (la quantité d’action par rapport a h). Ce critère permet au physicien de définir si les conditions d’étude de son système sont celles des lois quantiques ou bien des lois classiques.
La décohérence, ça a à voir avec le «passage » du quantique au classique, mais dans un tout autre sens (J).

C’est un peu comme si on dézoomait mentalement : à quel moment les objets quantiques deviennent classiques, pourquoi et comment.

A quel moment plein d’atomes constituent-ils une table bien solide…

La théorie de la décohérence dit que c’est l’interaction continue d’un système avec son environnement qui peu à peu fait perdre à ce système son degré de liberté, sa cohérence.


On arrête là le feed back.
Il reste une troisième vidéo sur l’interprétation du formalisme quantique, qui de mon point de vue est la plus intéressante des trois, mais pour la comprendre, il faut que les deux premières vidéos soient digérées.

To be continued.

mardi 11 juin 2013

Travail personnel: feed back

Feed back sur les deux vidéos d’introduction à la physique quantique.

La première retrace brièvement l’historique de cette branche des sciences physiques ; la seconde expose de manière claire le formalisme propre à la physique quantique.

Il va y avoir forcément des confusions, des blancs et des idioties mais je les corrigerai lorsque je reprendrai mes notes. L’intérêt du feed back est de faire travailler sa mémoire pour comprendre les choses, avant d’avancer. Ce que je me propose de faire ici, c'est de sortir tout ce que j'ai retenu de ce que j'ai étudié, sans notes ni rien, de faire un travail de mémoire à plat. Cela permet de voir ce qui a été compris et ce qui est flou et c'est à mes yeux la meilleure façon d'apprendre.
C'est parti.D'avance je m'excuse pour l'abscondité des propos qui vont suivre. Ce travail est avant tout personnel :)

La physique quantique telle qu’on la connaît aujourd’hui, s’est construite progressivement à partir de nombreuses expériences. C’est l’ensemble de toutes ces théories, se contredisant les unes les autres, posant des défis à l’esprit scientifique, qui nous a permis de cerner les principes qui constituent cette branche particulière des sciences physiques.

On considère que c’est une expérience menée par Max Planck en 1900 qui a ouvert la voie quantique.

Cette expérience était menée dans le but de comprendre comment se répartissait l’énergie émise par un corps noir lorsque celui était chauffé à une température approchant de l’infini.

On supposait à l’époque qu’un corps noir chauffé – un corps noir étant une cavité, comme un four, qui ne laisse pas s’échapper la lumière qu’il reçoit sous l’effet de la chaleur – devait finir par exploser. (ce qu’on a appelé la « catastrophe ultraviolette »). Cependant, les expériences révélaient que le corps noir n’explosait pas. D’où la question de savoir comment se répartit l’énergie reçue, en interaction avec la matière qui constitue les parois de ce corps noir. Par ailleurs, quelque soit la matière d’un corps noir, les expériences montraient qu’à une température identique pour tout corps noir, celui-ci virait au rouge. Cela suggère qu’il existe quelque part un invariant, c’est-à-dire une constante dans l’interaction entre matière (les parois)  et énergie (sous forme de température).

Le travail que Planck a réalisé consiste à expliquer pourquoi un corps noir chauffé en continu n’explose pas. Il a produit des équations qui posent le fait que l’énergie est reçue par le corps noir par petits paquets, qu’il appelle quanta. Un quanta est une quantité constante et minimale d’énergie. Ainsi est née la constante de Planck appelée h (qui vient du mot allemand "hilfe" : au secours).

Pourquoi au secours : parce que Planck n’était pas convaincu de l’existence des atomes, mais il a choisit de postuler leur existence pour donner une chance à ses équations de tomber sur un résultat.

Bien que lui-même n’accordât pas beaucoup de crédit à sa découverte, c’est pourtant cette expérience que l’histoire a choisit de mettre à l’origine de la physique quantique.

En 1905, en effet, Einstein va s’inspirer des travaux de Planck pour proposer de nouvelles équations.

Ce n’est plus tant que l’énergie s’échange par paquet, sinon que ces paquets sont des propriétés intrinsèques des particules de lumière. Il proposera, je crois, le terme de photon pour décrire ces particules de lumière.
L’expérience menée par Einstein en 1905 dite sur « l’effet photoélectrique » est très importante.

 Si j’ai bien compris, il s’agissait de comprendre pourquoi une plaque de métal que l’on chauffe engendre un courant électrique. Maxwell avait commencé à faire ce genre d’expériences dans les années 1860 mais c’est Einstein qui a fournit une explication (une formule). Maxwell est le physicien qui a travaillé sur l’électromagnétisme et qui a réuni dans ses équations le courant électrique et le champ magnétique.

On dirige sur une plaque l’émission de différentes fréquences électromagnétiques (allant du rouge au bleu, c'est-à-dire on modifie la longueur de l’onde : plus elle est longue, plus la fréquence est basse et la lumière est rouge, plus elle est courte, plus la lumière est bleue et la fréquence élevée) On distingue la fréquence de l’onde de son intensité, si j’ai bien compris.

Pour mémoire, rappelons nous que le spectre électromagnétique est définit comme suit :
Des plus basses fréquences vers les plus élevées : ondes radio / micro-ondes/ infrarouge/ lumière dite visible : rouge orange jaune vert bleu violet (toutes ces longueurs d’onde additionnées donnent la lumière dite blanche)/ ultraviolet/ rayons X/ rayons gamma (radioactivité).

Bref, à une certaine fréquence, les électrons contenus dans les atomes qui constituent la plaque, émettent un photo, ce qui veut dire que les électrons engrangent une certaine énergie qui les amène à se « déplacer ». Lors de ce mouvement les électrons dégagent une énergie qui se manifeste par l’émission d’un photon.

Ce qui intéressait les physiciens, c’était de comprendre l’effet de seuil qui existait : pourquoi à une certaine fréquence l’électron se mettait en mouvement. Il semble que ce phénomène soit lié à l’intensité de l’énergie reçue par ce dernier.

Il semble que cette quantité d’énergie soit une grandeur proportionnelle à la constante de Planck h.
Il semble important de bien concevoir d’un côté la question de la longueur de l’onde (la fréquence) et d’un autre côté, l’intensité, ce qui n’est pas facile.

Le point à retenir, c’est que ces expériences ont montré que la constante de Planck n’était pas propre à la lumière, mais qu’elle apparaissait aussi dans les particules qui composent la « matière ».

En 1905, par ailleurs Einstein révèle ses travaux sur la relativité restreinte. Il s’agit d’une théorie qui révolutionne la conception de l’espace et du temps, posant, en gros, qu’ils sont inextricablement liés, et surtout que leur propriétés (vitesse, position, énergie, matière, temps) varient en fonction de la position (on pourrait dire des propriétés) de l’observateur.

Les expériences d’Eddington en 1919 confirment par la suite la validité de la théorie d’Einstein : en effet, il semble que la lumière soit déviée par la présence de masse dans l’espace-temps.

Il est important de savoir que Galilée avait déjà proposé une théorie de la relativité sur laquelle newton avait fondé ses propres théories. Mais elle ne disait pas la même chose. Que disait-elle ? Eh bien je ne sais plus trop mais je regarderai. Ce dont je me souviens, c’est que Galilée a étudié la chute des corps : tout corps chute à la même vitesse quelque soit sa masse, c’est le frottement de l’air qui ralenti les moins massifs. Il y est question de référentiels en mouvement ou non, d’où la relativité par rapport à un référentiel, un point d’observation. Newton a quant-à lui déterminé la relation qui existe entre l’énergie d’un corps, sa masse et la vitesse de la lumière, avec les subtilités de masse propre et de masse grave, dans les domaines de la cinétique et de la dynamique, mais c’est un autre sujet.

Après la première guerre mondiale, on assiste à plusieurs avancées déterminantes pour la physique quantique. Ces avancées sont l’œuvre de jeunes scientifiques âgés d’une vingtaine d’années, venant de tous les pays d’Europe et qui ont été fascinés par la théorie de la relativité d’Einstein (qui est une théorie classique, non quantique). La portée révolutionnaire de cette théorie a participé à l’engouement de cette jeune génération en quête d’idées neuves.

Quelques noms : Bohr, Heisenberg, Schrödinger, Gamow, Weyl, Pauli, Dirac, Majonara. Il faut essayer d’en oublier le moins possible car ils sont tous très importants.

Niels Bohr : suite à la théorie de Rutherford qui porte sur la constitution de l’atome ( qu’il se représente selon le modèle d’un petit système solaire : noyau, autour du quel : orbites, sur lesquelles tournent des particules) Bohr propose un autre modèle dans cette lignée : il existe d’après lui des trajectoires autorisées et des trajectoires interdites, les orbites sont des niveaux d’énergie et les électrons, en « sautant » d’un niveau à un autre, émettent un rayonnement ( de l’énergie) qui, me semble-t-il, est appelé rayonnement synchrotron.

Ces modèles ne sont plus valides. Il faut les connaître puis les dépasser. 
Parce qu’ils aboutissaient à des contradictions, la recherche pour résoudre ces contradictions a permis de développer un nouveau formalisme révolutionnaire. C’est ce nouveau formalisme qui constitue ce qu’on appelle la physique quantique.

Recherchons dans notre mémoire un exemple de contradiction : il y avait un problème concernant l’énergie émise par les électrons. Dans le système de Rutherford, les électrons tournaient en émettant de l’énergie, l’énergie même qui permettait leur mouvement. D’après les lois classiques, à force de tourner et d’émettre de l’énergie, un corps s’épuise et finit pas s’écraser sur le noyau. En conséquence : l’électron devait finir par s’écraser sur le noyau, ce qui aurait donné à l’atome une durée de vie très courte.

Voilà qui était en contradiction avec les observations : l’atome a une certaine stabilité. Alors Bohr a stipulé que l’électron tournait sans émettre d’énergie. Il n’émet de l’énergie (un photon, un quantum d’énergie) que lorsqu’il passe d’une orbite ayant un fort niveau d’énergie vers une orbite à plus faible niveau. Dans cette théorie, on viole une loi de l’électromagnétisme qui dit que tout ce qui bouge émet de l’énergie, un rayonnement.

L’histoire de ces expériences est très intéressante d’un point de vue épistémologique. Moi, je trouve touchant les efforts que ces hommes ont fait pour essayer de comprendre quelque chose au monde qui nous entoure. Je les imagine s’arrachant les cheveux, parcourus de doutes existentiels, remettant en question à chaque instant leurs idées et puisant sans cesse dans leur intuition fantastique et contrariante.

Mais ce qui m’intéresse moi, pour mes réflexions, c’est de saisir les détails du formalisme quantique.
Le peu que j’en ai perçu est extrêmement prometteur. Mettons de l’ordre dans tout ça (c’est-à-dire dans ma tête).

Point très important : à quel moment sommes-nous dans le quantique et à quel moment sommes-nous dans le classique. Question épistémologique fondamentale.

Sans que les choses soient figées, il existe quelques critères qui permettent de déterminer si l’on va s’appuyer sur les lois quantiques ou sur les lois physiques.

Appelons système l’objet que l’on soumet à l’étude. Ce système se définit par l’ensemble des propriétés de l’objet. Ce que l’on cherche à étudier, ce sont les caractéristiques, les variations, l’évolution de l’état physique de ce système. Chaque système est doté de propriétés intrinsèques invariantes (par exemple, si notre système est un électron, la masse et la charge de l’électron sont précisément les caractéristiques intrinsèques qui font de l’électron un électron). Chaque système présente aussi des caractéristiques qui varient en fonction de conditions extérieures, d’interaction avec ce qui les entoure (l’énergie de l’électron varie, ainsi que sa « position » par exemple).

On va alors s’intéresser à ce qu’on appelle l’action du système. Je sais que l’action est le produit d’une énergie par un temps (selon les lois de la physique dynamique), et on sait qu’une énergie, c’est le produit d’une masse par une vitesse, ou encore le produit d’une longueur par une quantité de mouvement. Bref, tant en physique classique qu’en physique des particules, on sait calculer l’action d’un système. Lorsque cette action est proche de la constante de Planck, on recourt aux lois quantiques, lorsque cette action est plus grande que la constante de Planck, les lois classiques sont pertinentes pour rendre compte de l’évolution de ce système.

Là je pose une petite étoile mentale (pour moi, pour une autre réflexion en cours) : ce type de retournement de concepts a tout à voir avec le principe de factorisation, les notions de commutativité et de non-commutativité, de variabilité et de constance, qui sont des notions qui me titillent…

On définit donc principalement le critère quantique autour de l’action d’un système. En tout cas pour l’instant, et j’imagine que d’autres critères entrent en compte.

Bon, entrons enfin dans le vif du sujet : plongeons dans le grand bain quantique. Qu’y a-t-il là-dedans, qu’en retenir.

Pour l’instant, j’ai l’impression que j’ai plutôt une bonne mémoire, les choses me paraissent claires pour la plupart. (Ca rime, c’est rigolo).

Formalisme : on peut dire qu’il s’agit d’un langage particulier qui permet d’exprimer des choses que l’on ne peut exprimer aisément à l’aide d’un autre langage. Il s’agit de connexions que l’on postule prudemment entre des concepts nés de phénomènes, d’interactions que l’on observe sous certaines conditions. Les mathématiques constituent le meilleur exemple de formalisme. C’est un peu comme un grand système, un ensemble abstrait qui pose des structures.

Il y a deux choses à distinguer : d’une part, la question de l’interprétation des représentations qu’offre le formalisme quantique.
D’autre part, les principes les plus importants mis en évidence grâce au formalisme, formalisme qui s’adapte réciproquement aux nouveaux principes découverts.

Je distingue ces deux choses alors qu’elles sont indissociables. Voici pourquoi elles sont indissociables.
Afin de résoudre des contradictions sur lesquelles aboutissaient de nombreuses théories, comme nous l’avons vu pour l’énergie de l’électron, les physiciens vont opérer un profond changement dans leur appréhension des phénomènes quantiques. Ils vont recourir à des outils mathématiques inédits.

Ces outils mathématiques ne se sont pas présentés d’eux-mêmes à l’entrée du laboratoire des physiciens, comme une évidence. Non, les physiciens ont été les chercher un peu en dernier recours, tentant l’impossible pour débrouiller la situation. A situation désespérée, entreprise audacieuse. S’engageant dans un pari fou, étourdis par un sursaut d’intuition confuse, ils sont allés chercher dans les mathématiques dites de l’analyse linéaire. Mais pas par hasard, juste pour voir, non. Il y avait une raison qui suggérait leur pertinence.
Qu’était-ce ? C’était  – et c’est toujours- lié au problème de la dualité onde-corpuscule.

Des expériences sur un photon (Fentes de Young) avaient montré que le photon avait un comportement ondulatoire. Entre le moment de son émission et le moment de son arrivée sur une plaque située à une certaine distance du point d émission, voici ce que l’on « observait » : l’impact du photon sur la plaque est corpusculaire, comme un point, et le « lieu » de l’impact laisse entendre que le photon connaît des interférences. C’est étrange car les interférences sont une propriété que seule une onde possède. Le photon ne pouvant raisonnablement pas être à la fois un corpuscule et une onde, n’étant apparemment ni l’un ni l’autre, les physiciens ont émis des postulats.

Un postulat consistait à dire : «  faisons le choix que la particule est une onde » (imaginons les problèmes de l’interprétation !), sans plus, juste pour voir. Ils ont postulé une généralisation du principe de superposition. Les chercheurs se sont alors armés d’un arsenal mathématique particulier. Ils ont choisi une branche des mathématiques issues du calcul différentiel (qui structure le mouvement des fluides à l’aide de fonctions, de dérivées, d’intégrales, de matrices et de vecteurs, inventé par Newton et Leibnitz).

La particularité d’une onde est de créer des interférences. On entend par interférence le phénomène qui voit s’additionner entre elles les longueurs (ou les fréquences) d’ondes de même type (des ondes acoustiques peuvent s’additionner entre elles, des ondes électromagnétiques entre elles). Il s’agit du phénomène dit de superposition.

Les mathématiques choisies ont la particularité de permettre à des entités de s’ajouter entre elles.
En gros, selon un procédé analogique, on transpose le principe de superposition des ondes au principe d’addition entre entités mathématiques (on peut faire une somme de deux fonctions).

Petite étoile mentale : De manière à la foi intuitive et rationnelle on a eu l’idée d’opérer ce genre d’audace analogique, dans laquelle je vois une manifestation de la prégnance de la symétrie, tant dans notre esprit que dans la nature. La question de la symétrie est liée aux questions de factorisation, commutativité, non-commutativité, variabilité et constance. (Biensûr, je suis très loin d’avoir quoi que ce soit à dire là-dessus pour l’instant).

Cette audace formelle s’est avérée éminemment heuristique pour nos amis. C'est grâce à ces mathématiques que tout le reste a été découvert. Il a été découvert grâce à ces mathématiques, qui réciproquement, sont les seules à pouvoir rendre compte de ces découvertes. C'est en cela que les principes découverts sont indissociables de leur interprétation peu évidente. En gros, disons qu'on a découvert plein de choses mais qu'il est difficile de savoir ce que c'est ou ce que ça veut dire...

Je vais m’arrêter là pour l’instant. On a mis quatre heures à faire ce travail et je pense qu’il en faudra au minimum quatre autres pour la suite.


Petite étoile sur les espaces de Hilbert : ces « espaces » n’ont rien à voir avec ce que l’on entend généralement par « espace » (espace physique à trois dimensions, hauteur, longueur, largeur). Ce sont des « espaces » abstraits qui sont définis par le « croisement » d’un nombre variable de dimensions (nombre potentiellement infini, c’est le mathématicien, j’imagine, qui juge et détermine les dimensions dans lesquelles s’inscrit un problème). On peut les imaginer comme relevant de la topologie, une topologie abstraite. Ces espaces sont peuplés de vecteurs, que l’on peut appeler également fonction d’onde. Ils représentent l’évolution des mouvements qui se produisent dans cet espace. Il me semble que les espaces de phase utilisés en physique dynamique sont des espaces de Hilbert. La conception de ce type d’espace repose sur l’interaction interdimensionnelle. On imagine des grandeurs dont les caractéristiques influencent et sont influencées par les caractéristiques d’autres grandeurs, dans une logique que j’appelle « tautologique » mais je me comprends… Les interactions interdimensionnelles entrent dans la réflexion sur la factorisation et ses petits corollaires déjà mentionnés.


To be continued.
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dimanche 9 juin 2013

Perversi-Terre

La semaine dernière je suis allée à une projection de deux documentaires suivie d’un débat au sujet de l’agro-écologie. Déjà sensibilisée à ces questions depuis deux bonnes années – seulement – je me rendais à cette projection dans un but précis : voir si beaucoup de monde se déplacerait pour l'occasion.

J’ai été ravie de voir, devant l’entrée du petit cinéma de province, une file de 200 personnes qui toutes levèrent la main quand l’organisateur demanda qui était là pour la soirée agro-écologie.
En prime, j’ai appris des choses.

Le grand commentaire médiatique, c'est-à-dire le flux diffus d’informations reprises de-ci de-là par les chaines qui disent des choses sans vraiment dire grand-chose, laisse venir à nos oreilles la question des OGM et les scandales d’abus de confiance des entreprises – quand on mange du cheval en achetant du bœuf, etc. 

Je crois qu’il importe de se poser quelques questions et donc aujourd’hui, c’est ce que nous allons faire. Je souhaite partager les informations qui me sont parvenues et présenter le problème alimentaire dans son ensemble. Pour ce faire, je m’appuierai sur l’exemple des céréales et des légumes, laissant de côté, eh bien, le reste (viande, produits transformés, etc.).

C’est parti.

Pourquoi mangeons-nous des légumes et des céréales ?

Quelle drôle de question, la réponse est tellement évidente. On en mange car notre corps en a besoin. Si, on apprend ça à l’école : ça apporte des vitamines et de l’énergie, et ça permet à notre corps de faire des choses et d’être en bonne santé.
En effet. Notre corps a besoin de plein de choses (les nutriments) pour pouvoir fonctionner tant à plein régime qu’en sous-régime. Donc il assimile les nutriments contenus dans notre alimentation. Il importe que cette dernière soit variée pour couvrir l’ensemble des besoins. De même, il importe de ne pas manger trop gras, trop salé, trop sucré, ou trop, parce que cela dérègle notre corps.
Jusque là, que de banalités ! Certes, mais nous pouvons nous poser cette question : ce que nous mangeons, à partir du moment où nous faisons attention, donne-t-il à notre corps ce dont il a besoin ?
Lorsque je mange une « tomate », m’apporte-t-elle tout ce qu’une tomate est sensée apporter ?
La réponse est non et c’est là que commence notre petite aventure agro-écologique.

Qu’est ce que l’agriculture ?

Il y a longtemps - très longtemps -,  l’homme a fait une découverte : se nourrissant de choses que ses sens lui indiquaient comme comestibles, notre ancêtre a découvert que lorsqu’une graine de cette chose était mise en terre, au bout d’un certain temps une plante poussait qui donnait plein de cette chose.
Voilà une découverte fondamentale qui allait permettre à l’homme de ne plus être tributaire des aléas de la cueillette, en plus de lui permettre de s’organiser autrement. Plantons des graines, attendons et surveillons, puis récoltons. Nous venons d'assister à la naissance de l'agriculture.

Ce qu’il importe de voir dans ce petit rappel historique, ce n’est pas l’avantage offert par l’agriculture en termes d’organisation sociale ou de domestication de la nature. Ce qu’il importe de voir, c’est que la terre, le sol sur lequel nous marchons, est d’une richesse plus grande que notre imagination ne peut le soupçonner.
Aussi, la terre n’a-telle jamais eu besoin de nous pour faire pousser quoi que ce soit. Naturellement, sans que notre main intervienne, les écosystèmes se maintiennent et évoluent grâce à des processus, comme la pollinisation par le vent ou les abeilles, le rôle des insectes, le rôle des petites bestioles rampantes sous le sol. En plusieurs centaines de millions d’années, la surface de la planète s’est organisée en permettant aux uns de se nourrir des autres, le tout formant un grand écosystème complexe. Si complexe qu'il n'est pas certain que nous en connaissions toutes les subtilités..

Lorsque l’homme a découvert le potentiel nourricier du sol, il lui est naturellement venu à l’esprit qu’il fallait respecter ce sol si l’on voulait qu’il continuât à se montrer généreux. L’agriculture a longtemps consisté en un travail de collaboration entre le sol et l’homme.

A un moment de la saison, l’agriculteur sème des graines. Il surveille sa terre jusqu’au moment où ce qu’il a planté est prêt à être récolté. Une partie est consommée par l’agriculteur, une partie est consommée par les autres, une partie est conservée pour en garder les graines qui seront plantées la saison suivante.

En fonction des différents climats propres à des latitudes particulières, on constate que les sols ne fournissent pas les mêmes variétés de légumes, de céréales. La graine s’adapte au sol saison après saison, d’une saison à l’autre (par saison, j’entends la période annuelle qui s’étend de mars à octobre).

De même, entre le début et la fin de la saison, on observe que le sol et ce qui y pousse respectent des rythmes liés eux-aussi aux températures, à l’humidité, etc. Il y a donc une organisation naturelle des phénomènes agricoles en deux logiques croisées: l’une régionale (spatiale), l’autre saisonnière (temporelle), intimement liées.

Région, saison : voilà des termes qui reviennent à nos oreilles en ces temps troublés.

Sans vouloir idéaliser le passé comme on a tendance à le faire depuis quelques décennies - en parlant de la « tentation du vernaculaire » ou du « small is beautiful»-, il s’agit de se rendre compte qu'en de nombreux endroits de la planète, il existe des traditions ancestrales liées à la culture des sols. Les valeurs de respect et de collaboration dont nous parlions juste un peu plus haut ont donc existé et traversé les siècles. Ce n’est pas parce qu’elles sont ancestrales qu’elles font actes de vérités ; ce n’est pas parce qu’elles sont ancestrales qu’elles sont primitives ou « sous-civilisées ».

Ces pratiques sont nées d’une observation intelligente de l’environnement et d’une pratique honnête. Si elles n’avaient pas rempli l’objectif de nourrir sainement la population, elles n’auraient pas plus subsisté dans le temps que les populations.

Alors aujourd’hui, que se passe-t-il ?

Faisons un petit détour par l’histoire de ces 50 dernières années.

Apparemment, dans les années 1950, respecter les régions et les saisons nous est apparu comme une intolérable contrainte dont nous avons voulu nous défaire.

Ce n’est pas tout. Dans le contexte d'après-guerre, de nombreuses usines d’armement et de produits chimiques se sont reconverties en fabriques de machines et d’engrais.

Un peu de positivisme par ci (une grande confiance en la science), un peu de malthusianisme par là (crainte de la surpopulation), le tout dans un contexte d’intrication politico-économique s’élargissant à l’échelle occidentale puis mondiale, et nous avons peu à peu développé le paradigme suivant :

Nous ne pouvons nous permettre de faire confiance à la nature pour ce qui relève de l’alimentation des populations. C’est à l’homme de maîtriser et domestiquer les terres sur lesquelles il vit. Organisons une partie de ces terres en cultures, bien séparées les unes des autres (monocultures), et utilisons ce que la technologie nous propose pour booster tout ça, renforcer les plantes, les protéger davantage des aléas, afin de produire suffisamment pour nourrir une population croissante.

D’autre part, cette population croissante s’organisait autrement. Alfred Sauvy a théorisé ces changements comme suit : la mécanisation des pratiques agricoles a permis à la population agricole dépourvue d’activité de se « déverser » dans le secteur industriel puis dans le secteur tertiaire. Ainsi s’en suit l’urbanisation que d’autres facteurs économiques et socioculturels viennent renforcer. La logique de division des tâches en fonction d’une spécialisation des pratiques intervient aussi dans les bouleversements que le paysage agricole a connu entre les années 60 et 80.

Les idées libérales étant en plein essor, il nous paraissait légitime de pouvoir manger ce que nous voulons quand nous le voulons. Ainsi nous avons développé, par exemple, les importations de produits exotiques que nos expéditions coloniales nous avaient amenés à apprécier.

Cette multitude de facteurs inter-rétroactifs rend l’analyse des phénomènes très complexe. Soit. Ceci étant posé, voyons sur quoi repose notre système agricole.

Au nom du principe de précaution et dans la logique de maîtriser notre environnement, nous avons décidé que tout ce qui serait planté sur le territoire serait issu de graines « homologuées », c’est-à-dire controlées. Toutes les graines que les maraîchers se procurent sortent de laboratoires. Au sein de ces laboratoires, les graines sont artificiellement hybridées par la main de l’homme. Cela veut dire que l’on prend deux plantes que l’on croise dans le but d’en tirer une troisième qui sera dotée des propriétés fortes des deux plantes initiales, sans en avoir les propriétés faibles. 

Les graines obtenues en laboratoires sont uniformes. Elles permettent d’obtenir un nombre limité de variétés de légumes et de céréales. Ces mêmes graines seront semées de manière quasi-identique sur l’ensemble du territoire, peu importe les différences de sol et de climat. Aussi, puisque ces différences de sol et de climat nous enquiquinent, nous cultiverons les plantes hors- sol, en hydroponie ou sous-serre, ou bien encore en recourant à des engrais et des pesticides.

Ces graines sont connues sous l’appellation « hybride F1 ».
Pour bien comprendre ce que cela veut dire, imaginons que chaque variété de graine homologuée porte un nom, c'est le cas, et que ce nom soit semblable à une étiquette, ou bien une marque. Imaginons qu'il soit impossible de faire pousser autre chose qu'une de ces marques. Eh bien nous approchons de la réalité.

Ajoutons qu’il est aujourd’hui illégal pour un maraîcher de conserver les graines issues de sa  récolte pour les semer la saison suivante. Il y a une obligation pour notre agriculteur de se fournir en graines auprès de fournisseurs attitrés (au nombre de 4 en France).

Tous les fruits, légumes et céréales que nous consommons sont issus de graines, - au cas où ce détail  nous aurait échappé- , et toutes ces graines sortent de laboratoires. L’homme qui cultive des terres n’est pas celui qui produit les graines. Les graines qui produisent notre alimentation sortent donc de laboratoires dans lesquels elles sont modifiées.

Génétiquement modifiées ?

Ce qu’on entend aujourd’hui par OGM, c’est l’introduction d’un gène étranger au sein d’une cellule. Ce gène permettra à la plante de développer une résistance, par exemple, à certains produits toxiques, ou bien encore de contenir en elle un pesticide. On fabrique alors des organismes dits transgéniques.

La modification génétique d’un organisme est un principe plus large que cela.

Il y a d’autres pratiques qui ne consistent pas en l’introduction d’un gène étranger mais qui relèvent toutefois de la modification génétique. Par exemple, la mutagenèse : on modifie l’organisation génétique d’une plante. C’est cela qui est fait sur l’ensemble des graines. C’est cela qu’on appelle hybridation F1.

Il existe ainsi un catalogue qui répertorie l’ensemble des variétés - des marques - de graines autorisées à la semence. Il est illégal de prendre d’autres graines que celles susmentionnées, comme nous l'avons dit mais que nous répétons pour être sûrs de ne pas avoir mal compris...

D’un point de vue économique, voici la logique : l’agriculteur dépend de l’entreprise qui lui vend ses graines. Il est contraint légalement de racheter chaque année son lot de graines. En divisant les semenciers - soit nos 4 grandes entreprises des maraîchers, on a créé un marché d’offre et de demande entre les uns d’un côté et les autres de l’autre. C’est suite à cette logique marchande, ajoutée aux logiques de mécanisation, de productivité de masse, etc.,  que les petits agriculteurs ont peu a peu été remplacés par des grosses structures. Des grosses structures qui ont pour objectif de produire en masse, et ce afin de réaliser un minimum de profit.

D’un point de vue sanitaire, voici le constat : le fait de planter à chaque saison des graines « toutes neuves » empêche le phénomène d’adaptation qui lie la plante au sol. Lorsqu’une graine est plantée, elle puise dans le sol ce dont elle a besoin pour croître. C’est pour cela que tout ne pousse pas n’importe où.  Saison après saison,  la plante produit des graines qui s’adaptent progressivement au sol et au climat. Si l’on plantait ces graines-là, elles seraient naturellement renforcées, car simplement adaptées. De tout temps, c’est ainsi que les agriculteurs procédaient. Or cette relation est brisée. On a choisi de nier les propriétés des sols en répandant sur ceux-ci des produits issus de la recherche chimique. On a choisi de nier les cycles de la nature et de les « forcer » en produisant nos propres graines et en les cultivant selon nos règles.

La prise de conscience de l’illégitimité de tels procédés à donné naissance au courant « écologique ».
Au sein des populations, de même, depuis 20 ans, on a développé l’idée de manger « bio ».

Bio

Manger « bio » signifie que l’on choisit de consommer des aliments – des légumes et des céréales - issus de l’agriculture biologique. L’agriculture biologique concerne la manière dont les plantes sont cultivées : on limite le recours aux engrais et pesticides, on favorise l’étude des sols, le respect des cycles, etc. Cependant, les plantes issues de l’agriculture biologique sont elles-mêmes issues de graines. Ces graines sont toujours des graines hybrides sorties de laboratoires. Ce sont les mêmes graines homologuées présentes dans le catalogue officiel. 

L’augmentation de la demande de produits bio de la part des consommateurs a entraîné les groupes industriels dans la culture du bio de masse. Ainsi, nombre de produits bio proposés dans les réseaux de grande distribution sont cultivés sous serre, en hydroponie, en grandes monocultures intensives ou bien ils sont  importés. Le bio est devenu une marque qui s’inscrit dans la logique de n’importe qu’elle autre marque.


Parque nous voulons produire en masse et garder la main sur ce qui se passe, nous nourrissons artificiellement les plantes, comme si le sol n’avait jamais été capable de faire pousser des choses par lui-même. Le principe même de la croissance d’un légume est perverti : normalement, en croissant, un légume interagit avec la terre, il développe des racines profondes qui puisent des choses essentielles dans un sol aéré par le travail continu de micro-organismes. 
Et que faisons-nous ? A force d’eau et de goutte à goutte nutritionnel, tous nos légumes sont traités comme des organismes malades et dépendants. Par conséquent, ils ont perdu plus de 50 % de leur valeur nutritionnelle ainsi qu’une grande partie de ce qui fait leur goût. C’est pour cela qu’une tomate n’est plus une tomate.

Dans une relation d'échange, le légume acquiert ses qualités nutritionnelles. Les qualités nutritionnelles dont nous avons besoin. Aucune de nos règles de culture,  en dehors d'une démarche agro-écologique ou de permaculture, ne permet à une plante de se développer normalement.

Le fait de cultiver des plantes en grandes monocultures attire de fait des parasites – parce qu’il y a une concentration d’une même chose en un endroit. On cherche alors à lutter contre les parasites plutôt que de remettre en cause le principe de la monoculture.

Ensuite, le fait de ne proposer qu’une quantité limitée de variétés de graines nuit à la biodiversité pourtant fondamentale.

Ce n’est pas tout.

Que l’on ait fait preuve de maladresse par le passé est une chose que l’on peut difficilement se permettre de juger. On a tous le droit de faire des bêtises. Ce qui devient embêtant, c’est de persévérer dans la maladresse tout en sachant qu'on est en plein dedans.

De nombreux scandales sanitaires ont éclos dans l’actualité des dernières années. Par exemple, nous avons eu vent du problème de la dioxine. De quoi s’agissait-il ? Il s’agissait de faire des piqûres d’hormones synthétiques aux vaches afin que celles-ci produisent davantage de lait. Il s’est avéré que les vaches en souffraient, développaient des difformités, des cancers, des carences qui, soit disant n’avaient aucune répercutions dans le lait produit. Ce, jusqu’à ce que des études prouvent que le lait produit n’était pas exempt de risques pour la santé des individus.

Le scandale provenait du fait que les études initiales qui garantissaient la « sanité » du lait étaient menées par des laboratoires mandatés –payés- par les industries qui produisaient l’hormone. Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie et nous sommes bien conscients de l’existence de l’oligarchie formée par les intérêts politico-financiers. Cela ne nous a cependant pas empêché d’être heurtés par le mépris dont ces intérêts ont fait preuve à l’égard de la santé du public. Le profit avant la santé. Le cynisme inébranlable des uns contre l'humanité du plus grand nombre.

La question des OGM, ou des plants transgéniques, suit la même logique.  C’est une logique qui donne la priorité aux profits, au détriment de la qualité, de la santé et du bon sens agricole.

L'étude qui a défrayé la chronique dernièrement montrait des animaux qui avaient souffert de malformations impressionnantes suite à une alimentation à base d'OGM.

Le principe de la modification transgénique est le suivant: d'un côté, nous avons la cellule au sein de laquelle nous allons introduire un gène étranger. De l'autre côté, nous avons le gène étranger. Eh bien les tests montrent que séparément, la cellule et le gène sont compatibles. Puisqu'ils sont compatibles, on en déduit qu'une fois réunis, il y a peu de risque de mauvaise réaction. On ne teste l'ensemble que sur une courte durée, bien trop courte pour que des effets puissent se manifester. Tout cela, l'oeil greffé sur notre microscope. Or il apparaît que des interactions se produisent entre le gène et la cellule, ce qui, séparément, ne pouvait être anticipé. Comme dans de nombreux cas en chimie, les propriétés de la somme des parties réunies diffère des propriétés des parties séparées.

Les champs de plantes transgéniques sont soumis aux mêmes phénomènes de pollinisation que n'importe quel champ. Ainsi, à divers endroits en dehors du champ, jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres, on trouve des plantes qui sont en possession du gène ( on parle de plants "contaminés"). Ces plantes ont généralement l'apparence de "monstres". C'est pour cela qu'il est interdit de planter les graines issues d'OGM d'une année sur l'autre. On n'est pas sûr que la plante de 2ème génération transgénique ressemble à quelque chose. En gros, la modification transgénique n'est pas suffisamment stable pour que l'on puisse laisser le maraîcher planter les graines issues de récoltes d'OGM. L'agriculteur doit en racheter des "neuves" et c'est bien opportun pour le semencier avide de récoltes financières.



Tout cela étant dit, il importe de savoir que des alternatives existent. La plupart de ces alternatives repose sur une responsabilisation du consommateur. Celui-ci dispose d’un pouvoir d’achat et par les choix de consommation qu’il fait, il peut défendre et soutenir une autre pratique agricole. En gros, les pratiques proposées consistent à se rapprocher des structures locales, à favoriser les produits de saison, à questionner les producteurs sur leurs pratiques et sur l’origine de leurs produits, à faire circuler l’information. Une partie de ces pratiques alternatives défendent le métier d’agriculteur et cherchent à impliquer le consommateur, quitte à ce qu’il mette un peu plus les mains dans la terre.

Ne voyons-nous pas autour de nous de plus en plus de gens qui cherchent à faire leur propre potager ? Ne voyons-nous pas des gens se regrouper en ville pour faire des jardins communs ? Dans les écoles, de même, des espaces se créent où l’on tente de réconcilier l’enfance avec les jeux de la terre. Il y a plein de petites initiatives qui naissent ici et là, et il est possible d’y voir une source d’espoir. Dans le monde entier, ces initiatives prennent de l'ampleur et il n'y a qu'un pas à faire pour entrer dans la marche.

Pour aller plus loin, voici trois documentaires à voir et à faire circuler.

Marie-Monique Robin, journaliste indépendante, a fait un travail d’investigation honnête et rigoureux sur le sujet :

Le monde selon Monsanto:



Les moissons du futur.





Pierre Rabhi est un agriculteur devenu philosophe au contact de son métier. La pertinence de son propos a gagné le cœur de milliers de gens. L’association Colibri est née de son travail de réflexion et d’information. Voici une interview :




Associations qui proposent de l'information et mettent les gens en relation pour multiplier les initiatives :

www.kokopelli-semances.fr : Kokopelli – association qui défend la production de graines paysannes et reproductibles.

www.germinance.com
www.amisdelaterre.org
www.humanite-biodiversite.fr : association créée par Hubert Reeves.


vendredi 7 juin 2013

Philosophie pratique

Le philosophe Charles Pépin  dit pourquoi de plus en plus de gens s'intéressent à la philosophie.



Pour en savoir plus, suivez le lien!

http://www.franceculture.fr/emission-pixel-philo-ergo-sum-2013-06-07

jeudi 6 juin 2013

Copies conformes

 Article du 6 juin 2013

Cela fait un bon quart d’heure que je suis devant cette page blanche et ça suffit. J’ai beaucoup de mal à me concentrer aujourd’hui, je fais des aller-retours inutiles, je cherche quelque chose d’urgent à faire, pour m’échapper, vous comprenez, mais non, je n’ai rien d’autre à faire que de travailler sur le sujet que j’ai choisi de traiter.
Alors que je regardais une émission il y a deux jours, un sujet m’est resté dans la tête et a fait écho avec un vieux souvenir. Le sujet, c’est l’arrivée dans le commerce des imprimantes 3D ; le vieux souvenir, c’est la lecture d’une nouvelle de Philip K. Dick intitulée « Copies non-conformes ».
Ce que je veux faire aujourd’hui, c’est voir pourquoi l’un m’a rappelé l’autre. Biensûr, l’imprimante 3D et la nouvelle de K. Dick ont ouvert la réflexion J’ai commencé par relire la nouvelle.
En voici un résumé : Après qu’une guerre nucléaire ait ravagé la surface de la terre et décimé la majorité des espèces vivantes – c’est là un contexte cher à notre auteur -  les survivants s’organisent en colonies. La planète étant dépourvue de presque tout, c’est-à-dire d’objets et de matière – tout est en cendres – les survivants ont eu la « chance » de voir venir à leur secours une espèce extra-terrestre compatissante. Ces extra-terrestres sont les Biltongs, organisme étrange assez peu ragoutant, avec des tentacules qui grouillent et qui luisent, possédant bon nombre de caractéristiques que notre imaginaire assimile à du « pas beau » et, par conséquent, « pas gentil ».
Cependant, ces étranges extra-terrestres ont la capacité de « dupliquer » n’importe quel objet. Ainsi les survivants ont-ils organisé leurs colonies autour d’un Biltong auquel ils apportaient les objets sauvés. Le Biltong à leur service les dupliquait. Ainsi, les vêtements, le mobilier, les moyens de transports, le moindre objet du quotidien était à nouveau devenu banal. Jusqu’au jour où les Biltongs commencent à mourir, et que tout ce qu’ils ont dupliqué se dégrade et tombe en cendres.
Les hommes cèdent à la panique et leur premier réflexe est de s’en prendre au Biltong, l’insultant et l’agressant, sans doute pour qu’il fasse un effort supplémentaire alors que la mort l’accable. Philip K. Dick ne défend pas une idée très idéale de l’homme, on est bien d’accord.
Depuis le début de la nouvelle, nous sommes avec un personnage principal qui roule à bord de sa voiture pour rejoindre une colonie. Il prend en stop un autre personnage qui vient de loin. Au fil de leur discussion, on parle de duplication, de fabrication, de renoncement, de progrès.
Je crois que ce sont ces thèmes-là qui ont émergé alors que je regardais ce reportage sur les nouvelles imprimantes 3D.
Allons-voir cela plus en détail.
Notre petit monde à nous est à bien des années lumières de celui que Philip K. Dick nous offre dans ses nouvelles.  Dans notre monde à nous, nous remarquons que nous utilisons de plus en plus d’objets dont nous ignorons tout du fonctionnement interne, de leur fabrication. Ils sont faciles et agréables d’utilisation. Réciproquement leur utilisation facilite notre quotidien. On peut faire ses courses en ligne, payer par téléphone portable, programmer l’enregistrement de son feuilleton à distance, grâce à une application, gérer ses alarmes, la fermeture des stores, et que sais-je. Une multitude de choses pratiques. Enthousiasmés par cette praticité bien opportune, nous avons couru après plus de praticité et de facilité. Soit.
Dans tout cela, que vient faire notre pauvre imprimante qui n’a rien demandé et sur laquelle je donne l’air de m’acharner ?
Je crois qu’il y a une très grande différence entre une imprimante 2D, qui trace des lignes et des points d’encre sur du papier, et une imprimante 3D capable de reproduire un objet.
Cette différence réside dans le rapport que nous avons avec notre environnement.
Permettons-nous d’anticiper un peu les choses et imaginons cette situation : une demoiselle du futur proche souhaite, par exemple, s’offrir une table et un jeu de chaises. Sur le net, cette personne surfe et compare de sites en sites ce qui se fait. Elle choisit un modèle, et achète ce modèle en ligne. Qu’achète –t-elle concrêtement ? Notre demoiselle achète un programme sous le format mp3 ( ou un autre format, j’imagine là aussi qu’on va vite avancer). Un programme contenant virtuellement les biens qu’elle veut voir dans son salon. En cliquant sur le bouton «  lancer l’impression », les objets vont se matérialiser. C’est pratique et c’est facile pour la demoiselle.
On pourrait parler d’une matérialisation de la virtualité (le programme de la table se « réalise », se matérialise) mais aussi de virtualisation de la matérialité (la table matérielle est conceptualisée et transformée en programme). Retombant ainsi sur nos pattes, nous pourrions parler de détour virtuel de la matérialité.
Cela étant dit, je vois dans ce détour virtuel quelque chose qui s’éloigne de l’idée de fabrication.
Qu’est-ce que fabriquer ?
Je crois que la notion de fabrication est très importante pour l’homme, bien qu’il semble l’avoir quelque peu oublié.
Fabriquer quelque chose, c’est interagir avec son environnement. Prenons un exemple simple pour illustrer le fondement de cette idée: parmi nos ancêtres d’il y a 30 millions d’années, les hommes chassent quelques bêtes à l’aide d’outils fabriqués à partir de bois, de pierres, de tiges, de nerfs. Les femmes cousent des morceaux de peau de bête à l’aide de petits os et de boyaux.
En possession de ses deux seules mains, l’homme observe ce qu’il y a autour de lui. Comment peut-il agencer cette chose bizarre ici avec ce drôle de truc la-bas :
 «  Tiens, en les mettant comme ça, avec un bidule pour les faire tenir, je pourrai peut-être avoir un moyen de me protéger de… » … et là on a l’embarras du choix.
Fabriquer, c’est ça. C’est observer son environnement (le tester, comprendre un peu comment ça marche), mettre des choses ensemble pour obtenir quelque chose d’autre dont on estime avoir besoin, dans le but, originel, de se protéger.  Ce quelque chose d’autre n’existe pas forcément dans la nature, c’est donc une projection de son imagination, une création, une invention. Tant qu’il s’agit de poterie, de vêtements, de roues, de mécanismes, on ne voit pas de problèmes.
Alors nous sommes remontés bien loin pour parler de fabrication, mais il y a plein de choses contemporaines à dire sur le sujet. En effet, lorsque l’on fabrique quelque chose, on se donne un peu de mal, on fait un effort, et en même temps, on ressent de la satisfaction. Fabriquer, créer et inventer sont à l’origine de ce que l’on appelle « travail ». Il y a eu des détournements et des malentendus sur ces notions qui font que l’on ne sait plus trop quoi en penser. Par exemple, le « travail » qui vient du mot torture, met avant la dimension de l’effort, de la contrainte. Par contre, la dimension de satisfaction est moins entendue. Je ne souhaite pas ici approfondir la question du travail qui est fort compliquée. On va rester sur l’idée de fabrication, d’effort et de satisfaction.
La satisfaction est le pendant psychologique qui accompagne la contemplation de l’objet fabriqué par notre effort. Lorsque je fais l’effort d’aller vers mon environnement, que ce soit en tendant la main ou bien en faisant preuve de curiosité sur un détail, je fais quelque chose d’épanouissant. Je fais quelque chose qui est en accord profond avec la nature humaine. C’est pour cela que l’on ressent de la satisfaction. N’est-il pas reconnu aujourd’hui que les activités manuelles les plus simples, - un cours de poterie, par exemple- sont recommandées pour les enfants, les personnes âgées, ou tout autre individu qui pourrait ne pas se sentir « bien » (utile ou épanouis) ?
Je me permets d’aller plus loin en disant que toute activité manuelle, ou artisanale est une activité artistique. Comment cela ? Parce que dans la fabrication d’un objet, il y a projection d’une imagination.
J’ai l’impression alors, qu’avec le virtuel, nous cherchons à concrétiser l’imaginaire du matériel. En gros, on imagine dans notre tête un objet, mettons une table.
3 possibilités :
-        Je suis courageux, je me la fabrique moi-même. Etape par étape, je vais agencer les matériaux pour qu’ils prennent la forme de ce que j’ai dans ma tête. Cela va me prendre quelques heures ou une journée.

-        Je ne sais pas faire cela moi-même donc je vais voir un mec qui sait faire ça bien. Je lui présente mon projet, on en discute, etc, la table prend forme dans nos paroles échangées. Cela va me prendre une bonne heure puis plusieurs jours pour la fabrication.

-        Je saute sur mon écran, je passe de site en site, je vois des images de tables et je clique. Je peux y passer beaucoup de temps la aussi.

Ce qui change entre les trois possibilités, c’est la valeur de l’interaction :
-        L’interaction avec l’environnement (moi face aux blocs de bois ou tiges de métal),
-        avec ses semblables (moi face à l’artisan menuisier),
-        avec la machine (moi face à mon écran).
Aucune n’est nuisible en soi, ce qui est à mon avis dommage, c’est que la troisième forme se répande au détriment de la première.
Si l’on déplore aujourd’hui que les enfants ne savent plus que le jambon est fait à partir de cochon, c’est sans parce que les interactions directes avec notre environnement ont évoluées….
Ne pourrions-nous pas développer des contre-parties ? Si les interactions virtuelles se développent, s’il y a un retrait du réel dans nos existences, il nous faudrait peut-être chercher à multiplier les intéractions directs avec le réel, favoriser le contact avec la nature…
Je crois que bien des problèmes peuvent venir du constat suivant:
La praticité et la facilité sont des choses devenues importantes. Notre société cherche à les développer.  La notion d’effort est maintenant connotée de manière négative. On cherche à fournir le moindre effort pour, cependant, obtenir la plus grande satisfaction. ( je choisis les électrodes SportElec pour ne pas avoir à faire mes séances d’abdos, mais je veux le même résultat ; je mange des barres protéinées pour perdre du poids plutôt que de devoir modifier mes habitudes alimentaires ; je veux obtenir en un clic tout ce que je vois qui m’intéresse et que mes moyens me permettent d’obtenir…)
Si l’on considère que « tout » dans la nature, et dans l’histoire de l’humanité, nous montre qu’il n’y a pas de satisfaction sans effort, que l’effort est sain et noble, et que c’est cet effort qui confère la valeur de toute chose, eh bien on comprend que de plus en plus de gens se sentent mal à l’aise.
La valeur, voici un point fondamental. A ce stade, la réflexion pourrait s’orienter sur les formes d’interactions que l’argent, cet intermédiaire fiduciaire, introduit. La notion de valeur est, de nos jours, trop intimement liée à cet intermédiaire. Je ne me lancerai pas dans cette réflexion pour l’instant.
Ce que j’ai à dire, c’est que le progrès technique et technologique est une chose fantastique. Si des imprimantes 3D apportent à la médecine le moyen de sauver des vies, c’est génial.
Il est fascinant de constater à quel point nous avons pu nous protéger et nous prémunir des dangers.
Mais il importe de souligner, à mon avis, que ce progrès technologique perd toute sa « fantasticité » s’il n’est pas accompagné de respect, de responsabilité et d’humilité.
Respect, humilité, simplicité : on retrouve ces idées générales dans des articles précédents, du style «  la noblesse de la simplicité ».
Donc : que comprendre de tout cela ? Eh bien principalement qu’il faudrait nous réconcilier avec l’effort, prendre le temps de faire des efforts (prendre les escaliers au lieu de l’ascenseur, faire la cuisine au lieu d’acheter du surgelés, faire un potager, faire du sport – qui est un des efforts les plus importants et les plus bénéfiques, et tant de choses toute simples qui ne requiert que de la bonne volonté). Je ne vous parle pas des effets psychologiques positifs que cela entraînerait.
Faire des efforts implique un renoncement à certaines formes de facilités. Des facilités heureusement illusoires pour la plupart. ( j’ai beau mangé des barres protéinées, si j’en mange toute ma vie, je serai fine, certes, mais j’aurai plein de carences et une santé mauvaise).
Pour terminer cette balade - qui nous a tout de même fait passer de l’univers de K. Dick, aux premiers hommes et à Sport Elec – souvenons-nous de cette allégorie philosophique :
L’allégorie du maître et de l’esclave :
Hegel nous raconte qu’entre un maître et son esclave, le moins libre des deux est le maître. Pourquoi ? Parce que le maître a besoin de son esclave au quotidien, dans sa maison, dans son jardin, pour accomplir toute sorte de choses, fabriquer, réparer, cuisiner… Le maître est dépendant.
Dans notre réflexion, nous pourrions opérer un raccourci facile et dire que, quelque part, la technologie du virtuel que nous développons devient notre esclave. Elle est à notre service. Nous en devenons dépendants. Grâce à elle nous obtenons ce que nous voulons sans faire trop d’efforts.
Nous pensons maîtriser plus de choses parce que nos outils nous offrent une large fenêtre sur le monde, or cette fenêtre nous cache le plus important.
Je vous laisse méditer tout ça…