A la Une

Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

vendredi 30 octobre 2015

La philospohie : balbutiement de spiritualité


Depuis mon plus jeune âge, je voue à la philosophie une passion inébranlable. Je considère qu’il n’y a rien de plus important que de poser des questions, de s’étonner de ce qui nous entoure, sur comment on fonctionne, sur ce qui se passe dehors et en nous. Poser des questions, puis chercher des réponses. Plus que dans les livres, je trouvais, pour ma part, plus enrichissant de les chercher en soi, pas à pas, enfermée pendant des heures ou en retraite dans les bois. Faire fonctionner son esprit. C’était là la vision que je défendais de la philosophie. Je considérais que le but de cette pratique était de nous aider à trouver notre place en ce monde, non pas une place sociale individuelle les uns par rapport aux autres, mais une véritable place dans l’ordre des choses, dans l’ordre du vivant, une place naturelle. Comprendre ce qu’est la condition humaine, s’en faire sa propre définition. En observant les évènements quotidiens, les drames, les joies, les peurs métaphysiques, je pensais que la réflexion philosophique était ce qu’il y avait de plus puissant comme outil pour nous permettre d’avancer dans l’existence. Pour moi, la philosophie était la forme la plus noble de la spiritualité car je la considérais dépourvue de croyance. Je considérais en effet la croyance – quelle qu’elle soit- comme un parasite rendant impossible l’exercice de la réflexion rationnelle.

Chose étrange, dans ma philosophie personnelle, je bannissais également à grands coups de crayon la rationalité que je considère comme un très grand danger quand elle est placée sur un pied d’estale.  Je défendais l’intuition, l’introspection, le rêve, la naïveté, l’enthousiasme, la spontanéité, la créativité, etc alors que je plaçais, au final, sans le vouloir, la réflexion en premier chef puis que je rationnalisais tout dans la forme des mes réflexions. J’étais dans ma tête, que dans ma tête, et je sentais mon corps vouté parfois soumis au frisson grisant de la naissance d’une idée.

Je redonne très brièvement une définition de ce que j’entends par croyance : c’est un ressenti ineffable, une chaleur au niveau du plexus, quelque chose d’injustifiable, une certitude sans preuve.

La rationalité, c’est la mise en ordre, le classement, la généralisation, la conceptualisation. (A mon avis ce n’est qu’un outil de transmission permettant à l’autre de nous comprendre, via une argumentation organisée,- comme je le fais présentement avec mes trois définitions-  mais ça ne nous permet pas, in fine, de comprendre vraiment le monde, sinon juste une toute petite partie. Il est hasardeux de se baser sur la petite partie du monde que l’on croit comprendre grâce à la science notamment, pour se permettre de la modifier à notre guise).

La spiritualité, c’est l’exercice de l’esprit dans un sens très large. On peut considérer que la raison est une partie de l’esprit, une toute petite partie, mais pas la principale. La conscience en est surement plus représentative. Là, chacun peut s’amuser à construire son puzzle sur les constituants de l’esprit ( la mémoire, la pensée consciente, l’inconscient, les émotions, les idées, etc.)

Comment peut-on bannir à la fois la croyance et la rationalité tout en défendant la réflexion philosophique ? Comment cette réflexion peut-elle être spirituelle sans raison ni foi ?

Elle ne peut pas.

Je ne me rendais tout simplement pas compte que je croyais bien plus que je ne raisonnais, et que j'étais un peu empêtrée dans des contradictions diffuses.
Je croyais en la philosophie, en la nature humaine, en la force de la pensée et en la force de la nature. Je ne croyais pas, au plus profond de moi, en notre modèle de société, sans trop savoir pourquoi. Je le sentais pervers, faux, hypocrite et reposant sur n'importe quoi, des idées fondamentalement fausses à mes yeux. (la supériorité de l'homme? Totale coupure avec la nature relayée à un simple décor? etc)

Je rejetais la raison suite à une réflexion rationnelle, et donc cela signifiait que la raison se rejetait elle même, sans pour autant disparaître car elle est indispensable. Elle me murmurait quelque chose comme : "cherche ailleurs, lâche-moi, laisse-moi à ma place, et continue, va sans moi", quelque chose comme ça. Continuer, ok, mais vers où ? C'est en traversant une douloureuse dépression qui me mettait face à mes contradictions et à mes choix les plus fondamentaux, que j'ai commencé à continuer ce fameux chemin. J'ai senti que perdre la foi, c'était perdre la vie. La foi en la philosophie, en la nature, et en soi, bien sûr. Ce n'est pas la raison qui m'a aidé à remonter, ce n'est pas l'esprit, mais c'est le corps. Un travail sur le corps, sans réfléchir, en totale résignation: "Je ne sais plus rien, je ne veux plus rien, je n'ai plus rien à perdre, je ne suis plus rien, je vais donc laisser faire le reste". Et c'est venu. Je n'avais pas perdu la foi, jamais, mais je refusais d'accepter le fait que je lui accordais plus d'importance que je ne le voulais. Il était inconcevable à mes yeux de revendiquer l'acte de croire comme étant sérieusement fondamental. Je n'osais pas. La rationalité me tenait encore fermement dans ses filets. Je me disais sans y croire, que ce qui n'est pas rationnel est forcément fou, que personne ne peut décemment accepter de croire en quelque chose de plus que le rationnel. Je mettais un couvercle sur mon désir de croire, alors qu'il était ardant, flamboyant, incandescent. Je l'ai soulevé, ce couvercle, très progressivement. J'ai jeté un oeil curieux et attentif, dans le petit espace du couvercle à peine levé. J'ai constaté à ce moment qu'il s'agissait de foi. Et que la seule solution pour moi d'avancer, était de soulever entièrement ce couvercle.

Aujourd’hui, mon expérience personnelle m’amène à constater tout simplement que la réflexion philosophique n’est qu’un balbutiement de spiritualité. En effet, l’usage de la rationalité dans la spiritualité est un obstacle. Vraiment. La spiritualité est un acte de foi, un art de vivre, des choix de vie respectueux de convictions lentement forgées. Des convictions non pas de « ce qui est », mais plutôt de « ce qui n’est pas », je crois que ces convictions lentement forgées amènent à la sobriété, une sobriété heureuse, détachée grandement de superflus matériel.
La spiritualité est globale et non plus mentale et réduite à quelques heures de la journée, mais entière et embrassant tous les pans de l'existence. Elle se reconstruit chaque jour sans jamais devenir routinière puisque chaque instant, pleinement vécu, est unique.

Bon nombre de philosophes aujourd'hui sont des personnes qui s'enferment dans un exercice rationnel, et mènent une vie en totale contradiction avec des idées auxquelles ils ne croient pas profondément. D'autres sont tellement urbanisés que leurs idées coupées de la nature sont même dangereuses.Ils n'ont rien de sage. Je dis cela car je crois avec la plus grande ferveur que l'observation de la nature est la plus grande source d'inspiration qui soit.Sans angélisme aucun à l'égard de la nature. Au contraire. Avec le plus grand détachement. De même je me méfie de la philosophie humaniste car sous ce terme se cache parfois l'idée que l'homme est central, supérieur, au sommet d'une hiérarchisation du vivant qu'il s'est construite en se basant sur une conception erronée de la condition humaine. Ces courants défendent souvent le progrès technologique comme assistance et facilitation, allant jusqu'au transhumanisme qui est, à mes yeux, une aberration sans nom. 

La sagesse telle que je la vois maintenant, consiste à se taire et à cesser de réfléchir, à observer ce qui se passe dehors et à renforcer son corps. Développer une écoute, une attention tant envers l’extérieur à soi qu’à l’intérieur, se laisser traverser par les sensations sans chercher à les arrêter, les analyser, les comprendre. Elle commence en travaillant le rapport qu'on a à soi-même, puis aux autres, sans se poser de questions, en étant réceptif aux stimulis tous azimuts.

Je crois surtout qu’il est bien plus difficile de croire que de raisonner, parce que croire demande de surmonter énormément de peurs accumulées depuis des générations. Parce que quelle que soit l’intensité de la foi, elle ne sera jamais aussi forte que la certitude qu’amène la raison. Or, une certitude rationnelle est un arrêt. Une photo. Et le vivant ne s’arrête pas. La vérité, si l’on veut employer un mot dangereux, n’est pas figée. Le soulagement de la certitude est donc illusoire.

Je parle de croire mais je ne dis pas en quoi. A chacun de trouver sa propre croyance mais je peux dire que la religion est totalement étrangère à la question, pour ma part en tout cas, étant athée par mon éducation, puis agnostique, avant de ne même plus voir la religion. Ma croyance est humaniste et naturaliste, voire principalement naturaliste. Il s’agit plus de l'acte de croire, que de la chose en laquelle on croit, et qui a priori n’est pas figée, et donc forcément un peu confus, mouvant, irrationnel, ce qui donne à la croyance son côté « fou » (Comment peut-on croire en quelque chose de mal défini ? Alors qu’il n’y a pas de preuve ? Eh bien justement, c’est parce qu’il n’y a pas de preuve que l’exercice de la foi prend tout son sens. C’est faire un pas dans ce qu’on croit être vide, et constater qu’il n’est pas vide. Voilà un exercice qui va à l’encontre de ce qui est le plus central dans la culture occidentale ( La Raison !) et qu’il nous est horriblement compliqué de faire.)

Je crois, en toute humilité, qu’il est urgent de se dérationaliser, de corporaliser l’esprit. De développer ses sens au-delà des stimulis brefs et superficiels qui ne font que nous induire en erreur sur ce qui nous entoure. De prendre le temps de sentir autrement, sentir plus. De regarder longtemps pour tenter de voir au fond des choses non pas une vérité, une réponse, mais un espoir. Un contact. Sentir un mieux être, un plus être, en étant simplement pleinement soi-même.


jeudi 15 octobre 2015

Relevé de notes

Ma mère m’a dit hier au téléphone qu’en mettant de l’ordre dans les vieilles caisses du grenier de la maison dans les Vosges, elle était tombée sur mon relevé de notes du baccalauréat et quelques uns de mes vieux bulletins. Elle a réveillé de vieux souvenirs lointains et révolus, provenant d’une vie antérieure, quand tout était beau et facile. Au Bac, j’avais eu 18 en maths et en philo, 15 en histoire-géo, 16 en français, anglais, espagnol et italien, et… 10 (coefficient 8 !) en éco. Le coup de poignard, ce 10. Il a marqué le début de la fin, si je puis dire. Ce n’est pas que je courrais après les bonnes notes juste pour les collectionner et recueillir les lauriers, non. Le 10 en soi n’aurait pas été un problème s’il ne s’était agi d’une note de Bac coefficient 8. Il se passait tout autre chose à cette époque. C’est cela qui m’est remonté à l’esprit et qui me donne envie d’écrire ces quelques lignes.
J’étais vraiment une drôle de petite fille. A 7 ans, j’avais juré que j’irais sur Mars en 2020 et j’avais établi un programme pour « tout savoir sur tout ». J’étais amoureuse des étoiles et je voulais « connaître Dieu » (sans savoir de quoi il s’agissait, surtout dans une famille excessivement athée). Je passais beaucoup de temps dans la forêt, dans les Vosges, à raconter des choses toute seule, je parlais aux arbres. Je ne comprenais pas pourquoi les étoiles qu’on voyait dans le ciel n’étaient pas des planètes. Je comprenais surtout que rien n’allait de soi. Qu’il n’y avait pas d’évidence. Qu’il fallait apprendre à regarder ce qu’on avait sous les yeux. Cela ne m’a jamais angoissé de voir qu’une question en soulevait toujours plein d’autres, au contraire, cela m’enthousiasmait. Pour moi, Dieu était le ciel et la forêt. Un peu plus tard, vers 12, 13 ans, je me suis dit qu’avant de connaître Dieu, il fallait connaître l’Homme. Je voyais énormément de promesses dans l’étude. Rien ne me rendait plus heureuse que de me poser des questions, chercher, être dans la nature et discuter. J’étais une petite fille très solitaire et mal fagotée mais j’étais pleine de vie et faisais toujours le clown. J’étais très curieuse et très précoce.
Le week-end on était dans les Vosges (une vieille ferme en ruine que mes parents avaient achetée en 1980 et qu’ils retapaient patiemment eux-mêmes), la semaine on était à Nancy dans un appartement. Je rentrais directement après les cours pour m’enfermer dans ma chambre et approfondir mes leçons. Je n’y étais pas obligée mais j’aimais ça. Mes parents se contentaient du fait que je fasse mes devoirs, pas plus, tant que je ne faisais pas conneries et que j’avais la moyenne. Tous deux étaient employés à France Télécom et étaient les premiers surpris à voir combien j’aimais travailler. Je passais entre 4 et 6 h par jour dans ma chambre, de 18h à minuit en gros, et ce pendant toute ma scolarité, du CE2 à la Terminale, ce qui fait une paire d’années. Je rentrais dans ma chambre et je posais mes affaires près du bureau. Avant de toucher quoi que ce soit, je faisais les 100 pas en parlant à voix haute, me demandant ce que j’avais retenu de mes cours et cela pouvait durer longtemps. Puis j’ouvrais mes cahiers et passais tout en revue. Je lisais plein de choses dans des livres et je dansais dans ma chambre en laissant filer mon imagination. Et puis je n’avais ni télévision, ni ordinateur, ni téléphone portable (nous sommes au milieu des années 90).
En 6ème et 5ème j’étais dans un collège public en horaires aménagés avec le conservatoire de Nancy où je faisais de la danse classique et du piano, puis en 4ème je suis revenue dans le cursus normal en intégrant un grand collège de 2000 élèves, toujours à Nancy. J’ai vite compté parmi les trois meilleurs de la classe. J’ai eu des profs de merde en science, malheureusement, donc je n’ai jamais su ce qu’étaient la physique, la biologie ou les mathématiques. Je suis passée complètement à côté de ces matières. Pour moi les maths consistaient à faire sans qu’il y ait rien à comprendre. Le seul souvenir que j’ai de mes cours de physique, c’est d’avoir allumé un oscilloscope et observé une courbe sinusoïdale sur un écran. Point. Je n’ai rien appris. Un jour, j’ai demandé ce qu’était un courant
électrique, on m’a répondu que c’était un courant continu ou alternatif, ce qui ne m’a guère avancé et je n’avais rien d’autre que le professeur pour m’éclairer en la matière, pas de livres, pas d’autres adultes vers qui me tourner. Ce sont donc les sciences humaines qui m’ont intéressée. J’ai fait du latin et j’ai adoré jouer avec ses déclinaisons. J’étais très forte en version et je me suis passionnée d’étymologie. J’étais excellente en anglais et espagnol, ça rentrait tout seul. La grammaire m’amusait beaucoup et je ne faisais quasiment pas de fautes d’orthographe. En 3ème ou en 2de, j’ai eu une prof d’histoire absolument fantastique, qui nous racontait avec ferveur les tenants et aboutissants des évènements, sans cracher un cours tout fait sur le tableau, ce qui était rare. Elle m’a permis de comprendre ce qu’était l’histoire : non seulement la recherche de documents de première ou seconde main qui donnent connaissance de faits, mais surtout le travail d’interprétation de ces faits par l’historien. C’était cela, l’Histoire : une belle science humaine qui en dit autant sur l’historien, quel qu’il soit, que sur l’histoire.
Elle nous avait proposé de participer au concours pour la mémoire de la déportation et de la résistance. On avait été 4 à accepter, donc on étudiait des documents ensemble après les cours avec la prof, des témoignages sur l’horreur des camps, leur organisation, etc, puis le concours a eu lieu quelques semaines plus tard. Il fallait faire une dissertation en trois heures sur le système concentrationnaire nazi. J’avais été la lauréate départementale du concours. Ma prof d’anglais m’avait proposé de participer au concours général, mais sur le coup je n’ai pas compris ce que c’était et n’ai donc pas donné suite. On m’encourageait beaucoup pour que je suive la filière scientifique mais ça ne m’intéressait pas du tout. La filière littéraire me paraissait aussi trop spécialisée. Je voulais un maximum de diversité, j’ai donc choisi la filière éco.
En Seconde, ont donc commencé les cours de science économique et sociale et ce fut une grande révélation. Un prof exceptionnel, soixante-huitard, extrêmement rigoureux et plein d’humour. La SES est la matière qui permet de vraiment comprendre le monde dans lequel on vit. Les logiques éco et politiques, ce qu’est l’Etat, ce qu’est une Entreprise, la Monnaie, mais aussi ce que c’est que l’industrialisation, le capitalisme, la mondialisation, la financiarisation du monde, la construction européenne, les politiques structurelles, etc, et quand tu as 16 ou 17 ans, il me parait indispensable d’apprendre ces choses-là et d’y réfléchir. On faisait beaucoup de sociologie aussi, avec Durkheim, Todd, Touraine, Bourdieu, Weber, Wallerstein et quelques autres. Ce prof encourageait la prise de risques dans la réflexion, tant qu’elle se tenait et qu’on ne disait pas n’importe quoi. Il voulait vraiment nous donner les moyens de nous forger un bon esprit critique. J’avais souvent entre 18 et 19 à mes travaux et le prof annotait en haut de la copie un « Convenable » qu’il fallait savoir interpréter avec malice. J’aimais bien mes « convenables ». J’adorais disserter. On m’avait offert un petit « repères- la découverte » sur les théories des crises économiques par Bernard Rosier que j’ai lu je ne sais combien de fois et dont toutes les lignes sont surlignées, un petit livre qui m’a énormément servi même à Science-po et que j’ai encore dans mes affaires ici à Aix. J’empruntais tous les Sciences Humaines, les Newsweek, les Monde diplo au CDI et les lisais consciencieusement, je faisais des connexions avec l’ensemble de mes cours, tous les soirs dans ma chambre. Ca m’embêtait de les rapporter car je me disais que si j’avais besoin de retrouver une phrase, je serais bien embêtée de ne plus avoir mes magazines sous la main. Donc je ne les rapportais pas tous et j’en recopiais pleins de passages dans la marge de mes feuilles de cours.
Puis en Terminale, il y a eu la philo qui a été pour moi le summum de la révélation. J’ai eu la chance d’avoir une prof exceptionnelle là aussi. J’avais déjà lu le Monde de Sophie et j’attendais beaucoup
de cette nouvelle discipline. Ses cours étaient clairs, elle parlait sans notes et prenait toujours une minute pour se concentrer avant de commencer à développer. Elle ajustait son petit serre-tête sur carré blond et faisait un véritable effort pour captiver notre attention. Elle m’a dit plusieurs choses qui m’ont beaucoup aidée, comme « nourris ton texte de citations, prouve ce que tu dis, tu n’es personne pour qu’on te croie sur parole », parce que j’avais tendance à économiser les références, pensant que la prof les verrais en transparence dans mes copies, mais non ! Je comprenais qu’en philo plus qu’ailleurs, la référence, la preuve jointe à l’argument était indispensable. Elle inscrit la pensée dans une lignée et met en évidence d’éventuelles ruptures avec un courant. C’est important de savoir « où on se situe », donc j’ai vite appris à intercaler ces références (ce que maintenant je ne fais plus).
Un jour on avait un devoir à faire à la maison. Ce devait être sur le sens de l’histoire, je crois bien, quelque chose d’hégélien. Je passe le week-end entier à travailler, je plonge dans les vieux bouquins de mon père, vieux recueils des années 60 d’extraits des grands textes commentés par des académiciens. Je rends 5 ou 6 copies doubles à la prof qui me dit : « As-tu un grand frère qui t’aurais aidé ?... Parce que c’est le travail d’un deuxième année de classe prépa que tu viens de me rendre… C’est vraiment très bien. » Elle m’a mis un 17 que j’ai adoré, qui m’a beaucoup marqué et donné confiance. C’était vraiment une belle époque et je prenais énormément de plaisir à travailler. Elle nous a fait réfléchir sur la vérité mathématique en nous parlant de la géométrie Riemannienne qui remettait en cause la géométrie Euclidienne, autre grande révélation parmi quelques autres. La question de la relativité des choses les unes par rapport aux autres était centrale dans ma réflexion et je commençais alors à voir se dessiner les contours d’un système de dynamiques qui rendait compte de pas mal de choses sur le comportement humain. J’avais toujours eu l’impression depuis mon plus jeune âge, d’être un récepteur, un observateur de tout ce qui m’entoure. Les informations affluaient en masse naturellement et la réflexion s’était très tôt imposée d’elle-même. J’ai estimé assez rapidement qu’il était hasardeux que l’homme agisse sur son environnement avant de l’avoir compris, du moins dans une certaine mesure. Or j’avais l’impression qu’on agissait sans avoir suffisamment compris cet environnement. Je voulais savoir pourquoi il en était ainsi, pourquoi on en avait compris ce qu’on en avait compris, et qu’est-ce qui nous échappait dans l’histoire, à côté de quoi on était en train de passer. Plus j’en apprenais, plus cette sensation se renforçait sans que cela ébranlât en quoi que fût mon optimisme, mon enthousiasme et mon intraitable humanisme. Je ne me sentais nullement engagée dans une cause ou une autre, je ne cherchais aucunement à juger qui avait tort ou qui avait raison, je voulais juste observer. C’est bien plus tard que j’ai pris position.
La journée, j’étais très timide, extrêmement réservée, la discrétion incarnée, voire désincarnée, mais le soir à table c’est moi qui tenait l’audience : je racontais ce que j’avais appris plus tôt, je voulais partager ces choses incroyables. Je me souviens avoir raconté pendant tout le repas la crise de la baie des Cochons à Cuba pendant la guerre froide, avoir monologué une autre fois sur la question aporétique « liberté/sécurité » en démocratie, sur le contrat social de Rousseau, la justice kelsenienne, la caverne de Platon. Ma sœur me détestait, la pauvre, car je monopolisais l’attention. Mes parents m’écoutaient avec indulgence. Ma mère voulait que je devienne prof car elle trouvait que je m’exprimais très bien. Elle ne suivait pas forcément tout ce que je disais et ne voyait pas spécialement l’intérêt d’en savoir autant. Mon père, par contre, avait l’air de tout savoir déjà. Il comprenait tout, écoutait posément et venait me donner un livre de temps en temps, pour m’aider à creuser encore. Il avait fait de longues études de psychologie à la Sorbonne mais avait tout abandonné à la mort de son père. Il ne parlait jamais de son savoir.
A l’école, j’avais assez peu d’amis. J’avais une ou deux très proches copines, mais je ne me sentais pas du tout à l’aise dans un groupe. C’était maladif et jusqu’à mes 14, 15 ans, je ressentais une vraie terreur, les gens m’impressionnaient tous. Je rougissais pour un rien, je n’osais pas parler. Cela pouvait attirer les foudres. En milieu d’année, en 4ème au collège, (j’étais donc nouvelle dans l’établissement) un groupe de filles que je prenais pour des copines avait tagué en gros sur le mur de l’école « Marie-Pierre est une conne, Marie-pierre est une pute »… Puis un jour, Céline avait arraché des pages de mon cahier et griffonné des insultes. Encore un peu plus tard, Martin m’avait agressée dans les toilettes, m’avait foutu un coup de poing au visage, griffé au cou jusqu’au sang, tiré les cheveux et craché dessus (j’avais riposté, mais bon)… On se moquait de mon prénom bourgeois, on me traitait de pauvre intello, des trucs sympas… Ce sont les voyages à l’étranger qui m’ont ouverte et blindée, à la fois. A 15 ans, pour me récompenser de mes résultats, mes parents m’ont offert un séjour linguistique de trois semaines en Espagne. Depuis longtemps je voulais partir seule à l’étranger. J’ai été hébergée dans une modeste famille près de Santander, je prenais des cours d’espagnol avec des jeunes du monde entier. Cela a été absolument génial. Je me sentais très à l’aise. Par la suite, je suis partie régulièrement tous les deux ans, en Irlande, en Italie, etc. J’ai guéri de ma timidité mais pas de ma discrétion.
Puis j’ai eu ce 10 coefficient 8 au Bac. Les études étaient ce qu’il y avait de plus important pour moi. S’il ne s’était agi précisément du Bac, cette note n’aurait posé aucun problème. J’avais déjà eu des 8, des 6, des zéro, qui mettaient le doit sur un truc que je n’avais pas compris ou bien sur une étourderie, peu importe, ces notes ne constituaient pas un obstacle, mais là, au Bac, c’était une sanction fatale que je ne comprenais pas et qui visait en plein dans ma matière préférée. Ce 10 pesait lourd et entrainait des conséquences au goût amer. J’ai consulté ma copie pour comprendre où était mon erreur : quelques « oui » dans la marge puis un paragraphe de 10 lignes noté « hors sujet ». C’était loin d’être mon meilleur travail sans pour autant être mauvais, comme le 10 l’indiquait moyennement et justement. Cette note m’a fait louper la mention Très Bien à quelques dixièmes près et je trouvais cela dommage en regardant mes autres notes (18 en maths et 18 en philo notamment). J’ai quand même pleuré près d’une semaine au grand désespoir de ma mère qui ne savait plus quoi faire pour tempérer mon impressionnant chagrin. Je souhaitais aller à Henri 4 pour y faire une classe prépa et j’ai été refusée parce qu’il fallait la mention TB, surtout quand on venait de province. J’ai vu des portes se fermer. Une amie à moi a eu la mention TB mais son 15 en philo lui a également fermé des portes. L’école nous avait encouragées à viser haut. J’ai pris cet échec pour un NON très violent. J’ai senti que le « désir de connaître » me trahissait, qu’il ne voulait plus de moi parce que je n’étais pas à la hauteur. C’est la Connaissance qui me rejetait. (Petite tendance à prendre les choses trop à cœur…). Mais je m’en suis remise. J’ai fait science-po Lille un peu par hasard, sans même préparer le concours que j’ai eu haut la main. C’est là que les ennuis ont commencé à prendre forme.
Au début, pour mes premières présentations, je mettais du cœur à l’ouvrage, je prenais des risques, je proposais, j’élargissais, je creusais mais on m’a tout de suite recadrée avec des 2, des 5 pour me dire HORS SUJET. Il fallait recracher le cours, répondre à la question posée en construisant deux parties bien agencées et attendues. Ne pas surprendre le prof sinon c’était la sanction. Combien de fois m’a-t-on dit : « C’est bien, vous avez fait un bon travail mais ce n’est pas ce que j’attendais, je vous mets 8 », et le prof de ressortir un plan détaillé parfaitement attendu en guise de correction. C’était comme cela toutes les semaines. Il y a bien eu quelques moments de grâce – notamment un travail sur l’épistémologie de l’économie néolibérale sur lequel j’ai planché 72 heures non stop, sans
manger ni dormir, m’inspirant principalement de Karl Polanyi (La Grande Transformation), Louis Dumont (Homo Aequalis) et Karl Popper, des bibles que j’ai encore avec moi- mais ce n’était pas suffisant pour que je garde confiance et envie. Presque tout ce qu’on abordait à Science-po en termes de faits, de connaissances, avait déjà été creusé plus tôt dans mes lectures et mes réflexions de lycéenne. Je ne pouvais rien mettre en perspective, rien questionner si bien que travailler était devenu un calvaire. Ce n’était pas tant la teneur de mes propos qui était sanctionnée mais bien le procédé dont ces propos étaient le fruit. A chaque fois que je mettais de l’enthousiasme dans une présentation orale, je récoltais toujours ce « oui mais ce n’est pas ce que je vous demande », hors sujet, hors sujet, hors sujet. Tout sortait du cadre. La pensée était hors-sujet. Une question posée en soulevait toujours une autre, et là on me demandait de ne pas poser de questions. Ce formatage insidieux me broyait littéralement. Il fallait céder à la facilité que j’avais depuis toujours en horreur et faire un babillage fade et sans relief. Une grande désillusion. Plus de promesses, plus personne qui veuille prendre un chemin de traverse, voir ce qu’il y a derrière le bosquet, risquer de se perdre. Et je me suis complètement perdue.
J’étais encore très seule, mes parents et amis étaient à Nancy et dans les Vosges. J’avais donc une seule amie à Lille et quelques connaissances qui me reprochaient souvent d’être trop sérieuse. Mon amie et moi étions très proches toutes les deux et nous nous sommes beaucoup soutenues. C’était Emilie, originaire de Saint Pierre et Miquelon, arrivée en métropole à 17 ans toute seule, devenue maintenant journaliste, qui vit désormais à Montpellier et qui a eu un bébé le 12 octobre dernier.
En deuxième année, le Directeur des Etudes de Science-po - que j’avais aussi en prof par ailleurs et qui m’aimait bien - m’a convoquée un jour dans son bureau pour me dire que sur les 300 élèves de l’établissement j’étais celle qui avait le plus d’heures d’absence… Je ne venais plus en cours. Je lui ai dit que je n’allais pas bien, tout simplement, et c’était le cas, ce à quoi il a répondu qu’il effacerait ces retards si je venais désormais à tous les cours et si j’avais la moyenne aux prochains partiels, sans rattrapage. Ce que j’ai fait. J’avais quand même une petite menace d’exclusion au dessus de la tête. Mais bon, cela m’a donné une raison de faire un effort. Il y a eu deux professeurs qui sortaient du lot : M. Mardellat, un prof d’économie qui nous faisait plus un cours d’anthropologie, et M. Hastings, prof de philosophie politique. La plupart des élèves étaient des parisiens qui avaient échoué au concours d’entrée de Science-po Paris et qui maintenaient une certaine distance avec les provinciaux. Les professeurs nous répétaient que nous étions l’élite et que nous étions destinés à occuper les plus hautes fonctions de la société, ce qui avait de moins en moins de résonnance en moi. Même si la tendance de gauche l’emportait, c’était une tendance bien propre et très consensuelle, politiquement correcte...
J’ai tenu les 4 ans à Science-po et cela a été une lente descente aux enfers, me menant au bord de la dépression. Ca me faisait mal de travailler. Je ne voulais plus réfléchir puisque je réfléchissais mal. J’avais l’impression d’être une erreur moi-même. Je sentais comme un appareil qui me contraignait à prendre une direction que je ne voulais pas suivre. Un appareil qui me causait une vraie douleur. J’ai fini par penser qu’on m’avait menti toute mon enfance. Que je ne valais rien, que je n’avais que de la merde dans ma tête, que le plaisir de connaître n’avait été une illusion puérile et que certaines questions n’avaient aucun intérêt à être posées ; que là, j’étais dans le vrai monde et je n’y trouvais pas ma place. J’ai pourtant appris plein de choses en géopolitique, en droit européen et constitutionnel, en sociologie des partis politiques, en anthropologie politique mais quand on m’interrogeait, ce que je pouvais dire était inutile. J’ai commencé à picoler et à sortir. Je fumais un
paquet de cigarettes par jour. Je me suis fait la promesse de ne plus jamais perdre de temps à me concentrer, que faire la fête était ce qu’il y avait de plus important et que rien ne devait m’empêcher de sortir, boire et voir du monde. Je ne m’autoriserais plus jamais à avoir un avis sur quoi que ce soit. Le monde pouvait bien s’écrouler et moi avec. Qu’il se fût agi de Science po ou d’une autre école, je pense que cette désillusion serait venue à un moment ou à un autre mais elle aurait peut-être été moins radicale ailleurs. J’étais vraiment hyper-sensible et très idéaliste quand à la connaissance.
Je me souviens d’un matin en particulier, j’avais ma mère au téléphone et j’étais en larmes. Il fallait que j’arrête, que je quitte Science Po. Nous étions à six mois du diplôme. « C’est dommage d’arrêter si près du but… mais si tu n’en peux plus, alors arrête, abandonne », me dit-elle avec sincérité. C’est ce coup de fil qui m’a aidé à tenir jusqu’au bout. Mes parents étaient très fiers que leur grande fille fasse Science-po. Ma mère venait d’une famille de paysans sarthois et n’avait pas le bac ; mon père était fils de cheminot. C’était important pour eux que je sois là. Après le diplôme qui m’a été accordé avec l’indulgence du jury, un peu comme s’ils me le jetaient à la figure avec dédain, j’ai su que c’en était fini pour toujours des études. D’ailleurs je n’ai jamais été chercher ce diplôme. En toute honnêteté, je ne le méritais pas mais au moins l’avais-je désormais. Je n’ai pas assisté à la cérémonie et je n’ai plus jamais remis les pieds à Lille. (Je pourrais toutefois sans doute y retourner, pour quelques heures !).
La rupture était consommée, mon dégoût si violent que je n’ai pas touché un livre pendant 7 ans, rien, plus rien. Je suis partie à l’étranger, j’ai repris la musique, puis j’ai fait du théâtre, chanté dans des concerts, picolé et repris confiance aussi, notamment grâce aux voyages et aux rencontres que j’ai pu faire. Je suis partie deux mois toute seule en Australie et un an, de même, au Mexique, entre autres destinations. C’était super, je faisais des petits boulots. Avec mon ami rencontré quelques mois après mon arrivée, on jouait de la guitare dans les bus pour pouvoir s’acheter une bombonne d’eau potable ou quelques tortillas. C’était un poète des rues, issu d’une famille très pauvre et il gagnait de l’argent en faisant les dissertations des riches étudiants d’une université privée. Il connaissait mieux que personne l’histoire de la révolution cubaine et les relations entre narcotrafic, communautés religieuses et partis politiques au Mexique. On avait de passionnantes discussions.
De retour à Paris, j’ai enchainé les petits boulots et les copains. J’ai pris l’habitude de fréquenter les troquets de la rue Oberkampf et cela m’a énormément apporté : j’entamais systématiquement des discussions de comptoirs avec des gens souvent plus âgés, on avait de vraies réflexions passionnantes et assez abstraites sur des dizaines de sujets comme la peine de mort, la notion de citoyenneté, le statut de la vérité, en quoi un étranger nous est-il semblable ou différent, etc. Les gens me disaient merci et se surprenaient à avoir une profondeur en eux qu’on ne sollicitait pas souvent. C’était un moment d’évasion qui leur faisait du bien et m’en faisait aussi. J’ai aussi côtoyé pendant deux ans les mouvements gothiques et libertins que j’ai adorés, puis les soirées mondaines dans les lieux chics de la capitale, soirées auxquelles j’ai pu découvrir que j’en étais proprement allergique. Le théâtre m’a beaucoup apporté pendant ces années parisiennes mais ce qui me plaisait était au-delà du fait de jouer sur scène. C’était plus profond. C’était une anthropologie non théorique, mais bien inscrite dans un corps humain en mouvement. Une façon d’éprouver l’humanité dans son ensemble. J’en apprenais encore plus sur la condition humaine qui ne cessait de m’intriguer depuis toujours. Au bout de sept ans de divagations, j’ai recommencé à sombrer parce que je comprenais que je ne voulais pas vraiment être comédienne. Je ne savais pas ce que je devais faire
de ma peau. Je m’en voulais d’être trop sensible et inadaptée, inadaptable. Je ne comprenais pas comment les autres faisaient pour être bien et j’aurais tout donné pour être comme eux mais il y a des conciliations auxquelles je n’ai jamais pu me résoudre et ce n’est pas faute d’avoir essayé de composer avec moi-même au long de ces années d’errance. Je me souviens m’être inscrite à Paris V pour faire un master 2 de sociologie, pensant que j’étais prête à entrer dans ce monde-là mais je n’ai pas tenu plus d’une semaine de cours.
C’est en 2011 que j’ai rouvert un livre. Cela a été très dur mais c’était plus fort que moi. Mes amis étaient persuadés que j’étais faite pour cela : penser et écrire, que j’étais faite pour être un peu spéciale et entière, d’après leurs termes. Il faut dire que j’étais en danger, sans avoir besoin de prendre d’autres drogues que l’alcool et le tabac. Je me détruisais à petit feu. Quelque chose bouillonnait à l’intérieur et j’avais d’horribles crises d’allergie qui venaient justement de ce que je contenais trop de choses depuis trop longtemps. Il a donc bien fallu que je m’y mette. J’ai feuilleté un hors-série de Philosophie magazine qu’on m’a mis sous le nez, sur le cosmos des philosophes, puis j’ai ouvert un livre sur les énigmes mathématiques du XXIème siècle et j’ai recommencé à réfléchir activement, pour rien, juste comme ça, parce que cela me faisait du bien. Le sujet était trop fort pour être écarté d’un indifférent revers de main. J’ai commencé aussi à travailler sur Usophia, un projet de fantaisie philosophique qui m’était venu dans une rêverie. J’ai créé Shantée Bellefleur pour creuser les thèmes que le projet impliquait. Cela a été très, très dur de reprendre un stylo. Je crois que j’ai du commencer par faire une liste anodine de questions qu’avait soulevées la lecture du bouquin, avec légèreté, au dos d’un ticket de caisse, comme si c’était pour rien, et puis c’est reparti. Je me suis acheté des cahiers. Maintenant, je ne travaille plus du tout de la même façon qu’avant. Pour ce qui tient de la forme, je ne m’impose pas vraiment de convenances à respecter. Mais je continue à réfléchir le plus souvent à voix haute en marchant dans la forêt ou en faisant les 100 pas dans mon studio. Je fais un rejet épidermique des intellectuels modernes dont je sens - dans la verve qu’ils répandent sur la plupart des médias- qu’ils sont passés par un formatage bien policé (même de tendance gauchiste). C’est peut-être un tort de ma part mais c’est une réaction viscérale et impondérable.
Cela dit, je me sens maintenant plus à ma place que jamais. C’est un petit nulle part qui me va bien et qui ne m’inquiète plus, pour l’instant. Je me demande toujours si je ne suis pas complètement folle et dans une erreur fondamentale, mais bon. Ce que je sais, c’est que même si j’écris des trucs, que je réfléchis dans mon coin, que je rêve et imagine des histoires, que je lis des choses par-ci, par-là, etc, on ne pense pas tout seul. Le partage est vital pour la pensée même. Cela reste un de mes soucis à l’heure actuelle. Avec qui partager ?
Voilà ce qu’évoque le bout de papier que m’a mère m’a dit avoir sorti du grenier. Mon relevé de notes du baccalauréat. 18, 18, 16, 16, 16, 16, 15… Les commentaires sur mes bulletins : « excellent, excellent, excellent… ». Une relique. Un souvenir. Des notes du passé. De bonnes notes que j’avais complètement oubliées et rejetées. Il me semble qu’elles ressortent aujourd’hui pour me rappeler qu’elles ont été réelles, qu’on me les a données, ces notes, et que je les méritais sans doute à une époque. Des encouragements évanouis. Mais bon. Tout n’est pas perdu. Avoir eu 18 en philo au bac, après des années de travail consciencieux, cela ne peut pas être totalement insignifiant. J’ai déjà dit qu’à travers Shantée Bellefleur, je renouais sans m’en rendre compte avec une petite fille… Une gamine oubliée mais sympathique, très curieuse et pour laquelle rien n’est évident. Une petite
fille optimiste, enthousiaste et intraitablement humaniste qui me rappelle que je ne dois pas baisser les bras.