Qu’y a-t-il de plus
innocent qu’une petite seconde qui s’écoule ? (Une petite seconde, pas une
grande qui serait tout de suite moins innocente…)
A l’origine, une « seconde »
correspond au laps de temps qui sépare deux battements de cœur. Aujourd’hui,
une seconde correspond à la périodicité du noyau d’un atome de Césium 133 en
transition hyperfine… Il fallait au moins cela pour s’approcher d’un cœur qui
bat et les chercheurs sont à l’occasion plein de créativité.
Mais voyons cela d’un peu
plus près.
Le court instant qui
sépare deux battements de cœur est à l’origine de notre première idée de
seconde.(!)
Bien plus tard, grâce à
notre connaissance approfondie de la nature à travers la chimie, la physique,
la biologie, nous avons consolidé notre seconde en la référant à la périodicité
mentionnée plus haut.
Parce que cette
périodicité est proche de la « seconde » telle qu’elle existait, nous
avons « redéfinit » la seconde par rapport à cette périodicité. Or,
cette périodicité ne nous apprend strictement rien de plus sur la seconde qui
reste une convention et une durée arbitraire dont la seule pertinence est de
correspondre au temps qui sépare deux battements de cœur et d’être suffisamment
petite pour pouvoir servir d’étalon élémentaire au découpage de la temporalité.
Vous me suivez, n'est-ce pas...
Vous me suivez, n'est-ce pas...
Aussi savons-nous qu’un cœur
ne bat jamais parfaitement régulièrement. De manière naturelle, tous les cœurs battent au rythme d’une
légère arythmie. Même plus, un cœur aux palpitations trop régulières n’est pas signe
de bonne santé.
Le fait d’avoir cherché à
définir la seconde en fonction d’un phénomène, au contraire, très régulier,
précis, prévisible, fiable et par conséquent rassurant, - la périodicité
nucléique de notre Césium - est révélateur d’une certaine manière d’appréhender
la réalité.
L’Homme cherche
généralement à réguler, dans le sens « rythmer d’un rythme régulier »,
les phénomènes qui l’entourent, comme notre temps, par exemple. On divise le
temps en secondes, puis l’addition de secondes forme une minute, puis l’addition
de minutes, etc, jusqu’à concevoir un échafaudage qui rejoigne une autre de nos
observations primitives mais tout aussi déterminante : la durée d’un jour.
Un jour se divise en heures, puis en minutes, etc… Du jour à la seconde et de
la seconde au jour, les éléments constitutifs de la temporalité s’agencent dans
une cadence parfaite.
Parfaite, mais
conventionnelle et arbitraire car la durée d’un jour n’a, en fait, rien à voir
avec la durée d’une seconde, à moins que l’on décrète le contraire.
Le découpage de la
temporalité en petits éléments permet de mesurer le « temps qui passe »
ou le « temps qui reste », mais plus que notre envie de mesurer, c’est
notre besoin de réguler qui se trouve assouvi.
Or, ce que nous cherchons
tant à réguler, à travers la mesure, est-il seulement régulier ?
Le temps, la température,
la distance, la hauteur, nous mesurons jusqu’à l’inquantifiable aujourd’hui (le
bonheur, l’intelligence, la culture, la beauté…).
Par exemple, ce que nous
expérimentons du temps, subjectivement, ne nous le présente pas comme « régulier ».
Il est parfois court, parfois long, parfois manquant, parfois pesant, etc… Par
contre, savoir qu’objectivement il est régulier (parce qu’il a été régularisé
au moyen de la mesure), nous rassure. Cela peut nous inquiéter, mais
fondamentalement, sa régularité nous rassure. Car apposer une mesure sur les
choses qui nous échappent, c’est un peu comme se les approprier, en les
soumettant, grâce à leur mesurabilité, à notre préhension rationnelle.
Cependant, régulariser,
réguler, mesurer des choses ne nous apprend rien sur ce que sont ces choses.
Qu’est-ce qu’une minute
nous apprend sur ce qu’est le temps ? Qu’est-ce que la différence entre un
degré Celsius et un degré Farhenheit nous apprend sur ce qu’est la température ?
La discrétisation des
choses qui nous entourent est une manière de mesurer la réalité, tant en la
réglant qu’en la régulant. Cet exercice rationnel est indispensable, il a un
pouvoir heuristique immense, c’est-à-dire que grâce à la mesurabilité des
choses, nous comprenons et adaptons nos interactions au sein de la réalité. Cependant,
cet exercice rationnel, tout fort qu’il soit, doit être questionné. Il ne donne
à percevoir qu’une partie de ce qu’il mesure.
Et si, pour en savoir un
peu plus sur ces choses qui nous entourent, pour les approcher d’un peu plus
près, il fallait oublier l’illusion de leur régularité conventionnelle (au
moyen de la mesure mathématique) et s’il fallait les appréhender dans leur
ensemble chaotique, bouillonnant, décadencé… ? Et si la discrétisation des
choses nous masquait une grande partie de la nature de la réalité ?
En fait, le point que je
souhaite souligner est le suivant :
L’exercice de discrétisation,
de découpage de la réalité, implique une « régularité », qui fait qu’une
unité de découpage peut être substituée à une autre ( un degré reste égal à un
degré, quelque soit l’emplacement du second degré par rapport au premier ;
idem pour une seconde, ou une minute, etc). On peut mentalement remplacer n’importe
quel degré d’un thermomètre gradué par un autre degré, comme on peut le faire d’un
millimètre ou d’un centimètre sur une règle graduée, en se conformant à une
logique de symétrie. En mathématique, l"écart qui existe entre les chiffres 1 et 2 est de la même valeur que l'écart qui existe entre 4 et 5 par exemple.
Ainsi, on associe la "régularité" à une forme de "symétrie", de répétition, de périodicité, de cyclicité, de fréquence.
Ainsi, on associe la "régularité" à une forme de "symétrie", de répétition, de périodicité, de cyclicité, de fréquence.
Par contre, lorsque l’on
essaie de penser la « continuité » – en réaction à la discrétisation-
on s’aperçoit que l’idée de continuité est beaucoup moins liée à celle de
régularité. Et si la régularité implique une idée de symétrie, cela n'implique pas que l'irrégularité soit synonyme d’asymétrie, malgré ce que l’on serait tenté de croire à première vue.
La continuité peut être irrégulière, ou plus encore, arégulière, sans être dépourvue de symétrie...
La continuité peut être irrégulière, ou plus encore, arégulière, sans être dépourvue de symétrie...
Ainsi, par exemple, si un instant peut être plus long qu’un autre
instant, tout comme deux instants peuvent être égaux, cela n’influe en rien sur
la nature du flux temporel qui reste, bizzarement, continu.
La continuité est une
notion encore très mystérieuse et nous avons beaucoup de mal à la saisir, même
intuitivement, dans son ontologie…
Allez, j’arrête de vous
embêter avec ces drôles de considérations pas simples du tout. Promis, demain j’arrête !
On s'empressera de lire sur le même sujet ( mesure, matière) cet article ô combien sexy:
Chaud devant, les états de la matière
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