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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

dimanche 13 décembre 2015

C, matière noire et univers observable.

Réflexion menée suite à une interwiew entre Alexandre Astier et E. Klein, liée au spectacle d'Astier, l'Exoconférence.


Si la décompression ou la dilatation de l’univers, de l’espace, peut être plus « rapide » que c (vitesse de la lumière), comment quelque chose qui serait soumis à cette dilatation peut-il ne pas aller plus vite que c ?

Comment cela se fait-il que si l’expansion de l’univers peut être plus rapide que c, nous ne puissions pas observer d’objet dans l’espace allant plus vite que c ?

Deux fourmis sur un énorme ballon dégonflé : chaque fourmi se promène à une vitesse propre. Le ballon se gonfle à une vitesse supérieure à c, étendant la surface sur laquelle se promènent les deux fourmis à leur rythme propre qui ne varie pas. Pourquoi ne voit-on pas les deux fourmis s’éloigner l’une de l’autre à une vitesse proche de celle du gonflement du ballon ? Pourquoi cette vitesse d’éloignement ne peut –elle pas être supérieure à c, alors qu’on sait que le gonflement s’est fait à une vitesse supérieure à c ?

Serait-ce parce que ce qui se décompresse dans l’Univers n’est pas composé de photons (et serait donc de la matière noire), que l’univers observable (les fourmis, les galaxies) est nécessairement composé de photons, la présence de photons étant le critère fondamental de l’observabilité « humaine » pourrait-on dire, que ce qui n’est pas observable n’est pas observable justement à cause de l’absence de photons, mais peut toutefois être avancé grâce à des équations ( qui sont un prolongement de l’observabilité dans l’inobservable, si on veut, ce qui fait que la présence de matière noire est un postulat sorti des équations) et donc qu’on ne peut pas observer quelque chose allant à une vitesse supérieure à la vitesse à laquelle nous parvient une information.

J’imagine qu’on n’a jamais pu observer une expansion plus rapide que c, puisque c est le vecteur d’information et que l’information ne peut pas voyager plus vite que son support. Toutefois, les équations disent que l’expansion peut être plus rapide que c, d’où le postulat de la matière noire et son action gravitationnelle expliquant cette fameuse expansion.

Sauf qu’en parlant de « matière noire », on comprend qu’on parle de matière dépourvue de lumière, donc Noire, et on s’arrête surtout sur ce qualificatif, mais on ne questionne pas le fait qu’on parle de matière. Car quand on parle de matière, on sous-entend qu’on parle d’une substance composée d’éléments, de la même façon qu’on se figure la matière ordinaire composée de particules (photons, électrons, neutrons, etc). On sous-entend donc que la matière noire peut être composée de particules dont certaines pourraient aller plus vite que c, et que ce serait ces composants de la matière noire qui seraient les vecteurs de l’expansion qu’on « sait »plus ou moins, pouvoir être plus rapide que c… Donc… la matière noire est-elle composée de particules séparables qu’on pourrait isoler ? Autrement dit, la matière noire est-elle une matière dont la structure est symétriquement comparable à la matière ordinaire ? (sans parler de l’anti-matière qui pourrait être encore une autre forme de matière…) ? Ne serait-ce pas un abus de langage que de parler de matière pour présenter la matière noire ? (Oui, surement, mais il faut bien partir de quelque part en mettant des mots sur les choses). Et pourquoi l’énergie noire qui a une action anti-gravitationnelle, ne serait-elle pas une
forme de matière ? Ou la matière noire une forme d’énergie ? On peut jouer sur les termes sans que cela change la nature du problème j’imagine…

Et surtout, si le photon est notre vecteur d’information, notre truchement d’observabilité et de connaissance, comment obtenir une info sans qu’un photon ne nous l’apporte ? Il y a les maths, certes, mais cela ne nous suffit pas puisqu’on construit de grosses machines pour vérifier ce que nous disent les équations… Comment étudier la matière noire ? Comment vérifier les théories sans passer par l’expérimentation ? Comment rendre observable ce qui ne l’est intrinsèquement pas ? Par les effets que provoque sa présence, comme pour les trous noirs, mais là aussi ce n’est peut-être pas suffisant, si la matière noire n’interagit pas avec la matière ordinaire et ses photons, ses effets sont … inobservables, voire inexistants pour nous.

On ne peut pas voir les galaxies s’éloigner les unes des autres à une vitesse supérieure à c, mais ce dans quoi sont inscrites les galaxies peut s’étendre à une vitesse supérieure à c, la confusion venant de ce qu’on parle de deux choses qui ne sont pas toutes deux composées de photons, une chose étant observable( celle composée de photons), l’autre non…

Ne pourrait-on pas dire que c, la vitesse de la lumière dans le vide, est une limite qui, si elle a beau être absolue dans l’univers observable, peut toutefois être relative ? Notre observabilité, tant expérimentale que théorique, est déterminée par la lumière et sa vitesse de propagation. Notre observabilité est relative à la lumière mais la réciprocité peut-être envisagée : l’univers non-observable ne nous est pas observable non seulement parce qu’il n’y a pas de photons pour nous le rendre observable mais aussi parce qu’il y a des composants qui violent la vitesse maximale de déplacement de l’information, et on ne peut donc pas les « voir » car on ne peut voir qu’à travers c…
Je comprends qu’il faille faire attention à ne pas assimiler le photon et sa vitesse de déplacement, à la constante c qui semble s’être émancipée du photon pour devenir un être mathématique à part (comme dans E= MC2)… Mais il n’y a pas de constante c, me semble-t-il, là où il n’y a pas de photons, ou là où il ne peut y en avoir, (je me doute que si j’éteins la lumière et que je suis dans le noir, les équations impliquant c fonctionneront toujours). Il n’y a peut-être pas de c au-delà de notre univers observable. Notre univers observable n’étant observable que parce qu’il y a c… Les équations impliquant c ne fonctionnant donc que là où il y a des photons…et pas ailleurs.

Une question con sans doute, mais : est-ce qu’en théorie quantique des champs, c intervient dans les équations ? En tant que constante mathématique j’entends, car en terme de vitesse j’imagine que non puisque la vitesse n’est pas un critère pertinent à cette échelle. Mais il y a des photons, si je ne m’abuse, gluon vecteur de la force électromagnétique… Quel lien peut-il y avoir entre l’électromagnétisme, le critère d’observabilité de l’univers et la constante c qui limite nos rêves au-delà ?
Je ne sais pas si c’est clair, (plein de photons, encore !), mais je me suis bien pris la tête grâce à cette interview capillo-brushée. Si le brushing peut avoir une fin, la réflexion, elle, est dure à clore.
Je pense que je dis des bêtises en grande partie, Je crois qu'il est pertinent de penser que le photon est notre critère déterminant pour définir notre observable, « connaissable », et que
son absence conditionne notre inobservable (même théorique). Cela rendrait les choses tellement simples : là où c’est noir, c’est l’inconnu.

samedi 28 novembre 2015

Révolution

Je crois que si l’on arrêtait du jour au lendemain, en France toute activité industrielle, c'est-à-dire fermeture des usines puis des entreprises qui font l’administration,  le marketing et la publicité des produits qui en sortent, si on cessait tout cela sans préavis, je crois que nous ne provoquerions pas de chaos. Pas plus qu'un retour à l'âge de pierre. Mais cela pourrait bien dessiner les contours d'une modernité tout à fait inédite. 

Je ne crois pas qu’un tel arrêt industriel provoquerait la misère, l’anarchie ou qu’il engendrerait une panne générale, comme on pourrait logiquement le prévoir. Non. Je crois, au contraire que cela pourrait avoir un effet surprenant. Pas sur le climat (car il faudra des années avant de pouvoir espérer voir s’infléchir le réchauffement et ses désastreuses conséquences) mais parmi les citoyens. Je crois que sous certaines conditions, il pourrait se produire quelque chose d’intéressant.

Plutôt que d’attendre que le ciel nous tombe franchement sur la tête, - ce qu’il s’échauffe justement à faire ces temps-ci- plutôt que d’attendre d’avoir non pas le couteau sous la gorge mais la lame qui s’y enfonce, on pourrait agir très concrètement et très directement. Pour cela, il faudrait qu’il ne subsiste plus aucun doute quant à la gravité de la situation. Il faudrait que nous soyons bien conscients que nous avons déjà le couteau sous la gorge, que l’état de notre planète menace les  conditions de notre propre survie à l’échelle planétaire. Déjà, cela : prise de conscience majoritaire, si possible avant( !) d’avoir à déplorer des millions de morts (c’est sans doute ici la partie la plus utopique de mon discours).

On arrêterait les machines qui tournent des les usines, toutes les usines, on cesserait de produire, d’entretenir le système.  On cesserait d’appeler à la consommation. On cesserait de vendre. On ferait une grève du système. Je ne parle pas de tout arrêter jusqu’à immobiliser de la population, je laisse les voitures circuler raisonnablement (avec du covoiturage), internet et les médias restent modérément actifs dans un premier temps, il est probable et même certain que ces mêmes médias mainstream qui sont toujours à commenter de loin sans prendre partie, sans manifester la moindre nécessité de convaincre qui que ce soit de l’importance d’un sujet, il est certain que ces médias ne prendront pas part au mouvement et le commenteront sans conviction aucune, propageant ainsi une tiédeur contagieuse pour quiconque resterait le séant coincé devant la télé. Je me trompe peut-être mais je souhaiterais que les médias se fassent le relais d’un élan de citoyenneté inédit, ou qu’ils se taisent mais cela aussi, je n’y crois que timidement. Eteindre la télé et se retrouver dans la rue...

Ce en quoi je crois, pour y venir, c’est dans le mouvement citoyen qui peut se former après l’arrêt de ces activités industrielles. A condition qu’on ait conscience que si ces activités ne cessent pas le plus tôt possible, on subira tôt ou tard un arrêt de force, on n’aura pas le choix. Donc il vaut mieux choisir maintenant de sauver notre peau plutôt que de la sacrifier pour un système mortifère dont le glas résonne et se rapproche. Déjà, ne plus travailler à l’usine ou en entreprise de commercialisation de biens industriels, sans se soucier de son salaire ou des factures. Faire passer le climat AVANT. Autre point légèrement utopique mais réaliste si, je me re re répète, on est conscient de l’urgence et conscient qu’il n’y a pas de conciliation possible entre respect de l’environnement et société industrielle.

Quel est ce mouvement que je vois se former ?

Il s’agit d’une forme de résilience. On voit, depuis les attentats, qu’un peuple est résilient. Il a cela en lui. Il est difficile de prévoir qu’elle forme cette résilience  va prendre mais on peut prévoir qu’elle va se manifester. Qui aurait pu prévoir que les Belges enverraient des milliers de chatons sur les réseaux sociaux ( parfois à l’attention directe des terroristes sans manifester la moindre haine à leur égard ) après qu’on leur ait demandé de faire silence pendant les opérations de police ? De même à Paris les gens se mobilisent, se réunissent, manifestent un besoin de fraternité après que 130 personnes aient été assassinées. Cet exemple est un petit échantillon de résilience mais je crois qu’il n’est que l’étincelle d’une force bien plus grande. Cette fraternité est une très grande puissance qu’il faut solliciter autour de causes justes et urgentes : le dérèglement climatique qui causera sans doute beaucoup de morts prochainement.

Je crois que le peuple saurait s’organiser de fait, au moyen de réunions de quartiers, de réunions entre collègues désœuvrés, pour mettre en place des circuits alternatifs permettant de subvenir aux besoins de chacun (alimentaires, vestimentaires, de logement, d’information, de mobilité ). Pendant un certain temps, les gens travailleraient contre services (une heure de maintenance dans un maison contre un panier de fruit, une heure de cours aux enfants, un covoiturage, un sac de vêtements, etc… C’est précisément là que je crois en notre inventivité !). Progressivement, on commencerait à réfléchir à un nouveau projet de société, autre que celui du consumérisme fuyant, ou l’accumulation d’argent et de biens matériels. On remarquerait d’ailleurs assez vite qu’on peut se passer d’argent, que ce n’est qu’un voile sur les échanges. Se passer d’argent ne veut pas dire se passer de contrepartie. Au contraire, se passer d’argent implique qu’on réfléchisse à la nature d’un échange, au sens qu’on donne à ce dernier. Et cela, nous pourrions enfin l’expérimenter et en tirer des conséquences. Il faut bien comprendre que le peuple est un puissant qui s'ignore. Il est bien plus puissant que la caste politique et que les hommes d'affaires réunis à défendre leurs intérêts financiers. Le peuple ne dépend pas du système, mais c'est bien le système qui dépend de lui. C'est le peuple qui peut tout changer. La souveraineté populaire, théorisée il y si longtemps, n'est pas une illusion. Elle est possible grâce à l'éducation et à une information libre. On le sait, je ne vous apprends rien.

Avant de réfléchir à un projet commun ou d’en voir un se dessiner, on fermera un peu notre caquet et on regardera un peu plus attentivement notre environnement ( la nature, la vie qui se déploie autour de nous) pour voir s’il n’y aurait pas des choses vraiment  intéressantes à observer. Je dis cela mais je ne dis rien. (C’est mon côté naturaliste qui n’engage que moi).

Ce qui est intéressant dans ces évènements que j’imagine ; ce qui les rend irréalistes et réalisables à la fois, c’est qu’ils sont d’autant plus inconcevables que nécessaires.

Suite aux attentats, le pays est en état d’urgence. Il va déroger aux droits de l’homme afin d’assurer la sécurité de la population (du moins dans le discours démagogique car si on voulait assurer notre sécurité véritable, on cesserait ces activités industrielles et on ne bombarderait pas l’étranger…). Il n’est donc pas impossible que nous sortions de la démocratie d’une façon tout à fait détestable. Là encore, la démocratie dans laquelle on est supposé être est très hypocrite, mais on risque de basculer dans une forme de totalitarisme. Ne nous croyons pas à l’abri, ca peut nous arriver. Les terroristes cherchent probablement à nous y pousser, et on y va un petit peu, en reniant les libertés et les droits de l’homme… Déjà, on constate que les questions climatiques sont passées au second plan (voire au dernier plan). La COP21 est maintenue mais il n’y a pas grand-chose à attendre des politiques et des lobbies qui vont s’y retrouver. Cette conférence peut cependant être l’occasion de faire circuler l’information quand à l’état sévère de notre planète, quant à  la nécessité d’agir maintenant et quant à l’absence de réaction à attendre des milieux politiques et d’affaires. Cette conférence peut faire grandir la prise de conscience et certains s’y attèlent avec sérieux. C’est surtout cela que peut permettre la COP21, crier l’urgence à l’oreille de chacun, pointer la lame du couteau posé sur notre gorge. Ce n’est pas impossible même si les rassemblements publics ont été interdits. Les médias ont un rôle très important à jouer ces prochains jours (s’ils veulent se racheter une crédibilité, pour certains…)

Cela peut paraître un peu fou mais je pense que c’est en se préoccupant de ce qu’on a dans notre assiette qu’on peut lutter contre le terrorisme. Des aliments dont on se soucie de la provenance et de leur mode de production. C’est par là que la prise de conscience peut commencer et se poursuivre à travers l’explication du lien entre industrie, matérialisme rationnel, pollution, qui entraine maladies et dépression chez l’homme, réchauffement  du climat, destruction des éco-systèmes et extinction des espèces.

En agissant pour le climat et la santé, on peut, par ricochet, par extension, saper les bases du terrorisme (ce qui ne sera pas immédiat non plus.) Et la meilleure façon d’agir pour le climat, c’est de cesser toute activité industrielle (dont l’agriculture industrielle, cela va de soi). Tout est lié.

Question sécurité de la population, je crois que là encore il faut compter sur la résilience. Je crois qu’un ordre public peut s’organiser à condition que l’élan de fraternité qu’on à vu poindre devienne consistant, ce qu’il peut faire en se cristallisant sur l’enjeu climatique, et donc sur la survie de l’espèce. Je ne sais pas quelle forme cet ordre public pourrait prendre, (j'en ai une petite idée confédérale) mais je le souhaite pacifiste et grandement basé sur la responsabilité de chacun à respecter l’autre. Une forme de solidarité de terrain révélerait qu’on peut tous se serrer les coudes quand l’enjeu est de taille.

Je crois que ce serait à travers une révolution tout à fait inédite que la France, l’esprit français plus précisément, pourrait être à la hauteur de son histoire révolutionnaire et de sa légende luminifère, esprit pionnier des droits de l’Homme, de la tolérance, de l’accueil et de la fraternité. Elle est en nous, j’en suis certaine, cette capacité à nous soulever contre un ordre établi à l’apparence immuable, cette capacité à nous organiser. On est suffisamment débrouillards et résilients pour réagir. (C’est mon côté humaniste qui n’engage que moi là encore.)

Je crois qu’il ne faut par contre surtout pas se tourner vers la géoingénierie climatique et les tendances technicistes qui veulent s’appliquer à l’environnement. Cela aggraverait les choses. La technique devra humblement se tourner vers la conception de pratiques et d’outils nous permettant d’organiser un vivre-ensemble qu’on accompagnera dans l’humble forme qu’il prendra. Je crois, encore une fois, que cela ne nous ferait pas de mal de fermer notre caquet quant à l’exploitation de notre milieu naturel qui n’est pas un décor à notre service. Je crois que ça ne nous ferait pas de mal de rester discrets à son égard, comme se tiendrait un enfant puni après avoir cassé son jouet. Là, nous avons cassé notre planète. Je pense qu’on devrait se faire un peu discret et observer son rétablissement. Il n’est d’ailleurs absolument pas certain que nous puissions sauver notre place en son sain. La Terre peut tout à fait se rétablir d’une façon qui ne nous arrange pas, si vous voyez ce que je veux dire… Je crois que pour commencer, il faut déjà qu’on arrête de la casser. Arrêter toute activité industrielle. Peut-être ensuite, inspirer d’autres pays à faire de même, à trouver leur propre adaptation, mais c’est une autre histoire. Soyons d’abord le changement que nous souhaitons voir advenir, même s’il n’est pas clairement défini. Laissons-lui une chance de se réaliser et soyons optimistes sur les possibilités qu’il y a à le voir bien se passer…

Aussi, je mise que toutes les questions, tous les défis qui se poseront à nous, par exemple pour produire autrement et développer de nouvelles sources d'énergie, trouver une forme d'urbanité au sein des grandes villes, trouveront une réponse. Les idées sont déjà en germe et parfois même en pratique dès à présent autour de nous.

Je pourrais développer sur 50 pages les raisons pour lesquelles je crois non seulement qu’il faut cesser toute activité industrielle (on est nombreux à le penser mais peu à le crier), mais aussi les raisons pour lesquelles je crois que nous serions capables de rapidement nous organiser sans chapeautage gouvernemental national (c'est-à-dire sans attendre que l’impulsion vienne d’en haut et nous impose quoi faire), mais par nous-mêmes, citoyens, à l’échelle du  département ou de la région, d’après une expérience de terrain, très concrète et de proximité, et enfin les raisons pour lesquelles je crois que nous verrons se dessiner les contours d’un nouvel ordre socio-écopolitique sans verser de sang. Il est vraiment possible que cela se passe sans trop de mal. Pour cela il est important d’y croire et d’être convaincu que c’est la meilleure chose à faire, pour soi, pour ses enfants, pour la planète et pour le monde. La cause est là, le dérèglement climatique menace notre survie. Ce dérèglement est la conséquence de notre mode de vie industrialo-capitaliste.

Je ferais ces 50 pages si on me les réclame. De toute façon, c’est parce que l’action semble surréaliste et terrifiante qu’elle peut d’autant plus se passer de manière surprenante. 

mercredi 4 novembre 2015

Pour l'amour du Nez.

"Je ne sais plus ce que je voulais dire. C’est là, je l’ai sur le bout de la langue, mais ça ne vient pas. J’ai oublié. Pourtant, la sensation est forte. Je veux dire, c’est là, très présent, tout en moi, mais je ne sais plus ce que c’est. C’était important j’en suis sûre et vous allez m’en vouloir de ne pas me souvenir. Je m’en veux déjà… Je ne sais pas. C’était … drôle. Inhabituel. Il y avait de la couleur. Des fleurs peut-être. Ou plutôt des petites formes colorées et bariolées qu’on aurait prises pour des fleurs.

Aubergine. La couleur. Et des petites tâches vertes, roses, bleues.  Je ne sais pas où elles étaient ces fleurs, mais je les ai vues. Il y en avait beaucoup et elles bougeaient. Comme s’il y avait du vent. Une brise légère. Elles étaient drôles. Vivaces. Je crois même qu’elles avaient une odeur sucrée alors que ce n’était pas des fleurs mais des formes, comme je vous l’ai dit. Des formes sur un rideau, ou un manteau ? Je ne sais plus, mais ça bougeait. Vous ne les avez pas vues vous, ces fleurs ? C’est fou. Moi, je trouve cela fou.

Un nez…  Il y avait un énorme nez ! Je le vois ! Il était sous mes yeux ! Un nez… très très rouge, très très gros. Tout rond. Attendez… Il y avait des petits yeux noirs au-dessus… Si, je les revois ! Deux petits yeux rieurs. Coquins. Quelle impertinence ! Ils m’ont parlé, je vous jure qu’ils m’ont parlé. Je ne sais plus ce qu’ils m’ont dit, mais ils m’ont parlé. Ils connaissaient mes secrets.  Ils sont venus dans mon jardin comme s’ils étaient chez eux. Bah je les ai accueillis, vu qu’ils semblaient connaître l’endroit. Ils faisaient un sacré boucan mais j’ai laissé faire. Bah oui ! Mon jardin adorait alors j’allais pas les bouter hors de chez moi, pas les petits yeux rieurs, pas le nez, vous êtes fou ! Ah ben non, le nez, je le veux !  

Mon gros nez rouge dans le jardin, des petites fleurs sur le rideau, ou le manteau, avec de gros souliers plein de terre. Il a un peu sali le gazon car il faisait n’importe quoi,- il marchait sur les murs, dansait la carmagnole, faisait du patinage-  mais à mon âge, on laisse faire ! Ce n’est pas une plate-bande malmenée qui va me contrarier !  Au contraire ! Mon jardin, il est bien mieux comme ça. Dites, vous pensez qu’il va revenir ? Le nez, le gros nez rouge… Vous pensez qu’il va revenir ?

Vous savez, j’ai peu de visite là où je vis désormais. Il est difficile de me trouver. Je suis souvent absente et même si je laisse la porte ouverte, rares sont ceux qui osent entrer. Mais ce gros nez, il ose. Il entre, et tant mieux si ses gros souliers font du raffut ! C’est comme ça qu’il me trouve.

Oh ! Le nez, il m’a chanté une chanson !  Les notes… La, lalala,lala… Vous connaissez ? « Ce n’est pas un Apollon, mon Jules, il n’est pas taillé comme un Hercule ». Qu’est-ce que c’était bon ! Taper dans les mains, chanter fort... Et j’ai dansé. Oui, j’ai dansé avec mon nez. Dans les bras d’un bel Hercule, mon grand gaillard. Et les petites fleurs tournaient autour. Les petits yeux noirs m’encourageaient et je dansais comme une pucelle ! Oh, ça va, vous en avez vu d’autre.

Attendez… Il y a autre chose. C’est pas fini… j’ai oublié… quelque chose. Le Nez… il est tout près. Tellement près qu’il est encore plus rond et plus rouge.
Ma main. Un frisson. Pourtant il ne fait pas froid. Chez moi il fait toujours bien chaud, vous pouvez me croire. Ma main. On me tient la main. Ma vieille main rigidifiée par l’arthrose. Une main qu’on ne touche plus, devenue inutile et déjà enterrée, si vous me permettez… On me tient la main et elle reprend vie ! Si ! Regardez ! … Avec quelle agilité je bouge mes doigts ! Quelque chose lui redonne sa souplesse. Sa jeunesse. Je peux serrer la main de mon nez. Comme cela me fait plaisir ! Et comme c’est doux…

Oooh ! Excusez-moi… Donnez-moi un instant…  Voilà que je suis toute rouge… Il m’a fait un bisou ! Le nez, ici, vous ne voyez pas ? Sur ma joue… Là,  je le sens encore. Il y est forcément, regardez bien. Il n’a pas pu aller bien loin. Si ? Vous le voyez ? Bon, tant mieux, vous me rassurez. Il est là, je le sens, chaud, mou et tout doux ! Vous en avez eu un vous aussi ? Ah parce que moi je ne vous donnerai pas le mien… Comment ? Vous n’en avez pas eu ? Alors il faut que je vous donne le mien, il vous en faut un, vous devez en avoir un. Ah, vous en avez eu un ? Tant mieux, vous m’avez fait peur. On ne plaisante pas avec les bisous du nez. Ils sont précieux. Approchez, approchez donc votre oreille que je vous dise un secret : ces bisous, les bisous du nez, ils sont magiques. Si ! C’est un ballon de soleil qui passe par la joue et descend dans le cœur. Là, ils gonflent, gonflent, gonflent dans la poitrine et vous font flotter comme sur un nuage. Vous comprenez ? Ils sont magiques. Ce ne sont pas des bisous secs et de circonstances, comme vous m’en faites, vous, à l’occasion, mais ce n’est pas de votre faute, vous n’avez pas de nez. Non, ce sont des vrais bisous, très chargés. Ils croulent sous leur chargement. Mais ils arrivent jusqu’à ma joue et y libèrent leur contenu magique. Et je flotte.

Dites, vous pensez qu’il va revenir ? Le nez, le gros nez rouge ?"

Cet article est inspiré d’une journée d’observation de l’intervention des Clowns Plumo et Rosalie à l’EHPAD « Les Terrasses de Reinach », auprès de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer.


Les clowns Rosalie et Plumo étaient attendus. Les résidents atteints de la maladie d’Alzeimher ne se souviennent peut-être pas de grand-chose, mais à chaque fois que les clowns viennent leur rendre visite, ils en gardent une trace, quelque part, très profondément enfouie. Les visages s’illuminent, quelques sourires se fendent, des corps se lèvent de leur fauteuil. Tien, Rosalie vient de chuter. Elle ne tient pas debout ! Elle se cogne aux portes. Le vieux Jacques essaie de la soulever mais elle glisse sur le sol ! Quelle chipie. Plumo s’indigne. Il abandonne. Elle préfère les mains fortes du vieux Jacques. Alors il sort sa guitare et entame un air mélancolique. Jeanne reconnaît les premières notes et commence à chanter. Emilienne se lève et fait quelques pas de valses. Julie, l’aide-soignante, la rejoint et toutes deux tournent au milieu de la pièce.

C’est la simplicité et la spontanéité du Nez qui trouvent chez les résidents un écho rare. Il n’y a plus de place pour l’inhibition dans cette pièce. Ce qui est ressenti est exprimé. On ne réfléchit pas, on est. On nez ! 

Plus tard, Plumo et Rosalie entrent dans la chambre de Georgette. Elle ne sort quasiment pas depuis plusieurs jours, d'après Julie qui, un peu plus tôt, dansait avec Emilienne. "Elle est grognon... alors si vous n'avez pas peur de vous faire jeter, allez-y." précise-t-elle avec complicité.

Toc toc toc.
Entrez… dit une petite voix.
-Bonjour Georgette ! C’est nous !
Et Plumo d’entamer un petit riff enjoué à la guitare. Et Rosalie d’entrer en se dandinant. De suite, Georgette tape dans les mains et sourit, étendue sur son lit. Rosalie s’allonge sans ménagement à ses côtés, tapant dans ses mains au rythme de Georgette. C’est parti pour une bonne demie heure de blague. En toute impertinence et dans une douce familiarité, on se moque, on se taquine, on chante et on rigole.En prime, on aura droit à un petit tour de magie vraiment bluffant.

Georgette, c’est ma maman, c’est ma grand-mère, c’est la tienne, c’est la sienne. Quand cette petite dame voutée  prend Rosalie dans ses bras, ce sont tous les petits vieux qui la prennent dans leurs bras. Et moi, cela me réchauffe le cœur.

A la fin de la journée, après plus de quatre heures de clownerie intense, nos deux zigotos barbouillés sont épuisés. Ils ont tout donné. L'énergie dispensée à être à l'écoute tant des patients, du confrère que de soi-même, les a rincés. Mais quelle satisfaction ont -ils! Monsieur Durand, totalemnt invalide dans son fauteuil roulant, a serré la main de Plumo. Il y avait de la lumière dans son regard autrement éteint.On se repasse les petits moments de grâce de la journée et on se dit, en son for intérieur, quel beau métier je fais.

Plumo et Rosalie sont des clowns qui interviennent auprès d’un public particulier. Les malades d’Alzeimher mais aussi les enfants et les adultes handicapés mentaux.
Ce public ne réagit pas aux choses dites normales du quotidien. Il faut aller les «  chercher », les rencontrer dans un endroit bien spécifique, où vous et moi avons du mal à aller. Je ne parle pas d’un institut dont on trouverait l’adresse dans les pages jaunes et dont on rechignerait à pousser la porte, non. Je parle d’un endroit dans l’esprit, dans la conscience. Un endroit qui nous semble loin, dangereux et inaccessible, à nous, mais dont certains connaissent le chemin : les clowns.
Vous pensez que ces derniers gesticulent en grand fracas juste pour animer l’ambiance ? Eh bien vous vous trompez.

Les malades d’Alzeimher et les handicapés forment un public insensible à la niaiserie et aux bons sentiments. La superficialité d’une bonne intention entachée d’un « mal-à-l’aise » ne les touche pas.Il faut autre chose.

Le clown sait être exactement et intégralement dans le présent. Cette chose qui nous échappe et après laquelle on court. Etre dans le présent, y être pleinement, comme n’importe quel gamin sait l’être aussi, c’est ce que fait le clown. C’est aussi tout ce qui reste à un malade d’Alzeimher ou à une personne au comportement psychique différent. Le clown est désinhibé, spontané, impertinent, impoli, provocateur, et généreux, émerveillé, tendre, câlin, tactile, aimant sans condition et égal à lui-même en toutes conditions, traitant son prochain  quel que soit son état,  avec le même amour un peu taquin et la même familiarité réconfortante. Le clown est vrai au plus profond de son être et c’est cela qui fait de lui un être indispensable dans le quotidien de tout un chacun, aussi bien auprès des vieux que des jeunes, des valides que des invalides. Il dit des conneries, ne prend pas grand-chose au sérieux, semble ne pas respecter les bons usages de la respectabilité qui nous honore, et c’est tant mieux. Ca fait du bien. Le clown est aussi humblement vrai qu’on souhaiterait l’être. C’est en cet endroit, cette vérité de l’être, qu’il touche l’autre, aussi loin soit-il.


Alors Vive le gros nez rouge !

vendredi 30 octobre 2015

La philospohie : balbutiement de spiritualité


Depuis mon plus jeune âge, je voue à la philosophie une passion inébranlable. Je considère qu’il n’y a rien de plus important que de poser des questions, de s’étonner de ce qui nous entoure, sur comment on fonctionne, sur ce qui se passe dehors et en nous. Poser des questions, puis chercher des réponses. Plus que dans les livres, je trouvais, pour ma part, plus enrichissant de les chercher en soi, pas à pas, enfermée pendant des heures ou en retraite dans les bois. Faire fonctionner son esprit. C’était là la vision que je défendais de la philosophie. Je considérais que le but de cette pratique était de nous aider à trouver notre place en ce monde, non pas une place sociale individuelle les uns par rapport aux autres, mais une véritable place dans l’ordre des choses, dans l’ordre du vivant, une place naturelle. Comprendre ce qu’est la condition humaine, s’en faire sa propre définition. En observant les évènements quotidiens, les drames, les joies, les peurs métaphysiques, je pensais que la réflexion philosophique était ce qu’il y avait de plus puissant comme outil pour nous permettre d’avancer dans l’existence. Pour moi, la philosophie était la forme la plus noble de la spiritualité car je la considérais dépourvue de croyance. Je considérais en effet la croyance – quelle qu’elle soit- comme un parasite rendant impossible l’exercice de la réflexion rationnelle.

Chose étrange, dans ma philosophie personnelle, je bannissais également à grands coups de crayon la rationalité que je considère comme un très grand danger quand elle est placée sur un pied d’estale.  Je défendais l’intuition, l’introspection, le rêve, la naïveté, l’enthousiasme, la spontanéité, la créativité, etc alors que je plaçais, au final, sans le vouloir, la réflexion en premier chef puis que je rationnalisais tout dans la forme des mes réflexions. J’étais dans ma tête, que dans ma tête, et je sentais mon corps vouté parfois soumis au frisson grisant de la naissance d’une idée.

Je redonne très brièvement une définition de ce que j’entends par croyance : c’est un ressenti ineffable, une chaleur au niveau du plexus, quelque chose d’injustifiable, une certitude sans preuve.

La rationalité, c’est la mise en ordre, le classement, la généralisation, la conceptualisation. (A mon avis ce n’est qu’un outil de transmission permettant à l’autre de nous comprendre, via une argumentation organisée,- comme je le fais présentement avec mes trois définitions-  mais ça ne nous permet pas, in fine, de comprendre vraiment le monde, sinon juste une toute petite partie. Il est hasardeux de se baser sur la petite partie du monde que l’on croit comprendre grâce à la science notamment, pour se permettre de la modifier à notre guise).

La spiritualité, c’est l’exercice de l’esprit dans un sens très large. On peut considérer que la raison est une partie de l’esprit, une toute petite partie, mais pas la principale. La conscience en est surement plus représentative. Là, chacun peut s’amuser à construire son puzzle sur les constituants de l’esprit ( la mémoire, la pensée consciente, l’inconscient, les émotions, les idées, etc.)

Comment peut-on bannir à la fois la croyance et la rationalité tout en défendant la réflexion philosophique ? Comment cette réflexion peut-elle être spirituelle sans raison ni foi ?

Elle ne peut pas.

Je ne me rendais tout simplement pas compte que je croyais bien plus que je ne raisonnais, et que j'étais un peu empêtrée dans des contradictions diffuses.
Je croyais en la philosophie, en la nature humaine, en la force de la pensée et en la force de la nature. Je ne croyais pas, au plus profond de moi, en notre modèle de société, sans trop savoir pourquoi. Je le sentais pervers, faux, hypocrite et reposant sur n'importe quoi, des idées fondamentalement fausses à mes yeux. (la supériorité de l'homme? Totale coupure avec la nature relayée à un simple décor? etc)

Je rejetais la raison suite à une réflexion rationnelle, et donc cela signifiait que la raison se rejetait elle même, sans pour autant disparaître car elle est indispensable. Elle me murmurait quelque chose comme : "cherche ailleurs, lâche-moi, laisse-moi à ma place, et continue, va sans moi", quelque chose comme ça. Continuer, ok, mais vers où ? C'est en traversant une douloureuse dépression qui me mettait face à mes contradictions et à mes choix les plus fondamentaux, que j'ai commencé à continuer ce fameux chemin. J'ai senti que perdre la foi, c'était perdre la vie. La foi en la philosophie, en la nature, et en soi, bien sûr. Ce n'est pas la raison qui m'a aidé à remonter, ce n'est pas l'esprit, mais c'est le corps. Un travail sur le corps, sans réfléchir, en totale résignation: "Je ne sais plus rien, je ne veux plus rien, je n'ai plus rien à perdre, je ne suis plus rien, je vais donc laisser faire le reste". Et c'est venu. Je n'avais pas perdu la foi, jamais, mais je refusais d'accepter le fait que je lui accordais plus d'importance que je ne le voulais. Il était inconcevable à mes yeux de revendiquer l'acte de croire comme étant sérieusement fondamental. Je n'osais pas. La rationalité me tenait encore fermement dans ses filets. Je me disais sans y croire, que ce qui n'est pas rationnel est forcément fou, que personne ne peut décemment accepter de croire en quelque chose de plus que le rationnel. Je mettais un couvercle sur mon désir de croire, alors qu'il était ardant, flamboyant, incandescent. Je l'ai soulevé, ce couvercle, très progressivement. J'ai jeté un oeil curieux et attentif, dans le petit espace du couvercle à peine levé. J'ai constaté à ce moment qu'il s'agissait de foi. Et que la seule solution pour moi d'avancer, était de soulever entièrement ce couvercle.

Aujourd’hui, mon expérience personnelle m’amène à constater tout simplement que la réflexion philosophique n’est qu’un balbutiement de spiritualité. En effet, l’usage de la rationalité dans la spiritualité est un obstacle. Vraiment. La spiritualité est un acte de foi, un art de vivre, des choix de vie respectueux de convictions lentement forgées. Des convictions non pas de « ce qui est », mais plutôt de « ce qui n’est pas », je crois que ces convictions lentement forgées amènent à la sobriété, une sobriété heureuse, détachée grandement de superflus matériel.
La spiritualité est globale et non plus mentale et réduite à quelques heures de la journée, mais entière et embrassant tous les pans de l'existence. Elle se reconstruit chaque jour sans jamais devenir routinière puisque chaque instant, pleinement vécu, est unique.

Bon nombre de philosophes aujourd'hui sont des personnes qui s'enferment dans un exercice rationnel, et mènent une vie en totale contradiction avec des idées auxquelles ils ne croient pas profondément. D'autres sont tellement urbanisés que leurs idées coupées de la nature sont même dangereuses.Ils n'ont rien de sage. Je dis cela car je crois avec la plus grande ferveur que l'observation de la nature est la plus grande source d'inspiration qui soit.Sans angélisme aucun à l'égard de la nature. Au contraire. Avec le plus grand détachement. De même je me méfie de la philosophie humaniste car sous ce terme se cache parfois l'idée que l'homme est central, supérieur, au sommet d'une hiérarchisation du vivant qu'il s'est construite en se basant sur une conception erronée de la condition humaine. Ces courants défendent souvent le progrès technologique comme assistance et facilitation, allant jusqu'au transhumanisme qui est, à mes yeux, une aberration sans nom. 

La sagesse telle que je la vois maintenant, consiste à se taire et à cesser de réfléchir, à observer ce qui se passe dehors et à renforcer son corps. Développer une écoute, une attention tant envers l’extérieur à soi qu’à l’intérieur, se laisser traverser par les sensations sans chercher à les arrêter, les analyser, les comprendre. Elle commence en travaillant le rapport qu'on a à soi-même, puis aux autres, sans se poser de questions, en étant réceptif aux stimulis tous azimuts.

Je crois surtout qu’il est bien plus difficile de croire que de raisonner, parce que croire demande de surmonter énormément de peurs accumulées depuis des générations. Parce que quelle que soit l’intensité de la foi, elle ne sera jamais aussi forte que la certitude qu’amène la raison. Or, une certitude rationnelle est un arrêt. Une photo. Et le vivant ne s’arrête pas. La vérité, si l’on veut employer un mot dangereux, n’est pas figée. Le soulagement de la certitude est donc illusoire.

Je parle de croire mais je ne dis pas en quoi. A chacun de trouver sa propre croyance mais je peux dire que la religion est totalement étrangère à la question, pour ma part en tout cas, étant athée par mon éducation, puis agnostique, avant de ne même plus voir la religion. Ma croyance est humaniste et naturaliste, voire principalement naturaliste. Il s’agit plus de l'acte de croire, que de la chose en laquelle on croit, et qui a priori n’est pas figée, et donc forcément un peu confus, mouvant, irrationnel, ce qui donne à la croyance son côté « fou » (Comment peut-on croire en quelque chose de mal défini ? Alors qu’il n’y a pas de preuve ? Eh bien justement, c’est parce qu’il n’y a pas de preuve que l’exercice de la foi prend tout son sens. C’est faire un pas dans ce qu’on croit être vide, et constater qu’il n’est pas vide. Voilà un exercice qui va à l’encontre de ce qui est le plus central dans la culture occidentale ( La Raison !) et qu’il nous est horriblement compliqué de faire.)

Je crois, en toute humilité, qu’il est urgent de se dérationaliser, de corporaliser l’esprit. De développer ses sens au-delà des stimulis brefs et superficiels qui ne font que nous induire en erreur sur ce qui nous entoure. De prendre le temps de sentir autrement, sentir plus. De regarder longtemps pour tenter de voir au fond des choses non pas une vérité, une réponse, mais un espoir. Un contact. Sentir un mieux être, un plus être, en étant simplement pleinement soi-même.


jeudi 15 octobre 2015

Relevé de notes

Ma mère m’a dit hier au téléphone qu’en mettant de l’ordre dans les vieilles caisses du grenier de la maison dans les Vosges, elle était tombée sur mon relevé de notes du baccalauréat et quelques uns de mes vieux bulletins. Elle a réveillé de vieux souvenirs lointains et révolus, provenant d’une vie antérieure, quand tout était beau et facile. Au Bac, j’avais eu 18 en maths et en philo, 15 en histoire-géo, 16 en français, anglais, espagnol et italien, et… 10 (coefficient 8 !) en éco. Le coup de poignard, ce 10. Il a marqué le début de la fin, si je puis dire. Ce n’est pas que je courrais après les bonnes notes juste pour les collectionner et recueillir les lauriers, non. Le 10 en soi n’aurait pas été un problème s’il ne s’était agi d’une note de Bac coefficient 8. Il se passait tout autre chose à cette époque. C’est cela qui m’est remonté à l’esprit et qui me donne envie d’écrire ces quelques lignes.
J’étais vraiment une drôle de petite fille. A 7 ans, j’avais juré que j’irais sur Mars en 2020 et j’avais établi un programme pour « tout savoir sur tout ». J’étais amoureuse des étoiles et je voulais « connaître Dieu » (sans savoir de quoi il s’agissait, surtout dans une famille excessivement athée). Je passais beaucoup de temps dans la forêt, dans les Vosges, à raconter des choses toute seule, je parlais aux arbres. Je ne comprenais pas pourquoi les étoiles qu’on voyait dans le ciel n’étaient pas des planètes. Je comprenais surtout que rien n’allait de soi. Qu’il n’y avait pas d’évidence. Qu’il fallait apprendre à regarder ce qu’on avait sous les yeux. Cela ne m’a jamais angoissé de voir qu’une question en soulevait toujours plein d’autres, au contraire, cela m’enthousiasmait. Pour moi, Dieu était le ciel et la forêt. Un peu plus tard, vers 12, 13 ans, je me suis dit qu’avant de connaître Dieu, il fallait connaître l’Homme. Je voyais énormément de promesses dans l’étude. Rien ne me rendait plus heureuse que de me poser des questions, chercher, être dans la nature et discuter. J’étais une petite fille très solitaire et mal fagotée mais j’étais pleine de vie et faisais toujours le clown. J’étais très curieuse et très précoce.
Le week-end on était dans les Vosges (une vieille ferme en ruine que mes parents avaient achetée en 1980 et qu’ils retapaient patiemment eux-mêmes), la semaine on était à Nancy dans un appartement. Je rentrais directement après les cours pour m’enfermer dans ma chambre et approfondir mes leçons. Je n’y étais pas obligée mais j’aimais ça. Mes parents se contentaient du fait que je fasse mes devoirs, pas plus, tant que je ne faisais pas conneries et que j’avais la moyenne. Tous deux étaient employés à France Télécom et étaient les premiers surpris à voir combien j’aimais travailler. Je passais entre 4 et 6 h par jour dans ma chambre, de 18h à minuit en gros, et ce pendant toute ma scolarité, du CE2 à la Terminale, ce qui fait une paire d’années. Je rentrais dans ma chambre et je posais mes affaires près du bureau. Avant de toucher quoi que ce soit, je faisais les 100 pas en parlant à voix haute, me demandant ce que j’avais retenu de mes cours et cela pouvait durer longtemps. Puis j’ouvrais mes cahiers et passais tout en revue. Je lisais plein de choses dans des livres et je dansais dans ma chambre en laissant filer mon imagination. Et puis je n’avais ni télévision, ni ordinateur, ni téléphone portable (nous sommes au milieu des années 90).
En 6ème et 5ème j’étais dans un collège public en horaires aménagés avec le conservatoire de Nancy où je faisais de la danse classique et du piano, puis en 4ème je suis revenue dans le cursus normal en intégrant un grand collège de 2000 élèves, toujours à Nancy. J’ai vite compté parmi les trois meilleurs de la classe. J’ai eu des profs de merde en science, malheureusement, donc je n’ai jamais su ce qu’étaient la physique, la biologie ou les mathématiques. Je suis passée complètement à côté de ces matières. Pour moi les maths consistaient à faire sans qu’il y ait rien à comprendre. Le seul souvenir que j’ai de mes cours de physique, c’est d’avoir allumé un oscilloscope et observé une courbe sinusoïdale sur un écran. Point. Je n’ai rien appris. Un jour, j’ai demandé ce qu’était un courant
électrique, on m’a répondu que c’était un courant continu ou alternatif, ce qui ne m’a guère avancé et je n’avais rien d’autre que le professeur pour m’éclairer en la matière, pas de livres, pas d’autres adultes vers qui me tourner. Ce sont donc les sciences humaines qui m’ont intéressée. J’ai fait du latin et j’ai adoré jouer avec ses déclinaisons. J’étais très forte en version et je me suis passionnée d’étymologie. J’étais excellente en anglais et espagnol, ça rentrait tout seul. La grammaire m’amusait beaucoup et je ne faisais quasiment pas de fautes d’orthographe. En 3ème ou en 2de, j’ai eu une prof d’histoire absolument fantastique, qui nous racontait avec ferveur les tenants et aboutissants des évènements, sans cracher un cours tout fait sur le tableau, ce qui était rare. Elle m’a permis de comprendre ce qu’était l’histoire : non seulement la recherche de documents de première ou seconde main qui donnent connaissance de faits, mais surtout le travail d’interprétation de ces faits par l’historien. C’était cela, l’Histoire : une belle science humaine qui en dit autant sur l’historien, quel qu’il soit, que sur l’histoire.
Elle nous avait proposé de participer au concours pour la mémoire de la déportation et de la résistance. On avait été 4 à accepter, donc on étudiait des documents ensemble après les cours avec la prof, des témoignages sur l’horreur des camps, leur organisation, etc, puis le concours a eu lieu quelques semaines plus tard. Il fallait faire une dissertation en trois heures sur le système concentrationnaire nazi. J’avais été la lauréate départementale du concours. Ma prof d’anglais m’avait proposé de participer au concours général, mais sur le coup je n’ai pas compris ce que c’était et n’ai donc pas donné suite. On m’encourageait beaucoup pour que je suive la filière scientifique mais ça ne m’intéressait pas du tout. La filière littéraire me paraissait aussi trop spécialisée. Je voulais un maximum de diversité, j’ai donc choisi la filière éco.
En Seconde, ont donc commencé les cours de science économique et sociale et ce fut une grande révélation. Un prof exceptionnel, soixante-huitard, extrêmement rigoureux et plein d’humour. La SES est la matière qui permet de vraiment comprendre le monde dans lequel on vit. Les logiques éco et politiques, ce qu’est l’Etat, ce qu’est une Entreprise, la Monnaie, mais aussi ce que c’est que l’industrialisation, le capitalisme, la mondialisation, la financiarisation du monde, la construction européenne, les politiques structurelles, etc, et quand tu as 16 ou 17 ans, il me parait indispensable d’apprendre ces choses-là et d’y réfléchir. On faisait beaucoup de sociologie aussi, avec Durkheim, Todd, Touraine, Bourdieu, Weber, Wallerstein et quelques autres. Ce prof encourageait la prise de risques dans la réflexion, tant qu’elle se tenait et qu’on ne disait pas n’importe quoi. Il voulait vraiment nous donner les moyens de nous forger un bon esprit critique. J’avais souvent entre 18 et 19 à mes travaux et le prof annotait en haut de la copie un « Convenable » qu’il fallait savoir interpréter avec malice. J’aimais bien mes « convenables ». J’adorais disserter. On m’avait offert un petit « repères- la découverte » sur les théories des crises économiques par Bernard Rosier que j’ai lu je ne sais combien de fois et dont toutes les lignes sont surlignées, un petit livre qui m’a énormément servi même à Science-po et que j’ai encore dans mes affaires ici à Aix. J’empruntais tous les Sciences Humaines, les Newsweek, les Monde diplo au CDI et les lisais consciencieusement, je faisais des connexions avec l’ensemble de mes cours, tous les soirs dans ma chambre. Ca m’embêtait de les rapporter car je me disais que si j’avais besoin de retrouver une phrase, je serais bien embêtée de ne plus avoir mes magazines sous la main. Donc je ne les rapportais pas tous et j’en recopiais pleins de passages dans la marge de mes feuilles de cours.
Puis en Terminale, il y a eu la philo qui a été pour moi le summum de la révélation. J’ai eu la chance d’avoir une prof exceptionnelle là aussi. J’avais déjà lu le Monde de Sophie et j’attendais beaucoup
de cette nouvelle discipline. Ses cours étaient clairs, elle parlait sans notes et prenait toujours une minute pour se concentrer avant de commencer à développer. Elle ajustait son petit serre-tête sur carré blond et faisait un véritable effort pour captiver notre attention. Elle m’a dit plusieurs choses qui m’ont beaucoup aidée, comme « nourris ton texte de citations, prouve ce que tu dis, tu n’es personne pour qu’on te croie sur parole », parce que j’avais tendance à économiser les références, pensant que la prof les verrais en transparence dans mes copies, mais non ! Je comprenais qu’en philo plus qu’ailleurs, la référence, la preuve jointe à l’argument était indispensable. Elle inscrit la pensée dans une lignée et met en évidence d’éventuelles ruptures avec un courant. C’est important de savoir « où on se situe », donc j’ai vite appris à intercaler ces références (ce que maintenant je ne fais plus).
Un jour on avait un devoir à faire à la maison. Ce devait être sur le sens de l’histoire, je crois bien, quelque chose d’hégélien. Je passe le week-end entier à travailler, je plonge dans les vieux bouquins de mon père, vieux recueils des années 60 d’extraits des grands textes commentés par des académiciens. Je rends 5 ou 6 copies doubles à la prof qui me dit : « As-tu un grand frère qui t’aurais aidé ?... Parce que c’est le travail d’un deuxième année de classe prépa que tu viens de me rendre… C’est vraiment très bien. » Elle m’a mis un 17 que j’ai adoré, qui m’a beaucoup marqué et donné confiance. C’était vraiment une belle époque et je prenais énormément de plaisir à travailler. Elle nous a fait réfléchir sur la vérité mathématique en nous parlant de la géométrie Riemannienne qui remettait en cause la géométrie Euclidienne, autre grande révélation parmi quelques autres. La question de la relativité des choses les unes par rapport aux autres était centrale dans ma réflexion et je commençais alors à voir se dessiner les contours d’un système de dynamiques qui rendait compte de pas mal de choses sur le comportement humain. J’avais toujours eu l’impression depuis mon plus jeune âge, d’être un récepteur, un observateur de tout ce qui m’entoure. Les informations affluaient en masse naturellement et la réflexion s’était très tôt imposée d’elle-même. J’ai estimé assez rapidement qu’il était hasardeux que l’homme agisse sur son environnement avant de l’avoir compris, du moins dans une certaine mesure. Or j’avais l’impression qu’on agissait sans avoir suffisamment compris cet environnement. Je voulais savoir pourquoi il en était ainsi, pourquoi on en avait compris ce qu’on en avait compris, et qu’est-ce qui nous échappait dans l’histoire, à côté de quoi on était en train de passer. Plus j’en apprenais, plus cette sensation se renforçait sans que cela ébranlât en quoi que fût mon optimisme, mon enthousiasme et mon intraitable humanisme. Je ne me sentais nullement engagée dans une cause ou une autre, je ne cherchais aucunement à juger qui avait tort ou qui avait raison, je voulais juste observer. C’est bien plus tard que j’ai pris position.
La journée, j’étais très timide, extrêmement réservée, la discrétion incarnée, voire désincarnée, mais le soir à table c’est moi qui tenait l’audience : je racontais ce que j’avais appris plus tôt, je voulais partager ces choses incroyables. Je me souviens avoir raconté pendant tout le repas la crise de la baie des Cochons à Cuba pendant la guerre froide, avoir monologué une autre fois sur la question aporétique « liberté/sécurité » en démocratie, sur le contrat social de Rousseau, la justice kelsenienne, la caverne de Platon. Ma sœur me détestait, la pauvre, car je monopolisais l’attention. Mes parents m’écoutaient avec indulgence. Ma mère voulait que je devienne prof car elle trouvait que je m’exprimais très bien. Elle ne suivait pas forcément tout ce que je disais et ne voyait pas spécialement l’intérêt d’en savoir autant. Mon père, par contre, avait l’air de tout savoir déjà. Il comprenait tout, écoutait posément et venait me donner un livre de temps en temps, pour m’aider à creuser encore. Il avait fait de longues études de psychologie à la Sorbonne mais avait tout abandonné à la mort de son père. Il ne parlait jamais de son savoir.
A l’école, j’avais assez peu d’amis. J’avais une ou deux très proches copines, mais je ne me sentais pas du tout à l’aise dans un groupe. C’était maladif et jusqu’à mes 14, 15 ans, je ressentais une vraie terreur, les gens m’impressionnaient tous. Je rougissais pour un rien, je n’osais pas parler. Cela pouvait attirer les foudres. En milieu d’année, en 4ème au collège, (j’étais donc nouvelle dans l’établissement) un groupe de filles que je prenais pour des copines avait tagué en gros sur le mur de l’école « Marie-Pierre est une conne, Marie-pierre est une pute »… Puis un jour, Céline avait arraché des pages de mon cahier et griffonné des insultes. Encore un peu plus tard, Martin m’avait agressée dans les toilettes, m’avait foutu un coup de poing au visage, griffé au cou jusqu’au sang, tiré les cheveux et craché dessus (j’avais riposté, mais bon)… On se moquait de mon prénom bourgeois, on me traitait de pauvre intello, des trucs sympas… Ce sont les voyages à l’étranger qui m’ont ouverte et blindée, à la fois. A 15 ans, pour me récompenser de mes résultats, mes parents m’ont offert un séjour linguistique de trois semaines en Espagne. Depuis longtemps je voulais partir seule à l’étranger. J’ai été hébergée dans une modeste famille près de Santander, je prenais des cours d’espagnol avec des jeunes du monde entier. Cela a été absolument génial. Je me sentais très à l’aise. Par la suite, je suis partie régulièrement tous les deux ans, en Irlande, en Italie, etc. J’ai guéri de ma timidité mais pas de ma discrétion.
Puis j’ai eu ce 10 coefficient 8 au Bac. Les études étaient ce qu’il y avait de plus important pour moi. S’il ne s’était agi précisément du Bac, cette note n’aurait posé aucun problème. J’avais déjà eu des 8, des 6, des zéro, qui mettaient le doit sur un truc que je n’avais pas compris ou bien sur une étourderie, peu importe, ces notes ne constituaient pas un obstacle, mais là, au Bac, c’était une sanction fatale que je ne comprenais pas et qui visait en plein dans ma matière préférée. Ce 10 pesait lourd et entrainait des conséquences au goût amer. J’ai consulté ma copie pour comprendre où était mon erreur : quelques « oui » dans la marge puis un paragraphe de 10 lignes noté « hors sujet ». C’était loin d’être mon meilleur travail sans pour autant être mauvais, comme le 10 l’indiquait moyennement et justement. Cette note m’a fait louper la mention Très Bien à quelques dixièmes près et je trouvais cela dommage en regardant mes autres notes (18 en maths et 18 en philo notamment). J’ai quand même pleuré près d’une semaine au grand désespoir de ma mère qui ne savait plus quoi faire pour tempérer mon impressionnant chagrin. Je souhaitais aller à Henri 4 pour y faire une classe prépa et j’ai été refusée parce qu’il fallait la mention TB, surtout quand on venait de province. J’ai vu des portes se fermer. Une amie à moi a eu la mention TB mais son 15 en philo lui a également fermé des portes. L’école nous avait encouragées à viser haut. J’ai pris cet échec pour un NON très violent. J’ai senti que le « désir de connaître » me trahissait, qu’il ne voulait plus de moi parce que je n’étais pas à la hauteur. C’est la Connaissance qui me rejetait. (Petite tendance à prendre les choses trop à cœur…). Mais je m’en suis remise. J’ai fait science-po Lille un peu par hasard, sans même préparer le concours que j’ai eu haut la main. C’est là que les ennuis ont commencé à prendre forme.
Au début, pour mes premières présentations, je mettais du cœur à l’ouvrage, je prenais des risques, je proposais, j’élargissais, je creusais mais on m’a tout de suite recadrée avec des 2, des 5 pour me dire HORS SUJET. Il fallait recracher le cours, répondre à la question posée en construisant deux parties bien agencées et attendues. Ne pas surprendre le prof sinon c’était la sanction. Combien de fois m’a-t-on dit : « C’est bien, vous avez fait un bon travail mais ce n’est pas ce que j’attendais, je vous mets 8 », et le prof de ressortir un plan détaillé parfaitement attendu en guise de correction. C’était comme cela toutes les semaines. Il y a bien eu quelques moments de grâce – notamment un travail sur l’épistémologie de l’économie néolibérale sur lequel j’ai planché 72 heures non stop, sans
manger ni dormir, m’inspirant principalement de Karl Polanyi (La Grande Transformation), Louis Dumont (Homo Aequalis) et Karl Popper, des bibles que j’ai encore avec moi- mais ce n’était pas suffisant pour que je garde confiance et envie. Presque tout ce qu’on abordait à Science-po en termes de faits, de connaissances, avait déjà été creusé plus tôt dans mes lectures et mes réflexions de lycéenne. Je ne pouvais rien mettre en perspective, rien questionner si bien que travailler était devenu un calvaire. Ce n’était pas tant la teneur de mes propos qui était sanctionnée mais bien le procédé dont ces propos étaient le fruit. A chaque fois que je mettais de l’enthousiasme dans une présentation orale, je récoltais toujours ce « oui mais ce n’est pas ce que je vous demande », hors sujet, hors sujet, hors sujet. Tout sortait du cadre. La pensée était hors-sujet. Une question posée en soulevait toujours une autre, et là on me demandait de ne pas poser de questions. Ce formatage insidieux me broyait littéralement. Il fallait céder à la facilité que j’avais depuis toujours en horreur et faire un babillage fade et sans relief. Une grande désillusion. Plus de promesses, plus personne qui veuille prendre un chemin de traverse, voir ce qu’il y a derrière le bosquet, risquer de se perdre. Et je me suis complètement perdue.
J’étais encore très seule, mes parents et amis étaient à Nancy et dans les Vosges. J’avais donc une seule amie à Lille et quelques connaissances qui me reprochaient souvent d’être trop sérieuse. Mon amie et moi étions très proches toutes les deux et nous nous sommes beaucoup soutenues. C’était Emilie, originaire de Saint Pierre et Miquelon, arrivée en métropole à 17 ans toute seule, devenue maintenant journaliste, qui vit désormais à Montpellier et qui a eu un bébé le 12 octobre dernier.
En deuxième année, le Directeur des Etudes de Science-po - que j’avais aussi en prof par ailleurs et qui m’aimait bien - m’a convoquée un jour dans son bureau pour me dire que sur les 300 élèves de l’établissement j’étais celle qui avait le plus d’heures d’absence… Je ne venais plus en cours. Je lui ai dit que je n’allais pas bien, tout simplement, et c’était le cas, ce à quoi il a répondu qu’il effacerait ces retards si je venais désormais à tous les cours et si j’avais la moyenne aux prochains partiels, sans rattrapage. Ce que j’ai fait. J’avais quand même une petite menace d’exclusion au dessus de la tête. Mais bon, cela m’a donné une raison de faire un effort. Il y a eu deux professeurs qui sortaient du lot : M. Mardellat, un prof d’économie qui nous faisait plus un cours d’anthropologie, et M. Hastings, prof de philosophie politique. La plupart des élèves étaient des parisiens qui avaient échoué au concours d’entrée de Science-po Paris et qui maintenaient une certaine distance avec les provinciaux. Les professeurs nous répétaient que nous étions l’élite et que nous étions destinés à occuper les plus hautes fonctions de la société, ce qui avait de moins en moins de résonnance en moi. Même si la tendance de gauche l’emportait, c’était une tendance bien propre et très consensuelle, politiquement correcte...
J’ai tenu les 4 ans à Science-po et cela a été une lente descente aux enfers, me menant au bord de la dépression. Ca me faisait mal de travailler. Je ne voulais plus réfléchir puisque je réfléchissais mal. J’avais l’impression d’être une erreur moi-même. Je sentais comme un appareil qui me contraignait à prendre une direction que je ne voulais pas suivre. Un appareil qui me causait une vraie douleur. J’ai fini par penser qu’on m’avait menti toute mon enfance. Que je ne valais rien, que je n’avais que de la merde dans ma tête, que le plaisir de connaître n’avait été une illusion puérile et que certaines questions n’avaient aucun intérêt à être posées ; que là, j’étais dans le vrai monde et je n’y trouvais pas ma place. J’ai pourtant appris plein de choses en géopolitique, en droit européen et constitutionnel, en sociologie des partis politiques, en anthropologie politique mais quand on m’interrogeait, ce que je pouvais dire était inutile. J’ai commencé à picoler et à sortir. Je fumais un
paquet de cigarettes par jour. Je me suis fait la promesse de ne plus jamais perdre de temps à me concentrer, que faire la fête était ce qu’il y avait de plus important et que rien ne devait m’empêcher de sortir, boire et voir du monde. Je ne m’autoriserais plus jamais à avoir un avis sur quoi que ce soit. Le monde pouvait bien s’écrouler et moi avec. Qu’il se fût agi de Science po ou d’une autre école, je pense que cette désillusion serait venue à un moment ou à un autre mais elle aurait peut-être été moins radicale ailleurs. J’étais vraiment hyper-sensible et très idéaliste quand à la connaissance.
Je me souviens d’un matin en particulier, j’avais ma mère au téléphone et j’étais en larmes. Il fallait que j’arrête, que je quitte Science Po. Nous étions à six mois du diplôme. « C’est dommage d’arrêter si près du but… mais si tu n’en peux plus, alors arrête, abandonne », me dit-elle avec sincérité. C’est ce coup de fil qui m’a aidé à tenir jusqu’au bout. Mes parents étaient très fiers que leur grande fille fasse Science-po. Ma mère venait d’une famille de paysans sarthois et n’avait pas le bac ; mon père était fils de cheminot. C’était important pour eux que je sois là. Après le diplôme qui m’a été accordé avec l’indulgence du jury, un peu comme s’ils me le jetaient à la figure avec dédain, j’ai su que c’en était fini pour toujours des études. D’ailleurs je n’ai jamais été chercher ce diplôme. En toute honnêteté, je ne le méritais pas mais au moins l’avais-je désormais. Je n’ai pas assisté à la cérémonie et je n’ai plus jamais remis les pieds à Lille. (Je pourrais toutefois sans doute y retourner, pour quelques heures !).
La rupture était consommée, mon dégoût si violent que je n’ai pas touché un livre pendant 7 ans, rien, plus rien. Je suis partie à l’étranger, j’ai repris la musique, puis j’ai fait du théâtre, chanté dans des concerts, picolé et repris confiance aussi, notamment grâce aux voyages et aux rencontres que j’ai pu faire. Je suis partie deux mois toute seule en Australie et un an, de même, au Mexique, entre autres destinations. C’était super, je faisais des petits boulots. Avec mon ami rencontré quelques mois après mon arrivée, on jouait de la guitare dans les bus pour pouvoir s’acheter une bombonne d’eau potable ou quelques tortillas. C’était un poète des rues, issu d’une famille très pauvre et il gagnait de l’argent en faisant les dissertations des riches étudiants d’une université privée. Il connaissait mieux que personne l’histoire de la révolution cubaine et les relations entre narcotrafic, communautés religieuses et partis politiques au Mexique. On avait de passionnantes discussions.
De retour à Paris, j’ai enchainé les petits boulots et les copains. J’ai pris l’habitude de fréquenter les troquets de la rue Oberkampf et cela m’a énormément apporté : j’entamais systématiquement des discussions de comptoirs avec des gens souvent plus âgés, on avait de vraies réflexions passionnantes et assez abstraites sur des dizaines de sujets comme la peine de mort, la notion de citoyenneté, le statut de la vérité, en quoi un étranger nous est-il semblable ou différent, etc. Les gens me disaient merci et se surprenaient à avoir une profondeur en eux qu’on ne sollicitait pas souvent. C’était un moment d’évasion qui leur faisait du bien et m’en faisait aussi. J’ai aussi côtoyé pendant deux ans les mouvements gothiques et libertins que j’ai adorés, puis les soirées mondaines dans les lieux chics de la capitale, soirées auxquelles j’ai pu découvrir que j’en étais proprement allergique. Le théâtre m’a beaucoup apporté pendant ces années parisiennes mais ce qui me plaisait était au-delà du fait de jouer sur scène. C’était plus profond. C’était une anthropologie non théorique, mais bien inscrite dans un corps humain en mouvement. Une façon d’éprouver l’humanité dans son ensemble. J’en apprenais encore plus sur la condition humaine qui ne cessait de m’intriguer depuis toujours. Au bout de sept ans de divagations, j’ai recommencé à sombrer parce que je comprenais que je ne voulais pas vraiment être comédienne. Je ne savais pas ce que je devais faire
de ma peau. Je m’en voulais d’être trop sensible et inadaptée, inadaptable. Je ne comprenais pas comment les autres faisaient pour être bien et j’aurais tout donné pour être comme eux mais il y a des conciliations auxquelles je n’ai jamais pu me résoudre et ce n’est pas faute d’avoir essayé de composer avec moi-même au long de ces années d’errance. Je me souviens m’être inscrite à Paris V pour faire un master 2 de sociologie, pensant que j’étais prête à entrer dans ce monde-là mais je n’ai pas tenu plus d’une semaine de cours.
C’est en 2011 que j’ai rouvert un livre. Cela a été très dur mais c’était plus fort que moi. Mes amis étaient persuadés que j’étais faite pour cela : penser et écrire, que j’étais faite pour être un peu spéciale et entière, d’après leurs termes. Il faut dire que j’étais en danger, sans avoir besoin de prendre d’autres drogues que l’alcool et le tabac. Je me détruisais à petit feu. Quelque chose bouillonnait à l’intérieur et j’avais d’horribles crises d’allergie qui venaient justement de ce que je contenais trop de choses depuis trop longtemps. Il a donc bien fallu que je m’y mette. J’ai feuilleté un hors-série de Philosophie magazine qu’on m’a mis sous le nez, sur le cosmos des philosophes, puis j’ai ouvert un livre sur les énigmes mathématiques du XXIème siècle et j’ai recommencé à réfléchir activement, pour rien, juste comme ça, parce que cela me faisait du bien. Le sujet était trop fort pour être écarté d’un indifférent revers de main. J’ai commencé aussi à travailler sur Usophia, un projet de fantaisie philosophique qui m’était venu dans une rêverie. J’ai créé Shantée Bellefleur pour creuser les thèmes que le projet impliquait. Cela a été très, très dur de reprendre un stylo. Je crois que j’ai du commencer par faire une liste anodine de questions qu’avait soulevées la lecture du bouquin, avec légèreté, au dos d’un ticket de caisse, comme si c’était pour rien, et puis c’est reparti. Je me suis acheté des cahiers. Maintenant, je ne travaille plus du tout de la même façon qu’avant. Pour ce qui tient de la forme, je ne m’impose pas vraiment de convenances à respecter. Mais je continue à réfléchir le plus souvent à voix haute en marchant dans la forêt ou en faisant les 100 pas dans mon studio. Je fais un rejet épidermique des intellectuels modernes dont je sens - dans la verve qu’ils répandent sur la plupart des médias- qu’ils sont passés par un formatage bien policé (même de tendance gauchiste). C’est peut-être un tort de ma part mais c’est une réaction viscérale et impondérable.
Cela dit, je me sens maintenant plus à ma place que jamais. C’est un petit nulle part qui me va bien et qui ne m’inquiète plus, pour l’instant. Je me demande toujours si je ne suis pas complètement folle et dans une erreur fondamentale, mais bon. Ce que je sais, c’est que même si j’écris des trucs, que je réfléchis dans mon coin, que je rêve et imagine des histoires, que je lis des choses par-ci, par-là, etc, on ne pense pas tout seul. Le partage est vital pour la pensée même. Cela reste un de mes soucis à l’heure actuelle. Avec qui partager ?
Voilà ce qu’évoque le bout de papier que m’a mère m’a dit avoir sorti du grenier. Mon relevé de notes du baccalauréat. 18, 18, 16, 16, 16, 16, 15… Les commentaires sur mes bulletins : « excellent, excellent, excellent… ». Une relique. Un souvenir. Des notes du passé. De bonnes notes que j’avais complètement oubliées et rejetées. Il me semble qu’elles ressortent aujourd’hui pour me rappeler qu’elles ont été réelles, qu’on me les a données, ces notes, et que je les méritais sans doute à une époque. Des encouragements évanouis. Mais bon. Tout n’est pas perdu. Avoir eu 18 en philo au bac, après des années de travail consciencieux, cela ne peut pas être totalement insignifiant. J’ai déjà dit qu’à travers Shantée Bellefleur, je renouais sans m’en rendre compte avec une petite fille… Une gamine oubliée mais sympathique, très curieuse et pour laquelle rien n’est évident. Une petite
fille optimiste, enthousiaste et intraitablement humaniste qui me rappelle que je ne dois pas baisser les bras.

vendredi 11 septembre 2015

Coup de Tabac

Témoignage sur ma première purge de tabac.

Septembre 2015.

On avait rendez-vous à 17h dans un petit village des Bauges où un wigwam avait été installé. Il s’agit d’un habitat inuit ressemblant à un igloo en toile avec une armature en bois. Plus loin, une yourte, un bain norvégien, des toilettes sèches, des étangs de poissons, vergers et potagers, le tout entouré de montagnes. On était 10 participants à jeun, en plus de la chamane et de son assistant. La cérémonie a duré environ quatre heures. La moyenne d’âge était de 40-45 ans, tous d’un profil assez uniforme : clowns d’hôpitaux, naturopathes, profs de musique en milieu associatif, kiné, sensibilisés à l’écologie.
Alors que s’est-il passé, qu’est-ce que c’était que ce coup de tabac… Comme je te l’ai dit, ce qu’on appelle la purge au jus de tabac est le tout premier pas à franchir pour entrer dans la « médecine traditionnelle amazonienne ». Il n’y a pas de trip mystico-hallucinogène là-dedans. Il ne s’agit pas de rechercher des sensations, des révélations, des connections, etc, comme moi-même je l’imaginais par méconnaissance et que je n’ai d’ailleurs jamais recherché.
En début de cérémonie, la chamane explique brièvement ce qui va se passer. Nous sommes en cercle, elle va ouvrir le rituel, appeler le chant du tabac sur la décoction, puis nous aurons ensuite à boire rapidement un bro d’un litre et demi d’eau tiède dans lequel seront dilués environ 20cl de pur jus de tabac. S’ensuivront deux autres bro d’eau chaude, à boire rapidement également – le tout entre 30 et 45 minutes- entrecoupé de vomissements puisque le liquide est purgatif et que les trois litres d’eau chaude n’ont rien de très agréables. Un grand seau a été gentiment déposé devant chacun des participants. Elle chantera pendant ce temps, fera ce qu’elle aura à faire, puis prendra certaines personnes au centre du cercle pour leur faire un soin si elle en sent le besoin. Enfin, elle clôturera la cérémonie.
Voilà la description pratique du coup de tabac et je conçois tout à fait qu’à ce stade, rien ne séduise dans l’affaire. Alors où est l’intérêt ? Bah il est ailleurs.
La spiritualité qui entoure les pratiques chamaniques me parle énormément. Le tabac, le vrai, le pur, le brun, celui qui ressemble à celui dont on se sert pour faire des cigares, est la plante la plus utilisée par les tribus. Elle est associée à une figure paternelle. Je ne rentre pas dans les détails de cette spiritualité mais ce qui est important, c’est que la vision de la médecine chamanique, ou du soin du corps, repose sur l’idée de confrontation. Vouloir se confronter à ses problèmes, ses maux, ses peurs, lâcher prise. C’est une médecine coup de poing si tu veux, issue d’une longue tradition guerrière. On n’y va pas par quatre chemins, timidement ou à moitié, non, on y va franchement, et ça ça me plait bien. En gros, aie le courage de boire cet immonde breuvage noir, de le noyer sous 3 litres de flotte, de tout dégueuler, et de voire ce qui se passe.
Dans notre culture on a tendance à se précipiter chez le médecin dès le moindre symptôme de fièvre pour qu’il nous prescrive un truc qui la fera tomber dans l’heure. On fuit la douleur en général, ce que je peux comprendre, mais on fuit aussi certaines douleurs que nous aurions besoin d’affronter. On ne peut pas « tout avoir » sans rien faire (et je ne parle absolument pas d’avoir des choses matérielles mais plus d’avoir la santé, un esprit sain, etc) Rien ne se fait sans effort. Manger sainement est un effort, faire de l’exercice est un effort, prendre un livre au lieu d’allumer la télé est un effort, tout ce qui a de la valeur n’a de valeur que parce qu’il y a un sain effort fait en amont. Les machines, la chimie, l’argent ne procure pas de valeur, ne confère pas aux choses le sens que seul l’effort donne. Les machines, la technique, etc, facilitent énormément de choses, mais la facilitation
du quotidien ressemble plus à un fléau des temps moderne caché dans le cheval de Troie du « progrès », qu’à un véritable progrès.
Revenons-en à notre rituel. La chamane explique qu’on ne vénère pas les plantes parce qu’elles seraient douées de forces magiques et d’esprit divin ou je ne sais quoi de farfelu, non, il s’agit en fait d’une collaboration humains – nature. On utilise les plantes dans un grand respect et toujours à bon escient. L’intention du « preneur » qui va ingurgiter, la connaissance du chamane en terme de choix de la plante et de son dosage, en terme de chants, sont déterminants dans le rituel. L’intention du « preneur » n’est pas recevable si c’est juste de la curiosité ou, pire, l’envie d’un trip. Bref. De même, chaque chamane doit s’inscrire dans une tradition. Tradition chrétienne, celtique, etc. Elle nous précise que dans son cas à elle, la tradition est chrétienne, qu’il y a des prières adressées à Marie, etc, mais qu’en aucun cas cela n’implique de la part des participants qu’ils doivent adhérer à une croyance quelconque. Le rite est profondément acultuel, c’est même là un principe fondamental. Toutes les croyances, religions et spiritualités sont acceptées.
Juste un mot sur la chamane : quand elle est arrivée sur le lieu du rituel avant qu’il ne commence, elle avait l’air d’une femme normale, la soixantaine, souriante, discrète, fraîche et joviale. Par contre, une fois sous le wigwam, vêtue de blanc, concentrée, entourée de fioles et de grigris, elle avait un air terrifiant au point que je peux dire qu’elle était alors la femme la plus laide que j’ai jamais vue. Son visage était d’une sévérité inimitable, ses rides exacerbées, dégageant une froideur la rendant intouchable et pourtant très douce dans ses paroles, nous regardant droit dans les yeux, un à un, avec la plus grande bienveillance. Par la présence qu’elle imposait, j’ai cru voir une femme capable de se battre d’égal à égal avec les forces de l’univers.
Quand elle a entamé le premier chant « Tabaquero, tabaquerito, ensename a curar… Cura mi cuerpecito, mi mentecita, » etc, pendant près de cinq minutes, j’ai eu les larmes aux yeux. Je voyais cette femme blanche, laide et vieille, forte et inébranlable invoquer avec le plus grand des respects, la plus courbée des humilités le pouvoir curatif du tabac. Les brocs de jus noir distribués à chacun, elle dit simplement : « allez-y, vous pouvez boire ». Là, il n’était plus question de réfléchir et dans un geste commun, on a tous porté le pot à la bouche. En ce qui me concerne, juste ce geste, celui d’approcher le broc de mon visage, a constitué l’acte de foi le plus marquant de toute ma vie. Foi dans une tradition millénaire, foi dans ma propre confiance en la nature, foi en une connaissance que je n’ai pas, foi dans son chant, et puis j’ai bu, bu, bu et tout bu. Elle continuait à chanter d’une voix claire et posée ces mêmes paroles de remerciement, d’humilité, de reconnaissance, des chants qui parle d’eau, de soleil, de vent, de cœur, d’esprit.
L’expérience n’a pas été douloureuse. Pas de tord-boyaux, de malaises ou quoi que ce soit. Le premier broc avec le jus était dégueulasse mais supportable. L’impression de boire un peu un cendrier, la plante grattant la gorge et piquant la langue. Il ne se passe pas longtemps avant de commencer à rendre le trop plein. Une fois le procédé arrivé à son terme, une espèce de vide se fait dans le corps et pas qu’au sens propre. On se sent posés, assis sur son postérieur, confortablement, pleinement installés, entièrement présents et calmes. Il ne se passe absolument rien dans la tête, on ne va nulle part, pour le dire autrement. On est là, on voit ce qui se passe. La chamane fume ses cigarettes d’un centimètre de diamètre dont elle crache la fumée sans l’avaler. On se sent bien. Le vide créé engendre une plénitude. La chamane a pris trois personnes successivement au centre pour leur faire un soin individuel, puis elle a clôturé le rituel par un chant de gratitude.
Le rituel implique que pendant trois jours on poursuive la diète ( pas d’alcool, viande, graisse, sucre, etc) pour bénéficier au mieux des effets de la purge. Perso, je sens une différence que je ne peux pas associer pleinement à un effet placebo. Je me sens bien, mais pas « bien » comme d’habitude. Je me sens plus présente, plus incarnée dans mon corps, je ressens plus de joie et d’apaisement juste ici, au niveau du plexus solaire, comme tu peux voir. Je me sens un peu plus combattante, moins tourmentée et moins dans les nuages tout en étant toujours aussi folle, bien sûr. Je me sens « plus au monde ». Sensations étranges que j’avais déjà commencé à ressentir après ma séance chez la magnétiseuse il y a six mois (magnétiseuse qui n’a rien à voir avec la chamane qu’elle ne connait ni d’Eve ni d’Adam).
Voilà, il faut un minimum d’ouverture d’esprit pour envisager ces choses qui sont tellement éloignées, à tort, de notre mode de vie. Evidemment, en période de crise existentielle globalisée, les charlatans abusent à foison du besoin de sens des gens. C’est bien dommage mais inévitable puisqu’il y a du profit à se faire au crédit de la crédulité. Dommage car c’est un véritable apport de sens que de découvrir cet autre rapport au monde.
Je pense avoir fait le tour du rituel, comme un indien à cloche-pied autour d’un feu de camp, la plume au fusil, comme d’habitude.

dimanche 31 mai 2015

Du point à la ligne 2015

Il y a deux ans très exactement, je postais sur Shantée Bellefleur.com un article intitulé « Du point à la ligne ». Facebook se faisait un plaisir, ce matin, à me le rappeler. Du coup je l’ai relu et je l’ai modifié tant il était imbuvable. Le nettoyage a grossièrement consisté à retirer un paragraphe sur deux et à ajouter quelques phrases par-ci par-là. Voici donc le nouvel article que je vous propose.

Point, à la ligne.

D’ordinaire, il n’est pas difficile de concevoir séparément une ligne et un point. Le problème surgit lorsque l’on essaie de savoir si un point est un morceau de ligne ou si la ligne est faite de points, c’est-à-dire, lorsqu’on essaie de savoir ce qui est premier. Notre esprit nous impose d’opérer ce genre d’ordonnancement causal, c'est à dire à chercher le phénomène qui est la cause d'un autre phénomène. Le principe de causalité, ainsi qu'on appelle cette quète de la primauté, est fondamentalement inscrit dans notre préhension des choses. (La question de savoir d’où vient ce principe de causalité est une question elle-même issue de ce même principe, est-il une forme a-priori de notre esprit ?)

Dans le cas de la ligne et du point, on se retrouve donc à se demander ce qui vient en premier, comme dans la métaphore de l’œuf et de la poule.

La première chose à faire est de se demander ce qu’est un point et ce qu’est une ligne, mais pas au niveau "topologique" ( un point qu'on visualiserait sur une page blanche ), sinon "ontologique" ( qu'est-ce que l'essence d'une ligne). 
Qu’est-ce que représente un point : il représente la notion d’élément, d’élémentaire, de constituant irréductible. 
Que représente la ligne : elle représente une continuité. Alors on peut se dire que la continuité est faite d’éléments qui se succèdent, mais si l’on se demande d’où viennent ces éléments, on les imagine extraits d’une continuité métaphysique, obscure, diffuse. Donc on est bien face à une aporie puisque le questionnement tourne ensuite en rond, on suppose en effet que cette continuité diffuse est elle aussi faite que quelque chose, à moins qu’on choisisse de la penser en terme d’infini, ce qui n’apporte pas plus de réponse. C’est peut-être une approche de la continuité en ces termes qui à amener les physiciens à développer le concept de continuité spatio-temporelle. La continuité spatiale ne peut être conçue en dehors de la temporalité qui n’est autre qu’une continuité elle aussi. La notion d’espace disparaît s’il n’y a pas une temporalité qui lui permette de développer sa forme. On passe ainsi d’apories en tautologies.

Il faut donc aborder le problème sous un autre angle

On voit que lorsque l’on essaie d’extrapoler à partir de la ligne et du point, donc de savoir ce qui est premier, on ne va nulle part. Ce qui est intéressant par contre, c’est qu’on ne peut fondamentalement ni les associer, ni les dissocier. Et c’est à partir de cela qu’on peut réfléchir.

Qu’est-ce que j’entends par « ni les associer, ni les dissocier » : prenons par exemple, la notion de temps. Mettons que le temps soit une succession d’instants. Pouvons-nous concevoir un instant comme un extrait du temps d’une durée nulle ? Fondamentalement, non. Donc le temps n’est pas composé d’instants puisque les instants sont composés de temps. Et pourtant, on ne peut concevoir le temps autrement. De même avec la notion de quantité formalisée par les nombres. On ne peut concevoir de quantité élémentaire qui soit nulle, l’unité ne peut être une nullité. Une somme de nullités peut-elle former une unité ? (à la rigueur, une somme de nullités forme une unité de nullités…) De quoi est donc composée l’unité ? On touche du doigt cette sensation d’impossibilité d’association et de dissociation qui fait écho à l’étrange corrélation entre la ligne et le point.

Ce qui est absolument fantastique, c’est que les avancées de la science physique nous disent des choses qui corroborent ces sensations.
Prenons deux exemples: le quantum d’action et l’indétermination quantique.

Quantum d'action.

Il s'agit d’une expérience dont seuls les physiciens ont le secret, en l’occurrence une expérience menée par Max Planck sur le rayonnement d’un corps noir chauffé (à savoir qu’un corps noir parfait – qui ne laisse pas s’échapper de lumière- n’existe pas dans notre environnement). S’inspirant du second principe de la thermodynamique (principe d’entropie), Max Planck cherchait à comprendre ce qui se passait entre l’énergie absorbée par le corps noir sous l’effet de la chaleur, et l’énergie émise par ce dernier. 

Ce que Max Planck a découvert, c’est que l’énergie était absorbée non pas en continu mais par « paquets ». Il a déterminé ce qui deviendra la constante de Planck, dite « h barre », et qui correspond à la « mesure » de ce paquet, lui-même nommé « quanta » et qui correspond à la quantité d'énergie minimale émise par le corps noir. C'est une quantité minimale irréductible. L'énergie ne peut être émise en quantité moindre que celle qui forme un « quanta » ( qui sera rebaptisé « photon » par Einstein après son expérience sur l’effet photoélectrique qui vaudra à ce dernier son prix Nobel)

Alors que dire de cette constante de Planck, « h barre », dit encore quantum d'action. C'est le terme "action" qui est intéressant.
L’action, en science physique, est entendue comme étant le produit d’une énergie par un temps (suspendons notre questionnement sur ce que veulent dire « énergie » et « temps » et prenons les tels que la physique nous les présente). Le quantum d’action peut donc être définit comme un « mouvement élémentaire », le mouvement minimum par rapport à un « seuil » en dessous duquel il est « physiquement », et donc mathématiquement, impossible de descendre. Il n’existe pas d’absence d’action, d’absence de mouvement.

Un exercice de pensée nous amène à une constatation semblable : nous ne pouvons pas concevoir raisonnablement le vide absolu, le néant absolu, ni l’infini, ni même l’absolu. On se retrouve face à cette impossibilité d’associer le concept de mouvement – qui est continu, qui implique une dynamique- à celui de mouvement minimum irréductible, tel un « grain » de mouvement. La question de savoir ce qui est à l’origine de ce mouvement n’est même plus pertinente puisqu’il n’y a pas de passage entre l’absence de mouvement (qui n’existe pas mais que le concept d’origine implique) et notre mouvement minimum irréductible. Une belle aporie qui fait écho à notre aporie du point et de la ligne.

Ce qu’on remarque cependant, c’est que ce qu’il y a derrière les concepts de mouvement, d’énergie, de temps, d’action, de matière, d’espace, forme un ensemble inconcevable aux liens inaliénables. Les formules mathématiques ne consistent-elles pas à mettre en relation tous ces concepts définis par leur variabilité les uns par rapport aux autres ? A un certain degré, ne pouvons-nous pas dire que tous ces concepts forment une grande famille tautologique ou chaque membre est une manifestation d’un autre en fonction d’un angle de vue variant ? (dans mon esprit, le caractère tautologique ne souffre d’aucun jugement dépréciatif.)

Le cas de l'indétermination quantique illustre lui aussi le problème philosophique de l’aporie du point et de la ligne.

Pour commencer, précisons ce que veut dire quantique : Planck a inventé le terme de quanta pour définir une quantité (de matière, d’énergie, de temps?...) que l’on ne pouvait observer autrement qu'à travers la lunette mathématique. Une quantité si petite qu’elle devenait minimale, encore plus petite que la taille d’un atome. Par quantique, on entend donc plus généralement « ce qui est plus petit que les atomes ». Il s’agit de travailler à des échelles subatomiques. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi on prononce souvent « qwantique » et non quantique, sans doute que les physiciens de l’époque avaient un accent que certains physiciens actuels ont trouvé mélodique, un accent italien ou allemand...

Indétermination qwantique.

Quand on travaille à des échelles subatomiques, il se passe des choses qui ne se passent apparemment pas à l’échelle macroscopique. On dissocie la physique classique de la physique quantique puisque les postulats de l’une sont en contradiction avec les postulats de l’autre.

Lorsque les scientifiques ont voulu étudier les particules subatomiques, ils ont cherché à mesurer des choses comme leur vitesse, leur position, leur direction, leur orientation, leur charge électrique, de la même manière que l’on cherche à étudier un phénomène classique (dans le sens de phénomène qu’on étudie à l’échelle macroscopique). Or, des expériences ont révélé que ces mesures s’avéraient plus compliquées à réaliser. Notamment l’expérience dite des fentes de Young et les équations de Heisenberg.

Cette expérience est d’une richesse épistémologique inouïe.

Dans un premier temps, des expériences ont montré qu’une particule de lumière - un photon - se comportait comme une onde. Un phénomène de diffraction avait lieu. Or la diffraction est une transformation que seule quelque chose d’ondulatoire peut subir. La différence entre une onde et une particule est similaire à la différence entre un point et une ligne. Dire qu’une onde est composée de particules est une chose que les physiciens n’arrivent pas à définir. Si une onde est composée de particules, pourquoi une particule isolée se comporte-t-elle comme une onde à elle toute seule?
Ensuite, on a fait des expériences sur l’électron, ( qui est une particule de matière à la différence du photon qui est une particule d'interaction) pour voir si la matière –à travers ses plus petits constituants- se comportait comme une onde, et ce fut le cas.
C’est à ce moment que Heisenberg est venu proposer une explication avec le fameux principe d’indétermination.

Lorsqu’un observateur se présente avec ses appareils de mesure, il semble qu’il influence le comportement de la chose à mesurer. Il semblerait que, non soumis à la mesure, ce comportement soit imprévisible. Ce n’est pas parce qu’on ne mesure pas ce comportement qu’il est imprévisible, il semblerait tout simplement qu’il n’y ait pas de comportement à mesurer en dehors de la mesure. C’est comme si tous les comportements possibles entre mesure avaient lieu, et que la mesure imposait à l’objet mesuré de choisir un comportement au moment de la mesure, sans que ce comportement puisse jamais être prévu avec certitude avant la mesure. On parle de superposition d’états, ou encore d’indétermination. Il ne s’agit pas tant d’incertitude de la mesure mais d’indétermination du comportement de l’objet. Toute la question est alors de savoir ce qu’est cet étrange objet qui reste insaisissable et qui semble surtout ne pas respecter la loi de causalité. En effet, à conditions initiales « identiques », résultats différents. C’est bien là la seule certitude à laquelle on aboutisse, la certitude de l’indétermination.

Le problème épistémologique est là : la présence de l’observateur et son intention de mesurer quelque chose qui l’intéresse lui, semble influencer le comportement de l’objet. Plus encore : ce que l’observateur cherche à mesurer –quelque chose qui a une pertinence à l’échelle classique (vitesse, position…) – a-t-il une « existence » au niveau subatomique ? Personnellement, je me suis amusée à développer le concept d’ « anthropomicrocentrisme », décliné ensuite en concept d’ « anthroposcopisme » et de « macroscopicocentrisme » -pour en compliquer la diction-, pour illustrer la tendance que nous avons parfois à vouloir chercher dans la confusion, dans la nouveauté, dans l’inconnu surtout ( les lois de la nouvelle physique quantique), des traces de familiarité (des concepts issus de la physique classique, par exemple : vitesse, position, causalité, etc, qui sont eux-mêmes grandement issus de notre position dans la réalité et de notre interaction avec celle-ci).

Nous avons d’un côté la question de la dualité onde-corpuscule qui, nous l’avons vu, reflète notre dualité ligne-point. (la ligne est-elle faite de points, mais le point peut-il être autre chose qu’un élément de ligne). Attention, il ne s’agit pas de penser que l’onde est une ligne et qu’un corpuscule est un point, mais il s’agit plutôt de voir une filiation ontologique, essentielle, entre ce qui fait une ligne et ce qui fait une onde d’une part, puis d’autre part, ce qui fait un corpuscule et ce qui fait un point.

D’un autre côté, la physique quantique nous amène à penser que le fait de poser la question :
 « Hey toi, t’es quoi, tu te décides ? Tu es une particule ou tu es une onde… une vraie onde, pas une onde composée de particules sinon on ne s’en sort pas… »
détermine la réponse et que cette réponse ne nous convient pas puisqu’elle s’apparente à un :
« Je ne sais pas ce que je suis. Arrêtez de m’embêter, vous me proposez soit l’onde soit la particule mais d’après vos mesures et vos calculs je suis les deux apparemment, et ça ne vous plaît pas… Proposez-moi autre chose ?!! (si vous en êtes capables)... ».
Et puis une fois que le chercheur a le dos tourné, d’un ton boudeur, la matière ajoute : « Faites votre boulot, c’est vous qui possédez la matière grise, moi je ne suis que ce que je suis et je n’ai qu’à être ».

Ah, elle a bon dos cette matière. Elle se prête à toutes nos expériences mais sa nature reste insondable.
Si la matière reste un mystère, on peut cependant tirer des interprétations de la nature de ce mystère. En voici une :
Nous pouvons considérer que la « connaissance » ne se définit pas comme la sommes de « su » mais davantage comme un processus d’approche de ce que l’on cherche à connaître. La connaissance n’est pas une quantité de savoirs mais une relation entre l’esprit intrigué et ce qui l’intrigue. La connaissance est un état d’esprit disposé au mouvement de réflexion.

L’état et le mouvement, la position statique et la vitesse, autrement dit, le point et la ligne. Au final, il ne s’agit pas de les considérer séparément, c’est impossible, mais en relation, ce qui reste compliqué puisque l’un se définit par rapport à l’autre qui ne peut pas être sans l’un. L’état est le résultat d’un mouvement qui lui-même est constitué d’une succession d’états. Alors plutôt que de persévérer dans une quête de causalité aporétique, il semble qu’il faille procéder par « sublimation », une coupe transversale à vif dans l’abstraction.

Une approche transversale de la causalité nous amène à réfléchir davantage en termes de relation.
La notion de relativité qui en découle est fondamentale. Le principe épistémologique de corrélation y fait écho. De même, la notion de variabilité, très profonde, est liée au caractère dynamique du concept de relation. Une chose absolument fondamentale semble être alors, de tous points de vue, la dimension absolue de la relativité et du mouvement. Peut-être est-ce par là que l’on peut réduire notre aporie générique « ligne-point » : la relativité absolue, la variabilité constante, le mouvement invariant… A suivre.


Pour l’heure, je pense que nous sommes restés perchés suffisamment longtemps et qu’il est temps de redescendre sur notre familier plancher de chêne massif.