Je crois que si l’on arrêtait du
jour au lendemain, en France toute activité industrielle, c'est-à-dire fermeture des usines puis des
entreprises qui font l’administration, le
marketing et la publicité des produits qui en sortent, si on cessait tout cela
sans préavis, je crois que nous ne provoquerions pas de chaos. Pas plus qu'un retour à l'âge de pierre. Mais cela pourrait bien dessiner les contours d'une modernité tout à fait inédite.
Je ne crois pas qu’un tel arrêt industriel
provoquerait la misère, l’anarchie ou qu’il engendrerait une panne générale,
comme on pourrait logiquement le prévoir. Non. Je crois, au contraire que cela
pourrait avoir un effet surprenant. Pas sur le climat (car il faudra des années
avant de pouvoir espérer voir s’infléchir le réchauffement et ses désastreuses
conséquences) mais parmi les citoyens. Je crois que sous certaines conditions,
il pourrait se produire quelque chose d’intéressant.
Plutôt que d’attendre que le ciel
nous tombe franchement sur la tête, - ce qu’il s’échauffe justement à faire ces
temps-ci- plutôt que d’attendre d’avoir non pas le couteau sous la gorge mais
la lame qui s’y enfonce, on pourrait agir très concrètement et très
directement. Pour cela, il faudrait qu’il ne subsiste plus aucun doute quant à
la gravité de la situation. Il faudrait que nous soyons bien conscients que
nous avons déjà le couteau sous la gorge, que l’état de notre planète menace les
conditions de notre propre survie à l’échelle
planétaire. Déjà, cela : prise de conscience majoritaire, si possible avant( !) d’avoir à déplorer des
millions de morts (c’est sans doute ici la partie la plus utopique de mon
discours).
On arrêterait les machines qui
tournent des les usines, toutes les usines, on cesserait de produire, d’entretenir
le système. On cesserait d’appeler à la
consommation. On cesserait de vendre. On ferait une grève du système. Je ne
parle pas de tout arrêter jusqu’à immobiliser de la population, je laisse les
voitures circuler raisonnablement (avec du covoiturage), internet et les médias
restent modérément actifs dans un premier temps, il est probable et même certain
que ces mêmes médias mainstream qui sont toujours à commenter de loin sans
prendre partie, sans manifester la moindre nécessité de convaincre qui que ce
soit de l’importance d’un sujet, il est certain que ces médias ne prendront pas
part au mouvement et le commenteront sans conviction aucune, propageant ainsi
une tiédeur contagieuse pour quiconque resterait le séant coincé devant la
télé. Je me trompe peut-être mais je souhaiterais que les médias se fassent le
relais d’un élan de citoyenneté inédit, ou qu’ils se taisent mais cela aussi,
je n’y crois que timidement. Eteindre la télé et se retrouver dans la rue...
Ce en quoi je crois, pour y
venir, c’est dans le mouvement citoyen qui peut se former après l’arrêt de ces
activités industrielles. A condition qu’on ait conscience que si ces activités
ne cessent pas le plus tôt possible, on subira tôt ou tard un arrêt de force, on
n’aura pas le choix. Donc il vaut mieux choisir maintenant de sauver notre peau
plutôt que de la sacrifier pour un système mortifère dont le glas résonne et se
rapproche. Déjà, ne plus travailler à l’usine ou en entreprise de commercialisation
de biens industriels, sans se soucier de son salaire ou des factures. Faire
passer le climat AVANT. Autre point légèrement utopique mais réaliste si, je me
re re répète, on est conscient de l’urgence et conscient qu’il n’y a pas de
conciliation possible entre respect de l’environnement et société industrielle.
Quel est ce mouvement que je vois
se former ?
Il s’agit d’une forme de
résilience. On voit, depuis les attentats, qu’un peuple est résilient. Il a cela en lui. Il est difficile de prévoir qu’elle
forme cette résilience va prendre mais
on peut prévoir qu’elle va se manifester. Qui aurait pu prévoir que les Belges
enverraient des milliers de chatons sur les réseaux sociaux ( parfois à l’attention
directe des terroristes sans manifester la moindre haine à leur égard ) après
qu’on leur ait demandé de faire silence pendant les opérations de police ?
De même à Paris les gens se mobilisent, se réunissent, manifestent un besoin de
fraternité après que 130 personnes aient été assassinées. Cet exemple est un
petit échantillon de résilience mais je crois qu’il n’est que l’étincelle d’une
force bien plus grande. Cette fraternité est une très grande puissance qu’il
faut solliciter autour de causes justes et urgentes : le dérèglement climatique
qui causera sans doute beaucoup de morts prochainement.
Je crois que le peuple saurait s’organiser
de fait, au moyen de réunions de quartiers, de réunions entre collègues désœuvrés,
pour mettre en place des circuits alternatifs permettant de subvenir aux besoins
de chacun (alimentaires, vestimentaires, de logement, d’information, de
mobilité ). Pendant un certain temps, les gens travailleraient contre services
(une heure de maintenance dans un maison contre un panier de fruit, une heure
de cours aux enfants, un covoiturage, un sac de vêtements, etc… C’est
précisément là que je crois en notre inventivité !). Progressivement, on
commencerait à réfléchir à un nouveau projet de société, autre que celui du
consumérisme fuyant, ou l’accumulation d’argent et de biens matériels. On
remarquerait d’ailleurs assez vite qu’on peut se passer d’argent, que ce n’est
qu’un voile sur les échanges. Se passer d’argent ne veut pas dire se passer de
contrepartie. Au contraire, se passer d’argent implique qu’on réfléchisse à la
nature d’un échange, au sens qu’on donne à ce dernier. Et cela, nous pourrions
enfin l’expérimenter et en tirer des conséquences. Il faut bien comprendre que le peuple est un puissant qui s'ignore. Il est bien plus puissant que la caste politique et que les hommes d'affaires réunis à défendre leurs intérêts financiers. Le peuple ne dépend pas du système, mais c'est bien le système qui dépend de lui. C'est le peuple qui peut tout changer. La souveraineté populaire, théorisée il y si longtemps, n'est pas une illusion. Elle est possible grâce à l'éducation et à une information libre. On le sait, je ne vous apprends rien.
Avant de réfléchir à un projet
commun ou d’en voir un se dessiner, on fermera un peu notre caquet et on
regardera un peu plus attentivement notre environnement ( la nature, la vie qui
se déploie autour de nous) pour voir s’il n’y aurait pas des choses vraiment intéressantes à observer. Je dis cela mais je
ne dis rien. (C’est mon côté naturaliste qui n’engage que moi).
Ce qui est intéressant dans ces
évènements que j’imagine ; ce qui les rend irréalistes et réalisables à
la fois, c’est qu’ils sont d’autant plus inconcevables que nécessaires.
Suite aux attentats, le pays est
en état d’urgence. Il va déroger aux droits de l’homme afin d’assurer la sécurité de la population
(du moins dans le discours démagogique car si on voulait assurer notre sécurité
véritable, on cesserait ces activités industrielles et on ne bombarderait pas l’étranger…).
Il n’est donc pas impossible que nous sortions de la démocratie d’une façon
tout à fait détestable. Là encore, la démocratie dans laquelle on est supposé
être est très hypocrite, mais on risque de basculer dans une forme de
totalitarisme. Ne nous croyons pas à l’abri, ca peut nous arriver. Les
terroristes cherchent probablement à nous y pousser, et on y va un petit peu,
en reniant les libertés et les droits de l’homme… Déjà, on constate que les
questions climatiques sont passées au second plan (voire au dernier plan). La
COP21 est maintenue mais il n’y a pas grand-chose à attendre des politiques et
des lobbies qui vont s’y retrouver. Cette conférence peut cependant être l’occasion
de faire circuler l’information quand à l’état sévère de notre planète, quant
à la nécessité d’agir maintenant et quant
à l’absence de réaction à attendre des milieux politiques et d’affaires. Cette
conférence peut faire grandir la prise de conscience et certains s’y attèlent
avec sérieux. C’est surtout cela que peut permettre la COP21, crier l’urgence à
l’oreille de chacun, pointer la lame du couteau posé sur notre gorge. Ce n’est pas impossible même
si les rassemblements publics ont été interdits. Les médias ont un rôle très
important à jouer ces prochains jours (s’ils veulent se racheter une
crédibilité, pour certains…)
Cela peut paraître un peu fou
mais je pense que c’est en se préoccupant de ce qu’on a dans notre assiette qu’on
peut lutter contre le terrorisme. Des aliments dont on se soucie de la
provenance et de leur mode de production. C’est par là que la prise de
conscience peut commencer et se poursuivre à travers l’explication du lien
entre industrie, matérialisme rationnel, pollution, qui entraine maladies et
dépression chez l’homme, réchauffement du
climat, destruction des éco-systèmes et extinction des espèces.
En agissant pour le climat et la
santé, on peut, par ricochet, par extension, saper les bases du terrorisme (ce qui
ne sera pas immédiat non plus.) Et la meilleure façon d’agir pour le climat, c’est
de cesser toute activité industrielle (dont l’agriculture industrielle, cela va de soi). Tout
est lié.
Question sécurité de la population,
je crois que là encore il faut compter sur la résilience. Je crois qu’un ordre
public peut s’organiser à condition que l’élan de fraternité qu’on à vu poindre
devienne consistant, ce qu’il peut faire en se cristallisant sur l’enjeu
climatique, et donc sur la survie de l’espèce. Je ne sais pas quelle forme cet
ordre public pourrait prendre, (j'en ai une petite idée confédérale) mais je le souhaite pacifiste et grandement basé
sur la responsabilité de chacun à respecter l’autre. Une forme de solidarité de
terrain révélerait qu’on peut tous se serrer les coudes quand l’enjeu est de
taille.
Je crois que ce serait à travers
une révolution tout à fait inédite
que la France, l’esprit français plus précisément, pourrait être à la hauteur
de son histoire révolutionnaire et de sa légende luminifère, esprit pionnier
des droits de l’Homme, de la tolérance, de l’accueil et de la fraternité. Elle est
en nous, j’en suis certaine, cette capacité à nous soulever contre un ordre
établi à l’apparence immuable, cette capacité à nous organiser. On est suffisamment
débrouillards et résilients pour réagir. (C’est mon côté humaniste qui n’engage
que moi là encore.)
Je crois qu’il ne faut par contre
surtout pas se tourner vers la géoingénierie climatique et les tendances
technicistes qui veulent s’appliquer à l’environnement. Cela aggraverait les
choses. La technique devra humblement se tourner vers la conception de pratiques
et d’outils nous permettant d’organiser un vivre-ensemble qu’on accompagnera
dans l’humble forme qu’il prendra. Je crois, encore une fois, que cela ne nous
ferait pas de mal de fermer notre caquet quant à l’exploitation de notre milieu
naturel qui n’est pas un décor à notre service. Je crois que ça ne nous ferait
pas de mal de rester discrets à son égard, comme se tiendrait un enfant puni
après avoir cassé son jouet. Là, nous avons cassé notre planète. Je pense qu’on
devrait se faire un peu discret et observer son rétablissement. Il n’est d’ailleurs
absolument pas certain que nous puissions sauver notre place en son sain. La
Terre peut tout à fait se rétablir d’une façon qui ne nous arrange pas, si vous
voyez ce que je veux dire… Je crois que pour commencer, il faut déjà qu’on
arrête de la casser. Arrêter toute activité industrielle. Peut-être ensuite, inspirer
d’autres pays à faire de même, à trouver leur propre adaptation, mais c’est une
autre histoire. Soyons d’abord le changement que nous souhaitons voir advenir,
même s’il n’est pas clairement défini. Laissons-lui une chance de se réaliser
et soyons optimistes sur les possibilités qu’il y a à le voir bien se passer…
Aussi, je mise que toutes les questions, tous les défis qui se poseront à nous, par exemple pour produire autrement et développer de nouvelles sources d'énergie, trouver une forme d'urbanité au sein des grandes villes, trouveront une réponse. Les idées sont déjà en germe et parfois même en pratique dès à présent autour de nous.
Je pourrais développer sur 50
pages les raisons pour lesquelles je crois non seulement qu’il faut cesser
toute activité industrielle (on est nombreux à le penser mais peu à le crier),
mais aussi les raisons pour lesquelles je crois que nous serions capables de
rapidement nous organiser sans chapeautage gouvernemental national (c'est-à-dire
sans attendre que l’impulsion vienne d’en haut et nous impose quoi faire), mais
par nous-mêmes, citoyens, à l’échelle du département ou de la région, d’après une
expérience de terrain, très concrète et de proximité, et enfin les raisons pour
lesquelles je crois que nous verrons se dessiner les contours d’un nouvel ordre
socio-écopolitique sans verser de sang. Il est vraiment possible que cela se
passe sans trop de mal. Pour cela il est important d’y croire et d’être
convaincu que c’est la meilleure chose à faire, pour soi, pour ses enfants,
pour la planète et pour le monde. La cause est là, le dérèglement climatique
menace notre survie. Ce dérèglement est la conséquence de notre mode de vie
industrialo-capitaliste.
Je ferais ces 50 pages si on me
les réclame. De toute façon, c’est parce que l’action semble surréaliste et
terrifiante qu’elle peut d’autant plus se passer de manière surprenante.
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