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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

lundi 8 décembre 2014

Erratome



Les principes de la physique quantique sont bien mystérieux et nous avons du mal à en mesurer la portée. « Superposition, intrication, non-localité, indétermination » sont autant de phénomènes qui invitent à s'interroger sur la nature de la matière. Plus récemment, la mise en évidence du Boson de Higgs au sein du LHC à Genève relance cette interrogation. On peut dire, pour introduire le sujet de cet article, que la physique quantique nous amène à penser la matière de manière moins matérialiste que nous ne sommes capables de le faire, armés de nos concepts traditionnels hérités d'un autre âge.


Par exemple, les particules élémentaires – telles que les quarks ou les bosons – ne peuvent pas être considérées comme des corpuscules, c'est-à-dire des petits grains de matière, alors même que le mot « particule » impose à notre pensée une image de petite bille bien circonscrite. Or si une particule possède en effet des propriétés corpusculaires, celles-ci cohabitent avec des propriétés ondulatoires, mais on ne peut pas dire pour autant qu'une particule soit corpusculaire ou ondulatoire sous certaines conditions. Une particule est l'un, l'autre, l'un et l'autre et autre chose que l'un et l'autre à la fois... C'est ce que l'on appelle la dualité onde-corpuscule sans que l'on puisse clairement saisir cette dualité.


Vous voyez que l'on touche à quelque chose qui se dérobe à notre entendement. Alors c'est peut-être notre entendement qu'il faudrait interroger ?


J'écoutais l'autre jour le philosophe hélleniste Heinz Wismann parler de l' « atome » chez Démocrite et ce que j'ai entendu mérite d'être creusé. Présenté puis creusé. (Voir références en fin d'article).
On a tous entendu parler d'Aristote et de Platon, disciple de Socrate, philosophes de l'antiquité grecque ( dans les environs de -400, -300 avant JC). A la même époque, au bord de la mer Noire, au nord d'Athènes, vivaient d'autres philosophes parmi lesquels un certain Démocrite, disciple de Leucippe.
De la pensée de Démocrite, il nous est parvenu peu de choses. Quelques « Fragments » qui sont passés entre les mains d'Aristote, curieux des idées que ces hommes du nord énonçaient.
Parmi ces idées, il y avait celle de l' « atome » qui s'inscrit dans une réflexion plus large sur la matière - la nature du réel - et sur le vide.


Heinz Wismann a travaillé sur certains Fragments de Démocrite - non retouchés par Aristote - et nous en livre une traduction très surprenante :
« Pour Démocrite, le vide est plein d'atomes » qui ne sont pas des corpuscules. Démocrite « soutient que le vide se propage sous la forme de trajectoires d'énergie que sont les atomes ». Pour Démocrite, l'atome n'est pas un corps, mais une « idée de l'indivisibilité posée comme problème ». Comment peut-on représenter l'indivisibilité ? « Dans le Grand vide, en expansion continue, se forment des trajectoires d’énergie bi-dimensionnelles que l'on peut comparer au tracé de l'écriture » et Démocrite distingue ce « Grand vide » en expansion continue du « Petit vide » circonscrit par l'existence des corps . « Les atomes sont comme des filaments qui se propagent avec un certain rythme dans le grand vide. » Ou encore : « Pour Démocrite, les atomes sont l'autre face du vide. Ils sont des concrétions du vide, de son énergie en expansion absolue ».
Voilà qui dénote singulièrement de la représentation que l'on se fait de l'atome. Ce n'était pas un corpuscule chez Démocrite ? Allons bon. Alors pourquoi avons-nous considéré Démocrite, père fondateur de l'atomisme, comme père fondateur de l'atome corpusculaire ?

La découverte du Boson de Higgs en particulier, et la physique quantique en général, nous invite à concevoir une matière dont l'essence s'appréhenderait davantage en terme de « champs », en terme de « mouvement », de dynamisme et d'interaction ; des termes qui semblent trouver une résonance lointaine, très lointaine, dans les idées de Démocrite, lui donnant en retour une actualité. Démocrite « l'idéaliste » et non le « matérialiste ».


Alors, pour commencer, qu'entendons-nous, traditionnellement, par « atome » ?


Nous avons appris que pour les Grecs de l'antiquité, - tous trop hâtivement jetés dans un même sac - un atome ( a-toma = insécable) est une petite partie de matière que l'on ne peut pas subdiviser en plus petites parties indivisibles. Un atome peut être envisagé comme une particule élémentaire, c'est-à-dire constituée d'un seul élément. Un grain de matière indivisible. Un corpuscule.


En 1905, Einstein entérine la découverte du physicien Jean Perrin : il existe une toute petite particule qui pourrait bien être insécable, un « atome ». La tradition étant massive (pour ne pas dire pesante) et l'inertie de la pensée étant ce qu'elle est, on a assimilé la découverte de Jean Perrin à l'idée toute théorique qu'on se faisait de l'atome jusque là.


Assez rapidement, on a découvert que notre atome expérimental n'était pas insécable. Il est composé de plus petites particules et d'un noyau lui-même composé de plus petites particules.


On a atomisé l'atome, si bien que ce que l'on appelle atome aujourd'hui n'a plus rien d'atomique au sens propre (insécable).


Cependant, l'interrogation sur l'insécabilité théorique de la matière – c'est-à-dire sur l'existence d'un quanta de matière, une « particule irréductible »- ne s'arrête pas là.


Penser qu'une quantité de matière puisse être subdivisée à l'infini est compliqué. On imagine plus facilement un « infiniment petit fini », soit, un « quanta » irréductible et indivisible, tendant vers une « unité », qu'un infiniment petit qui se sublimerait dans un néant impossible. La notion d'indivisibilité est inséparable de la notion de néant.


Ce sont les mathématiques qui ouvrent la voie d'un « infiniment petit infini » grâce au calcul infinitésimal que Leibniz et Newton ont élaboré (chacun de leur côté). Mais il s'agit là d'un infiniment petit qui se dérobe à l'expérience tant pratique qu'intellectuelle, quasi métamathématique... un néant plein de vide.


Quand on s'interroge sur l'insécabilité de la matière, on pose la question de la « dénombrabilité », on touche à l'enfer de Cantor (« Existe-il des infinis plus grands que d'autres ? »), et on met aussi, joyeusement, les pieds en plein dans la question aporétique du « discret » et du « continu » ( sur laquelle j'ai déjà rédigé au moins cinq articles qui ne font que reposer la question...) Jusqu'où pouvons-nous découper le réel ? L'infiniment petit se dilue-t-il dans une continuité infinie ?  Ces questions sont-elles seulement « bien posées », « efficaces » ? N'émanent – elles pas d'une vision du monde pré-conçue ?


D'après Heinz Wismann, Aristote a falsifié sciemment les travaux de Démocrite. Ce sont les travaux de Démocrite revisités par Aristote qui ont fait autorité et qui ont traversé les siècle pour nous parvenir déformés au 20ème siècle.


Démocrite emploie le terme « atomos », de genre féminin, qui se rapporte à « idea », qui veut dire « idée », mais Aristote l'a volontairement traduit par « atoma », de genre neutre, qui se rapporte au « corps ». Aristote n'était pas d'accord avec les idées des philosophes du bord de la mer Noire. Il les a présenté comme étant des « idiots qui pensaient que l'on pouvaient arrêter la division spatiale des choses », ce qu'ils n'étaient pas. Plus encore, Aristote a changé le mot « rythme » de Démocrite et l'a remplacé par le mot « forme », ôtant ainsi tout dynamisme à l'idée atomiste initiale. D'un mouvement de pensée, d'une trajectoire d’énergie, Aristote en fait un corps matériel inerte qu'il dénigre.
Et c'est ce corps matériel, figé, séparé, stoppé, qui nous est parvenu.


Si l'on en croît l'herméneutique de Wismann ( un mot compliqué pour dire « l'interprétation » que Wismann fait de la lettre démocritienne), chez Démocrite, l'atome est intrinsèquement une idée, un concept et non un corps. L'atome c'est « l'idée de l'indivisibilité », c'est le mouvement de la pensée dans l'indivisibilité, c'est une trajectoire dans le vide, un filament dans un champ d'énergie. Ce n'est pas un grain.
Et si la pensée de Démocrite nous était parvenue sans avoir subi de détour aristotélicien ? Pouvez-vous l'imaginer ? Toute la culture judéo-chrétienne qui nous façonne est basée en grande partie sur la pensée d'Aristote. Le cartésianisme, le matérialisme historique marxiste, la rationalisme, et plus généralement le cadre dans lequel nous pensons notre condition humaine et notre rapport au réel, sont issus d'une vision principalement aristotélicienne.


Heureusement, la pensée sur la matière ne se limite pas aux considérations matérialistes.
Ce qui suit est un peu plus ardu à suivre mais je vais faire mon possible pour être claire.


Nous avons hérité de la pensée aristotélicienne l'idée que « la matière se laisse découper ». (a)
Nous avons hérité d'une « conception de la matière ». (b)
Nous avons hérité d'une « conception matérialiste du réel » ("le réel est la matière" - à chacun de définir ce qu'il entend par matière).(c)


Vous remarquerez qu'entre la phrase (c) et la phrase (a), il y a un dézoomage de notre point de vue sur le réel. On recule, on gagne en degrés d'abstraction. Nous étions jusque là, dans ce qui a été dit précédemment, dans les degrés (a) et (b), et maintenant nous allons nous attarder au niveau (c).


L'atome « traditionnel » que nous avons appris à connaître s'inscrit dans cette conception matérialiste du réel héritée en grande partie d'Aristote. Il est le philosophe fondateur d'un premier « matérialisme ». Le réel est là, autour de nous et nous pouvons le connaître grâce à notre capacité de raisonnement. ( Aristote était un éminent logicien). « Le réel est là » est une phrase qui résume à elle seule toute une cosmologie : « le réel est » est une ontologie, c'est à dire une réflexion sur l' « être ». Le réel est la matière et la matière est intellectuellement préhensible. Pour Aristote, « on ne peut pas aller au-delà de ce qui est présent dans le réel. Le cosmos est la totalité du réel présente à elle-même, sans faille, ni trous, ni ailleurs » (H. Wismann). Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l'homme évolue dans un monde qui est tout autour de lui, et que ce monde, l'homme peut le toucher avec ses mains dans ce qu'il a de visible, et avec son esprit – sa raison – dans ce qu'il a d'invisible ( de trop petit pour être visible), et qu'il peut le connaître dans la totalité de son être. La philosophie d'Aristote est un « discours sur ce qui est ». D'après lui, « on ne peut pas dire que ce qui est repose sur ce qui n'est pas ». On peut parler de matérialisme ontologique aristotélicien .


Heinz Wismann, suspendu au pied de la lettre démocritienne, en quête d'intégrité intellectuelle, cite un passage tiré d'un Fragment : « Ce qui est n'est pas plus que ce qui n'est pas ». Cette phrase est loin d'être anodine, malgré son apparence. Elle déconstruit fondamentalement toute l'ontologie aristotélicienne. Elle veut dire que le réel peut ne pas être, et que le réel est autant qu'il n'est pas.
Cette phrase veut dire que le réel ne nous est pas fondamentalement accessible, à nous, hommes de pensée. Qu'il nous échappe dans une mesure incommensurable et nous ne pourrons jamais en saisir la totalité.
« Le réel nous échappe de manière asymptotique », précise Heinz Wismann en se référant à Kant.
Notre connaissance avance mais ce faisant elle repousse les limites de notre ignorance, cette dernière demeurant infinie - un infini moins grand qu'il ne l'était avant que nous ne connaissions davantage...


La physique quantique nous amène à envisager le réel comme n'étant pas ce qu'il est. Elle nous pousse à repenser le matérialisme qui structure fondamentalement notre rapport au réel. Elle s'acoquine avec une certaine lecture phénoménologique, une lecture dynamique d'un réel en mouvement, récalcitrant au cadre et à la mesure. Enfin, elle invite à une refondation de notre approche des choses, et par là, à réinventer notre condition humaine.
On peut certainement dire que la découverte du Boson de Higgs est extraordinaire par ce qu'elle nous apprend sur la matière, parce qu'elle valide la puissance conceptuelle de la physique quantique, mais elle est encore plus extraordinaire dans le lien qu'elle tisse avec l'histoire de la pensée sur la matière. Cette découverte réhabilite, de manière inattendue, la pensée atomiste première de Démocrite et rend à cet homme un hommage bienvenu. Il se peut qu'une relecture des Fragments laissés par Démocrite vienne à son tour éclairer la nature du réel que la physique quantique interroge. Un échange de bon procédé sur un pont de 2 300 ans.


Voyez-vous, en découvrant la pensée de Démocrite à travers les propos de Heinz Wismann, j'ai été touchée par le fait qu'un homme ayant vécu près de 2 300 ans avant nous ait pu avoir une telle intuition. Cela nous montre que partout, de tout temps, nous sommes semblables. Notre position dans le monde a peu évolué et la nature qui nous entoure souffle le même vent de mystère aujourd'hui, ici et maintenant, qu'à l'époque, il y a plus de 2000 ans, sur les bords de la mère Noire. Malgré tous nos progrès, nous n'en savons pas beaucoup plus et l'aventure de la pensée a de beaux jours devant elle.


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"Les avatars du vide: Démocrite et les fondements de l'atomisme", Heinz Wismann, éd. Hermann, 2010


"Penser entre les langues" Heinz Wismann, éd. Fammarion, 2014


A venir : "L'ultime atome: de Démocrite au Boson de Higgs et au-delà" Etienne Klein, Heinz Wismann, éd. Albin Michel, 2015


Emission "La conversation scientifique", sur laquelle s'appuie cet article: "physique et philosophie: quels liens".

Les Compagnons de l'Aube

Hommage à Henri Fertet, alias Emile 702, résistant pendant la seconde guerre mondiale et mort fusillé à l'âge de 16 ans le 26 septembre 1943. Il a été reconnu à titre posthume par le Général de Gaulle comme faisant partie de cette fraternité discrête appelée l'Ordre de la Libération. Peu de temps avant de mourir, peut-être quelques dizaines de minutes à peine, le jeune Henri écrit une lettre à ses parents dans laquelle il parle de courage face à la mort, de l'espoir qu'il entretient envers la cause résistante, de la nécessité de continuer le combat, de continuer à vivre. Dans cette dernière lettre, le jeune homme déclare à ses parents un amour filial d'une éclatante pureté, montrant qu' une réalité tragique ( quoi de plus tragique que la guerre et de plus réel que la mort ? ) débarrasse souvent et précocement un cœur jeune des atermoiements de son insouciance, pour lui révéler une vérité sans âge.


Retrouvez la lecture de cette lettre dans cette brève émission de France Culture : "La vie moderne" et dans l'ouvrage « Les Compagnons de l'Aube – Archives inédites des Compagnons de la Libération. »  de Guillaume Piketty et Vladimir Trouplin.



mardi 2 décembre 2014

Le vide avunculaire


Dernièrement, je suis tombée sur un mot totalement inconnu à mon répertoire. Jamais de ma vie je ne l'avais vu jusqu'à ce qu'il apparaisse, hier, au détour d'une phrase anodine, dans une nouvelle d'Asimov.
Prise dans le flot des mots, d'un coup je m'arrêtai net sur celui-ci, comme si je venais de me cogner contre un arbre sorti de nulle part.

La phrase que je lisais, la voici :

«  J'admets que j'ai une certaine faiblesse pour les femmes jeunes et douces, d'une beauté hors du commun – mais d'une manière digne et avunculaire- et je me dis qu'après tout, je pouvais lui rendre service sans lui parler d'Azazel. »

( I. Asimov «  Un sourire qui coûte cher », 1982)

« Avunculaire ? », « a-vin-cu-laire ? », « a-vun-cu-laire ? », « a-van-cou-laire ? »..., me demandai-je, dérangée dans ma lecture et un peu étourdie. « Mais qu'est-ce que c'est que ce truc... ». Restant à distance pour jauger la chose qui venait de me frapper au coin de la figure, je regardais les lettres du mot en y cherchant un indice étymologique quelconque. Je n'en vis aucun. Mon latin rudimentaire n'était d'aucun secours.
La chose semblant inerte, elle-même peut-être également étourdie par la collision, je m'en suis approchée pour la saisir à deux mains et la retourner dans tous les sens.


D'après le contexte de la phrase d'où sortait le drôle de mot, je bricolais un sens :

« une manière digne, affable et bienveillante » :

un « a » privatif ;
un « vunculaire » - que je décidai de prononcer « vainculaire » - qui aurait un sens péjoratif, dans la veine d'un « vaindicatif » ;
et les deux – le « a » et le « vainculaire » - signifiant logiquement quelque chose de positif - « affable et bienveillant » - puisque le « a » privatif privait le terme péjoratif de son côté péjoratif...

Me contentant de ce bricolage, je mis le mot dans ma poche et poursuivis ma lecture. Le lendemain arriverait suffisamment vite pour que je le « googelise » et en trouve le sens véritable.

Bien. Maintenant, je l'ai, le sens officiel de ce mot. Comme je suis un peu joueuse, je ne vais pas vous le verser tout cuit dans le bec. Non, je vais tenter de vous le présenter à ma manière.

Le sens est caché dans ce petit texte que je me suis empressée de rédiger ce matin, emportée par l'enthousiasme de la connaissance nouvelle et de l'étonnant à-propos de cette rencontre sémantique ( en effet, depuis quelques jours, il se trouve que je réside dans une maison avunculaire) :

« Le vide a vaincu l'air.

Oncle Patrick aimait voler. Dans les airs, s'entend. Pas à l'étalage.

A l'âge de 14 ans, sacré plus jeune bachelier de son année, il passait son brevet de pilotage.

Devenu mathématicien et bidouilleur de milles choses, pendant plus de 50 ans, Oncle Patrick a vaincu l'air.

Sa passion pour le vol-à-voile aura toutefois eu raison de lui.

Cette passion avunculaire aura laissé place à un grand vide.

Un vide avunculaire. »

Je brouille volontairement un peu les pistes sinon ce serait trop facile. Le mot « avunculaire » n'a de fait rien à voir avec le vol ou l'air, et tout à voir avec l'oncle.
Du latin « avunculus : oncle maternel », signifiant assez largement «  qui est relatif à un oncle ou une tante », il se prononce d'une manière qui me chagrine un tantinet : « avONculaire ».
Je préférerais qu'on le prononce « avAINculaire », étant donné l'écho que ce drôle d'adjectif me fait entendre avec le mot "vaincu".
Un oncle qui a passé son temps dans les airs, chevauchant le vide sans vergogne et disparu trop tôt des suites de sa passion, laissant, à sa place, un vide incommensurable, trop plein d'air et terre-iffiant, donne à mon « avunculaire » une texture étonnement pleine.

Finalement, c'est l'oncle qui remplit une chose avunculaire. Mieux, c'est le rapport entre l'oncle et la nièce (ou le neveu, ou la tante), qui donne sens à cet adjectif. Le mot, pris tout seul, ne veut pas dire grand chose. Il est comme une coquille vide. Et chez moi, « avONculaire » ne permet pas de rendre compte de tout ce que le terme recouvre. Bien au contraire :  avONculaire renvoit à "oncologie", ou encore à "furoncle", et cela ne me plaît pas. Alors je me dis que je peux bien décider, d'un commun accord avec moi-même, de prononcer le mot « avAINculaire ». Les autorités peuvent bien m'accorder une dérogation, n'est-ce pas ? Regardez : dans « commun », « un » se prononce « in ». Pronocé de la sorte, le mot "avunculaire" prend tout son sens à mes oreilles. Un sens avunculaire, tout spécifique à la mémoire de mon oncle, affable et bienveillant.