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mercredi 23 janvier 2013

Pepe Mujica

Article du 23 janvier 2013

Voici un article sur Pepe Mujica, le président de la simplicité qui défraye, malgré lui, les chroniques du monde occidental.



Jose "Pepe" Mujica, président de la République Orientale de l’Uruguay.

Avez-vous entendu parler de ce président? Affublé de l’épithète « normal », la presse tend à ériger ce président en exemple de ce que François Hollande prétendait incarner : la normalité présidentielle.  On est surpris, par chez nous, de constater que la normalité présidentielle peut être davantage qu’un effet de style démagogique.
Alors qu’entendons-nous sur Pepe.
Depuis que le Courrier international lui a consacré sa Une du mois de novembre 2012, les médias se jettent sur le sujet et reprennent en boucle les mêmes éléments : principalement le passé de Pepe, les mesures prises sous le gouvernement de gauche et enfin, son style « décomplexé » aimerions-nous dire.
Voici quelques liens pour découvrir le personnage et ce qui s’en dit :

Pepe Tupamaro.

Dans les années 60, José Mujica est un des dirigeants des tupamaros, aux côtés d’autres dissidents du parti socialiste, du parti Nacional, d’indépendants ou de syndicalistes. La direction du mouvement est collégiale, ce qui est déjà très rare pour ce genre de mouvements révolutionnaires. Les Tupamaros s’engagent en premier lieu dans la défense des petits paysans. Le nom Tupamaros vient de Tupac Amaru, chef indo-américain qui conduisit une des principales révoltes contre les Espagnols en 1780 dans l’actuel Pérou.
Pour faire court, les Tupamaros défendent l’action plus que les paroles («les paroles divisent et l’action unit ») et leur projet initial, quoique le définir théoriquement ne fût pas une priorité, tournait autour d’une critique de la révolution du prolétariat russe, « soutenant davantage une démocratie populaire pluripartite et une forme d’autogestion ouvrière » pour reprendre les termes de l’article wikipedia sur les Tupamaros[i].
A l’époque, dans les années 60, le paysage politique compte deux partis traditionnels : le parti Blanco (national) et le parti Colorado ; oscillant entre conservatisme et libéralisme. De notre point de vue on considérerait ces deux partis comme étant de droite mais le clivage droite/gauche que l’on entend ne correspond pas nécessairement aux échelles de valeurs idéologiques latino-américaines. Toujours est-il que le pays est pauvre et que les libertés sont bafouées. Inspiré par la révolution cubaine de 1959, les Tupamaros défendent le petit peuple.
 En 1973, les militaires prennent le pouvoir par un coup d’état. Les dirigeants Tupamaros sont en majorité arrêtés par les forces armées. On les considère comme les « otages de la dictature », soumis à l’isolement et aux tortures quotidiennes. La dictature prend fin en 1985.
A la fin des années 80, les Tupamaros se sont intégrés au paysage politique uruguayen.  Ils ont politisé leur action. Tous les mouvements de gauche rassemblés sous une même étiquette, le Frente Amplio (le front large) depuis 1971, accueillent en 1989 le Mouvement de Participation Populaire (le mouvement Tupamaros politisé).
Pepe a donc été membre de ce mouvement guérillero et emprisonné sous la dictature. Il passa 9 années en isolement total. Libéré en 85, il poursuit son engagement au sein du mouvement politisé.
Déterminés à faire changer les choses dans le petit pays qu’est l’Uruguay, les courants de gauche se sont unis, si bien qu’en un peu plus de 10 années, le Frente Amplio est arrivé au pouvoir. Pepe Mujica est le second président élu issu de ce parti.

L’exemple de Pepe

Pepe est le surnom régulier pour tous les José en « Hispanie », comme par exemple Pancha l’est pour Francesca et ainsi de suite pour beaucoup de prénoms.
Au-delà des mesures politiques mises en place sous le gouvernement du front large (droit à l’adoption pour les couples homo, avortement, légalisation des drogues douces) que les médias français soulignent, c’est la personnalité de Pepe qui suscite la curiosité.
Ce monsieur de 77 ans à la figure débonnaire, un bon papi ventru et joufflu, ne mâche pas ses mots. Il refuse d’emménager dans la demeure présidentielle, reverse 90% de son salaire aux œuvres caritatives, vit dans une petite ferme avec sa femme et fait pousser des fleurs. Son seul bien matériel consiste en une vieille et jolie coccinelle bleue. On lit dans les journaux de ce côté de l’Atlantique que Pepe Mujica est un président pauvre, et de citer ses propres dires : « le pauvre, c’est celui qui a besoin de beaucoup ». « Il faut travailler moins pour consommer moins », « Je ne suis pas pauvre, je suis libre »… On insiste sur son refus du port de la cravate et sur sa décomplexion protocolaire.
Ce qui m’étonne, c’est que l’on idéalise ce monsieur. Bien sur, son exemple réchauffe le cœur, on aimerait bien voir chez nous un homme capable de ce genre d’abnégation, d’engagement, de fidélité entre ses dires et sa pratique.  Il y en a plein mais ces hommes là ne sont pas président de la république.
Ca nous change aussi des dépenses somptuaires et scandaleuses que les hommes politiques d’içi et d'ailleurs ont pour habitude de faire une fois au pouvoir.
L’Uruguay est un petit pays de 3 millions d’habitants mais ce n’est pas cela qui explique l’accession de la normalité au pouvoir. C’est davantage le poids des institutions chez nous qui empêche ce genre de phénomènes.
Dans les pays qui sont à l’origine théorique des formes institutionnelles du pouvoir (séparation des pouvoirs législatif, executif et judiciaire, bicamérisme, citoyenneté, codification, constitutionnalisation, etc), les institutions en question se sont ampoulées, se sont systématisées, si bien que les institutions prennent le pas sur les hommes qui les incarnent. Une volonté personnelle pèse peu face au poids psychologique des coutumes. Ce n’est pas le cas ailleurs. Souvent, cette absence de mythification des institutions induit-elle des formes de corruption. Par exemple, en Amérique latine, la séparation des pouvoirs est souvent joliment marquée sur le papier mais nullement respectée dans la pratique. Aussi les hommes politiques sont-ils issus des milieux d’affaires et les lobbies consuméristes dirigent-ils en sous-main la politique du pays au nom d’intérêts pétroliers ou « estadounidenses » (etats-uniens). Mais là nous avons, et c’est effectivement rare pour nous, un exemple différent.
Quand la pratique l’emporte sur la théorie, sur la forme, sur le protocole.
Quand une philosophie humaniste de la simplicité l’emporte sur les milliards d’intérêts contradictoires.
Ca nous demanderait un gros effort de notre côté de l’océan pour dépasser les fausses excuses qui nous retiennent dans notre confortable modèle de société, mais ce n’est pas impossible. On voit d’ailleurs souvent les pays que l’on jugeait émergents nous donner des exemples en matière d’écologie et de développement durable. Ce n’est, à mon humble avis, que le début.

Libertad

Ce qui nous touche chez Pepe, c’est la forme de sagesse qu’il incarne. Sa philosophie pratique de la liberté. Nous concevons ce qu’il définit comme sa liberté comme étant le résultat d’une « renonciation ». Or ça n’en est pas une car on ne renonce pas à ce qu’on ne désire pas. Nous concevons ce qu'il définit comme sa liberté comme étant le résultat d’une forme d’austérité mais ça n’en est pas non plus, car il a tout ce dont il a besoin (sa compagne, un toit sur la tête, un chien, une occupation honorable (les fleurs), et un engagement pour l’esprit (la défense de ses idées). Tout le travail que nous ne voulons pas faire consiste à apprendre à ne plus désirer toutes les autres choses, ces choses matérielles qui nous rassurent parce qu'elles nous possèdent et nous limitent.
Le plus étonnant à nos yeux, je pense, c’est que cet homme est apparemment vacciné contre la « maladie du pouvoir ». Oui, car qui, motivé par les plus belles idées, une fois les clés du coffre-fort en main, - gagnant du loto, président- conserve son idée première ? Qui ne succombe pas à l’effet grisant que procure la détention d’un pouvoir ? Il faut apparemment avoir traversé les plus dures épreuves de la vie, médité longtemps, pour percevoir le sens de la vie autrement que comme un profit égoïste.




Il faudrait creuser davantage pour connaître la réalité économique du pays. J’ai noté cependant que l’éducation était une priorité (ce qui est une bonne chose car l’éducation est fondamentale).
Autre petite question : concernant la citoyenneté. La citoyenneté peut être perdue pour toute personne jugée inapte physiquement et mentalement. La citoyenneté étant composée du devoir de vote (obligatoire) et de son pendant en droit. Il faut creuser la question du traitement politique et social des « décitoyennisés », en gardant bien à l’esprit que « citoyenneté » chez nous ne recouvre pas forcément la même réalité que « citoyenneté » là-bas.


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