Ce qui nous attire chez une personne, inconsciemment, c'est son rapport au monde et son rapport à elle-même, quand ce rapport nous renvoie une image admirable et quelque part, familière, improbable, ou inattendue.......
Nouvel article sur l'attirance ! On est d'accord?... Pas d'accord?....
Bonne lecture :)
Attraction du genre
Il y a peu de temps, je découvrais le concept de
sapiosexualité. Ce terme définit un type d’attirance entre personnes comme on
peut le voir ci-dessous :
A partir de là, plusieurs questions se posent :
Qu’est-ce que l’attirance, qu’est-ce que l’intelligence, et
qu’est ce que la sapiosexualité nous apprend sur les autres formes de sexualité
(homo, hétéro, bi, principalement). Ce n’est pas tant la sexualité pratique qui
nous intéresse ici, mais plutôt ce qui la précède.
Hétéro,
homo, bi et les mots pour le dire
Ces trois termes, hétérosexualité, homosexualité et
bisexualité, permettent de faire le tour des possibilités d’association entre
les deux genres qui nous caractérisent, masculin et féminin. L’hétérosexualité
correspond à une attirance entre deux personnes de sexe différent,
l’homosexualité, entre deux personnes du même sexe, et la bisexualité définit
une personne susceptible d’être attirée par l’un ou l’autre sexe. Ces trois
termes sont bien pratiques et les choses sont ainsi clairement posées. A chacun
de cocher la case qui lui correspond et le débat est clos. Ce n’est pourtant
pas aussi simple qu’on le voudrait, la réalité est souvent bien plus compliquée.
Petite remarque liminaire : d’un côté nous pouvons
considérer l’hétérosexualité, l’homosexualité et la bisexualité comme des phénomènes
liés aux rapports interpersonnels (entre
deux personnes) et d’un autre côté la transsexualité
qui a beaucoup plus à voir avec la question de l’acceptation individuelle de son propre genre. C’est pourquoi
cette dernière ne fait pas partie de cette réflexion.
Emotions et sentiments
Tout d’abord, il faut admettre que si les mots sont bien
pratiques dans leur usage quotidien, ils enferment plus qu’ils ne décrivent une
réalité souvent diffuse. N’importe quel mot du langage – le signifiant- renvoie à un concept –le signifié- sur lequel on s’entend plus ou
moins par convention, par processus culturel. L’ensemble des mots et de la
structure d’un langage correspond à une vision du monde partagée par la
communauté bercée par ce langage.
Lorsque les mots sont attachés aux objets qui nous
entourent, on peut arriver à se comprendre. Par exemple, lorsque l’on suit une
recette de cuisine, il n’y a généralement pas matière à tergiverser sur le sens
(intrinsèque) des ingrédients. Œufs, citron, vanille, filet de dinde : peu
de place pour les questions d’interprétation…
Mais lorsque les mots visent à caractériser la matière
humaine –les émotions, les sentiments, le psychisme- ils sont porteurs
d’ambigüité et causes de troubles. Par exemple, le mot amour recouvre de
nombreuses dispositions du cœur : l’amour
d’un père pour son enfant, l’amour d’une personne pour une autre, l’amour
fraternel, l’amour esthétique, l’amour comme enthousiasme pour une cause ou une
activité, l’amour comme amitié, l’amour comme admiration, l’amour comme désir, etc…
Attribuer un mot à une partie de la réalité revient à
intellectualiser une partie de cette réalité, à la conceptualiser. Or il est
probable qu’une grande partie de ce qui relève de l’humain, du ressenti, ne
soit pas intellectualisable…
Il est ainsi probable qu’une émotion (ou un sentiment)
portant un nom, une étiquette, soit ressentie plusieurs fois sans jamais être
foncièrement la même. On peut considérer qu’une émotion est une forme d’interaction entre le sujet qui ressent
d’une part, et d’autre part, l’objet ou la personne qui suscite cette émotion à un moment donné. Une émotion serait
une interaction circonstanciée. Quant au sentiment, qui est par définition durable, on peut dire qu’il est façonné
par plusieurs émotions, plus fugaces,
qui ont creusé le lit du sentiment… Par exemple, le sentiment d’amour entre
deux personnes naît des émotions que suscitent des échanges répétés entre ces
deux personnes. Cela étant dit, il n’est pas rare de confondre sentiment et
émotion car les deux ne sont pas facilement dissociables.
Une fois que l’on a dit cela, on n’a pas dit grand-chose. On
a tout au plus mis à plat quelques évidences…
Si des échanges ou des contacts entre deux personnes suscitent
des émotions de part ou d’autre, c’est parce qu’il y a un phénomène d’attirance entre ces deux personnes, et
c’est cela qui nous intéresse ici.
Attirance,
genre et « intelligence »
On considère généralement que ce qui fait naître une attirance,
c’est le physique. Il semble assez évident que le physique d’une personne est
lié à son genre. Dans nos sociétés, ce qui définit en premier lieu une personne
c’est son genre.
Question : lorsque l’on présente une personne comme
étant un homme ou une femme, décrivons-nous une caractéristique principale ou
secondaire de cette personne ? Son genre nous renseigne-t-il foncièrement
sur cette personne ou bien est-il un épiphénomène ?
Connaître le genre d’une personne détermine sa potentialité
à exercer sur nous une attirance. L’attirance est donc subordonnée au genre.
C’est précisément cette subordination que je questionne.
Voici deux exemples :
Alain se définit comme hétérosexuel. Porte-t-il le même
regard sur une femme que sur un homme ? Probablement non. Toute femme
qu’il croisera sera susceptible de l’attirer physiquement.
Julie se définit comme homosexuelle. Elle annonce à sa
famille qui ignore son homosexualité qu’elle a rencontré quelqu’un. Elle décrit
cette personne à travers ses valeurs, ses activités et prend soin d’écarter le
fait que ce soit une femme jusqu’au dernier moment. Comment réagit la
famille ? Avant de connaître le genre de l’amie de Julie, elle présume que
c’est un homme et est ravie. Une fois lâché le mot femme, n’y a-t-il pas
modération de l’enthousiasme ? (Doux euphémisme dans certains cas.)
Ces deux exemples montrent deux choses : d’abord que les
conventions sociales intériorisées déterminent le comportement individuel,
ensuite que la déviance est source de conflit et de névrose. Tout cela est bien
connu et d’une grande évidence.
Que pour se construire l’individu ait besoin de « se
poser en s’opposant », soit, mais certaines oppositions – comme celle
entre hétéro et homo- ne sont peut-être pas aussi fondées qu’elles le
paraissent.
Et c’est ici qu’intervient la sapiosexualité.
Ce concept implique que ce n’est pas le genre qui
conditionne une attirance mais autre chose. La sapiosexualité est un concept transgenre – qui transcende la question
du genre- et qui remet en cause potentiellement les trois autres formes de
sexualités vues plus haut (hétéro, homo, bi). C’est un concept qui place
l’intelligence d’une personne en critère déterminant. Biensûr, on peut être
hétérosexuel et sapiosexuel, auquel cas, la sapiosexualité perd, à mon sens, en
pertinence. C’est pourtant comme cela, en sous-catégorie par rapport à
l’homosexualité ou l’hétérosexualité, qu’elle est généralement entendue.
Je propose donc de partir de ce concept pour appuyer
l’hypothèse suivante : nous sommes tous susceptibles d’être attirés
sensuellement par une personne du même sexe pour la simple raison que le genre
n’est pas déterminant, une fois que l’on fait l’effort – compliqué- de
s’extraire des conventions sociales.
Pour appuyer judicieusement cette hypothèse, il convient de
repenser la sapiosexualité.
Nous allons faire cela en deux temps : un premier
portant sur l’attirance, un second sur l’intelligence.
Nous avons jusque là effleuré le principe de l’attirance
sans en dire grand-chose. Nous nous sommes contentés de dire que bien souvent
elle était issue des attentes intériorisées en fonction du genre.
Mais il existe plusieurs types d’attirance comme le précise
un psychanalyste ci-dessous :
« Il convient de
différencier les attirances plutôt gouvernées par le ça freudien – c’est-à-dire
par les pulsions inconscientes, ces forces inconnues et antérieures à toute
maîtrise possible, qui nous font dire après coup : « Ç’a été plus fort que moi
», forces à l’origine des coups de foudre – des attirances qui tombent sous
l’emprise du surmoi. Celles-ci sont dominées par une sorte de juge interne qui
fait que l’individu se conduit à partir de règles intérieures, se limite dans
ses engouements pour rester conforme à une morale, ou à des idéaux hérités de
sa famille, de la société, auxquels il reste fidèle de fait. (Norbert
Chatillon, psychanalyste, membre de la société française de psychologie
analytique et ancien président du groupe d'Etudes C.G. Jung.)
Que veut-il dire… D’un côté,
certaines attirances ont lieu sans que l’on puisse leur donner sens, leur effet
nous submerge et nous sommes troublés. D’un autre côté, d’autres attirances,
que l’on pourrait décrire comme « convenables » ont lieu et si elles
sont, elles-aussi causes de trouble, ce trouble en est moins
« désorientant ». Le trouble causé par le premier type d’attirance peut
être étouffé, nié, rationnalisé, c’est-à-dire intégré à une échelle
individuelle de principes (par réduction de la dissonance cognitive par
exemple, cf. article « Foi et religion »[i]) ou bien il peut passer
inaperçu en fonction de la sensibilité des individus.
Le second trouble est jugé « normal » par rapport
aux conventions sociales et l’on sait s’en accommoder tant bien que mal.
Ce qui est intéressant, c’est que ces deux types d’attirance
reposent sur une même chose, si l’on essaye d’être à l’écoute du trouble.
Ce qui attire chez une personne, au-delà de son physique ou
son genre, est lié à sa personnalité. Plus encore, ce qui attire, ce qui séduit
chez une personne, c’est le rapport que cette personne a à elle-même, et le
rapport que cette personne a au monde qui l’entoure. Ce peut être une touche de
naïveté, ce peut être de l’assurance, ce peut être un ensemble de certitudes,
c’est en tout cas l’univers qu’elle véhicule. Cet univers particulier
« correspond » à et avec l’univers auquel l’autre aspire ou que
l’autre possède.
C’est souvent parce qu’il y a correspondance entre deux
univers mentaux que les corps frémissent et parfois, les corps peuvent frémir
avant même que la correspondance mentale soit envisageable. Parfois, un corps
peut frémir avant l’autre ; la question de la réciprocité est alors toute
autre.
Il est probable que notre corps ne cesse de nous envoyer des
signaux auxquels nous ne prêtons pas attention. Il est probable qu’en matière
de sexualité, il en soit ainsi.
Une attirance sensuelle n’a biensûr pas vocation à être
concrétisée, mais simplement acceptée. (C’est là qu’interviennent la
responsabilité, la sagesse et toutes ces choses qui mettent du temps à être
domestiquées…)
Si l’on accepte de ressentir ce que notre corps ressent, on
est tout simplement plus serein avec soi-même, ce qui n’est plus aussi évident.
Lorsque la sapiosexualité parle d’intelligence, elle limite
considérablement la portée potentielle du concept qu’elle représente. En effet,
l’intelligence, en soi, ne veut rien dire. Pire, elle n’existe peut-être pas.
L’intelligence (concrétisée par un nombre de diplômes, par un verni de
culture…) n’a jamais été synonyme de sagesse et de responsabilité. L’intelligence
est bien souvent une illusion fort courante dans notre société. Plus que
l’intelligence, ce qui fait le charme d’une personne, c’est, comme nous l’avons
dit un peu plus haut, le rapport qu’elle entretient avec elle-même et avec son
monde, et ce, peu importe que ce soit une femme ou un homme. On peut entendre
intelligence comme une forme d’intelligibilité, comme une lecture que fait une
personne d’elle-même, de ce qui l’entoure et de l’appropriation qu’elle fait
ensuite de sa propre « intelligence », de sa propre sapience.
Nous sommes donc tous susceptibles d’être attirés par la
sapience de l’autre pour l’unique raison que nous sommes, a priori, tous
homosapiens…
[i] La
théorie des « modes de réduction de la dissonance cognitive »
explique comment un individu fabrique, bricole, mentalement, inconsciemment
une explication légitime à une situation qui ne correspond pas à ce qu’il
attendait, souhaitait, prévoyait, pensait ; une situation qui entre en
contradiction avec ce qu’il comprend, interprète.
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