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jeudi 30 mai 2013

Le devoir de lecture

Je me permets, sur cet espace de liberté d'expression qu'est le web, de donner mon avis, c'est gratuit. Aujourd'hui, je souhaite dire un mot sur la vulgarisation scientifique.

Vous n'êtes pas sans savoir que depuis plus d'un an, une petite curiosité m'a entraînée dans le monde compliqué des sciences physiques et mathématiques. Venant de la science politique et de la philosophie, je m'étais intéressée à ce que l'on peut appeler le "cosmos" des philosophes, c'est-à-dire, en gros, l'interprétation philosophique des dernières découvertes scientifiques sur l'univers. Mon bagage ne me facilitait en rien l'appréhension des concepts scientifiques propres à la physique ou au mathématique. Je me suis naturellement appuyée sur les ouvrages de vulgarisation, les lisant; les relisant, les uns après les autres et en lecture croisée pour commencer à cerner le début d'un eurêka.

De manière générale, on distingue les sciences humaines des sciences dites dures. Il est vrai que les méthodes diffèrent entre ces deux grands domaines et il est surtout vrai que les principes régissant les sciences dures ( des principes mathématiques) ne sont pas les plus pertinents pour appréhender l'étrange sujet d'étude qu'est l'homme. Transposer des principes mathématiques aux phénomènes sociaux est même très hasardeux. Ceci peut expliquer en partie pourquoi nombre de "socio-scientifiques" accordent peu d'égards aux travaux de mathématiques pures. Il existe une tension presque palpable entres les tenants des sciences dures et ceux des sciences humaines.Cette tension est fort dommageable si l'on considère qu'au fond, on étudie tous la même chose.

Ainsi, la réflexion philosophique autour des grands concepts scientifiques (force, énergie, matière, vie, perception..) est-elle souvent l'apanage des initiés, en tout cas de nos jours, depuis que les disciplines se sont infiniment diversifiées. Les grands philosophes du passé étaient cependant presque tous des hommes de sciences (mathématiques, physiques). Comment en effet repenser la place de l'homme dans le grand tout, au 17ème siècle, si on ne maîtrise pas les idées révolutionnaires de Copernic et Gallilée? Plus récemment, comment penser par exemple le concept de temps si l'on ignore ce que nous en dit la physique quantique. La réflexion sur le monde doit en partie reposer sur la "connaissance" de ce monde.

J'en profite, ici, à cet endroit précis pour rappeler qu'étymologiquement, le mot "mathématique" vient du grec matematika, qui veut dire "connaissance". En un sens, et pas le moindre, la mathématique est un processus de connaissance. Or de nos jours et pour la plus grande partie d'entre nous, on entend par "mathématique" un corpus de connaissances obscures.

Il existe aujourd'hui une barrière entre, d'un côté, les sciences physiques, mathématiques et toutes les disciplines qui en découlent et de l'autre côté les sciences humaines ( histoire, sociologie, histoire de la pensée, etc...) et cette barrière n'est pas, fondamentalement,  épistémologique. Ce n'est pas la différence de point de vue de l'étude ou de méthodologie qui rend ces deux conceptions scientifiques fondamentalement différentes, non. C'est "simplement" le manque de communication.

La communication interdisciplinaire est devenue très compliquée parce que les disciplines - de plus en plus nombreuses- développent leur propre langage. Quand ce langage est fait de mots, les concepts compliqués peuvent être appréhendés par un "non-initié" moyennant un effort raisonnable ( comme en psychologie ou en philosophie). Quand ce langage n'est plus fait de mots, comment le "non-initié" peut-il appréhender quoi que ce soit? Les mathématiques sont pour la plupart de nos contemporains une discipline impénétrable, effrayante, voire aussi utile qu'un sudoku. C'est un fait qui est dû à l'approfondissement tous azimuts du fonctionnement des phénomènes, qui engendre à son tour la spécialisation et la multiplication des disciplines. Cela impressionne et rebute facilement tout individu qui souhaiterait se faire une idée de l'état des connaissances.

D'un autre côté, depuis presque trois décennies maintenant, on entend traîner dans le grand commentaire médiatique l'idée d'une crise idéologique, d'une perte de sens. "Tout va trop vite et s'accélère " (information et communication), "repenser la mondialisation"( notions d'identités nationales, territoriales, pratiques commerciales).

Les grands idées ( libéralisme, individualisme, capitalisme, holisme, démocratie,...) s'effritent et perdent de leur superbe car trop de contradictions -par exemple les drames écologiques et sanitaires- émergent autour de nous et nous poussent à remettre en cause nombre de nos pratiques et croyances érigées en dogmes et certitudes.

Le doute grandit, la peur l'accompagne. C'est la crise. Or une crise n'a en soi rien de péjoratif, c'est une transition qui accompagne une remise en cause. Elle a beau être douloureuse et compliquée, elle n'est pas grave et désespérée. On a le tournis et on est dans le flou, mais ça ne dure que le temps nécessaire à trouver de nouveaux repères. Définir de nouveaux rapports entre les hommes, et entre les hommes et le monde.

Où pouvons-nous aller chercher ces nouveaux repères?

J'observe -depuis que j'y prête attention- un phénomène qui prend de l'ampleur et qui me semble très important: le nombre croissant d'ouvrages de vulgarisation scientifique qui est proposé au grand public.
Lorsqu'un scientifique prend la décision de partager une partie de ses connaissances avec le plus grand nombre, le travail qu'il fournit pour traduire ses propres connaissances en un langage compréhensible relève de la virtuosité. Bon nombre de ces ouvrages de vulgarisation sont donc des trésors à notre portée.

Si l'on veut repenser les choses, il faut y mettre de la bonne volonté. La bonne volonté commence par faire l'effort de lire ces ouvrages. Ne serait-ce qu'un seul.
Quand certains des esprits les plus brillants au monde proposent de manière accessible leur savoir au grand public, le grand public se fait-il pas un devoir de lire leurs propos?

Par exemple, la physique quantique a été inventée suite à des découvertes faites à la fin du 19ème siècle. Ses grands principes sont "connus" depuis les années 1920. Pour en tirer des applications pratiques - téléphones, ordinateurs- , on se bouscule, mais pour en tirer une nouvelle vision du monde, une "cosmologie", on se presse moins et c'est bien dommage. Cela fait presque un siècle qu'on ne fait rien de ce que nous dit la physique quantique sur le monde.

Ne trouvez-vous pas qu'il est aisé de critiquer, déplorer, se plaindre de toute chose alors même que pour la plupart d'entre nous, nous ne comprenons pas grand chose de ce qui se passe? Critiquer et déplorer ne sert à rien si l'on ne propose pas. et pour proposer, il faut matière à proposer. Et cette matière n'est pas si loin.

En effet, les bouquins de vulgarisation sont nombreux, pour ceux que cela intéresse:

ainsi on pourra lire Albert Jacquard, Etienne Klein, Stephen Hawking, Hubert Reeves, Simon Sing, Marcus du Sautoy, Keith Devlin, Brian Greene, Sven Ortoli, Denis Guedj, Christophe Galfard, etc, etc sans oublier la collection "Le monde est mathématique" présentée par Cédric Villani. Tous ces gens, détenteurs de secrets sur notre monde, ne cherchent qu'à les partager avec leurs contemporains. Il y en a pour tous les goûts, alors soyons curieux, soyons responsables et courageux.

Il ne s'agit pas d'accumuler des connaissances en quantité, l'idée est d'apprendre à regarder autrement ce que nous avons sous les yeux et dans notre tête...

Hop hop hop, la librairie, c'est par là...

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