21 jours... est une série de documentaires
diffusés sur France 2. Le concept est simple, quoique plutôt original: pendant
21 jours Alexandra Alévêque intègre une condition, par exemple celle
d'ouvrière, partage avec ses nouveaux "camarades de condition" toute
sorte d'états d'âmes, voit de l'intérieur (pas l'intérieur de l'usine, mais
l'intérieur psychologique). L'émission que j'ai préférée porte sur les aveugles
(21 jours à l'aveugle). La journaliste Alexandra Alévêque s'est mise dans
la condition d'une aveugle pendant 21 jours, comme une expérience sociologique
et psychologique, voire plus psychologique que sociologique.
Le reportage nous montre les différentes étapes
par lesquelles elle est passée:
Pendant les deux premiers jours c’est sa
mémoire qui l’aide à se souvenir des emplacements chez elle, par contre elle ne
peut pas sortir toute seule. Au bout de 10 jours à peu près, les repères
mnésiques ne sont plus fiables, Alexandra a plus de mal à se repérer chez elle,
il lui faut redoubler de vigilance pour se déplacer, compter et tâtonner.
- Prendre conscience "autrement" de l'espace :
A l’aide d’une guide pour déficients
visuels professionnelle, elle apprend à utiliser une canne et commence à
percevoir autrement. Une capacité d’écholocation se manifeste, surement
toujours présente en chacun mais qui se développe pour pallier l’absence de
repères visuels. C’est très intéressant de voir que dès le début, Alexandra
sent la présence des murs des immeubles et des voitures garées lorsqu’elle
marche sur le trottoir, avant même de les toucher.
- Chercher un sens à sa vie quand rien de ce que l'on fait habituellement
n'est plus faisable;
Coup de déprime, elle peine à se
repérer, elle perd confiance en elle, et plus rien n’a d’intérêt ni de saveur.
Elle réalise qu’elle ne peut plus rien faire, ni écrire, ni regarder un film, ni
faire le ménage… la nourriture est sans intérêt car ne pas voir ce qu’on mange
n’entretient pas l’appétit. Bref, coup de déprime.
- Rencontrer des gens aveugles - définitivement-, les voir autrement;
Quel meilleur moyen de reprendre goût à
la vie que de sortir de chez soi et rencontrer ses semblables ? Alexandra –qui
n’est aveugle que temporairement mais 3 semaines c’est une éternité quand on
est en plein dedans- part rencontrer des aveugles. D’abord au sein d’un
Institut spécialisé dans la rééducation des nouveaux aveugles, puis elle
rencontre des aveugles de plus longues dates. Certains sont des battants au
caractère bien trempé, d’autres luttent encore chaque jour pour accepter leur
condition. Elle imagine leur visage, au son de leur voix, à leur façon de s’exprimer
et à la mélancolie ou à la détermination qui les habite.
- Etre finalement étonnée de l'incroyable capacité de résilience de
l'esprit.
Que les personnes rencontrées soient
plus ou moins bien disposées, au final, elles se battent avec ardeur pour
profiter de la vie, autrement. Il faut du temps pour façonner cet autrement, il
faut toujours du temps pour tout, mais l’esprit finit par le façonner, cet
autrement. Comme si, soumis à une logique d'entropie, avec le temps le pire et le mieux se fondaient en un acceptable.
Ce que je retiens de ce documentaire c’est
qu’aussi dramatique que puisse être une situation, quand on ne la connait pas
personnellement, elle paraît insurmontable. Il est même difficile de faire
preuve de curiosité à l’égard des gens que l’on qualifie maladroitement de « déficients ».
Quand on est voyant on peut difficilement concevoir la vie sans voir. Cela équivaudrait
à une mort, d’une certaine façon, et ça fait peur.
Alors tant que l’on peut profiter de ce
merveilleux sens qu’est la vue, profitons-en. Le corps et l’esprit sont dotés d’une
force insoupçonnable pour peu qu’on ait confiance en notre incroyable instinct
de survie.
Ce documentaire est très intéressant tout simplement parce qu'il est basé
sur l'empathie et que c'est un des thèmes centraux de ma réflexion. La
journaliste devient aveugle, devient ouvrière, pour un temps limité mais
suffisant pour modifier ses habitudes et entrer en contact avec une condition étrangère,
dont l’expérience lui laissera une empreinte bien moins éphémère.
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