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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

dimanche 18 novembre 2012

Parlons un peu de charité



En cette fraîche période de l'année, voici les messages que l'on commence, comme chaque année depuis trop longtemps, à entendre.

« Dernière semaine de Novembre, début des collectes alimentaires. Donnez une petite partie de vos courses ».

Parlons un peu de charité puisqu'on nous sollicite sur ce sujet.



1 UN ELAN DE COMPASSION

Encore une fois, bien que l’on prenne les individus pour des moutons ignares, c'est à eux que l’on fait appel pour « aider l’humanité dans le besoin » avec des dons caritatifs. On fait appel à leurs impôts pour  « sauver les banques » touchées par la crise. C’est encore à nous de donner pour la recherche scientifique, alors que des milliards de dollars circulent virtuellement chaque seconde.

Cela me révolte, comme beaucoup de citoyens.

La révolte n’est que vaine agitation si elle ne conduit pas à la réflexion et à des propositions.

Alors réfléchissons.

Face à la détresse de certains, on se donne facilement bonne conscience en donnant une pièce ou un paquet de pâte, dans un élan de charité.

Les associations caritatives sont des pansements qui permettent de tolérer la pauvreté matérielle et alimentaire de bon nombre de nos semblables.

Je pense que nous avons perverti la notion de solidarité.
Il existe en chaque homme, à divers degrés, une propension naturelle à compatir. Elle est  maladroitement exploitée au sein de notre modèle de société.
On apaise notre propension à compatir en laissant des associations, ces « prêts-à-agir », se charger, petitement, du problème de la pauvreté.
On légitime le fonctionnement de notre société qui réciproquement, nous valorise individuellement  en nous offrant des moyens de manifester notre élan caritatif, à travers certains canaux.
On offre ainsi aux gens un moyen de se sentir concerné par la triste condition qui touche bon nombre de nos semblables.

Mais plutôt que de passer par ces « prêts-à-agir » - fort utiles au demeurant, malgré les suspicions de corruption, de détournement-, sortons des sentiers battus.

Biensûr que l’on doit s’aider les uns les autres, intervenir pour aider une population touchée par une catastrophe naturelle, une population en crise (conflit politique, débâcle financière, anarchie économique…), de la même manière que l’on aide parfois une personne âgée à traverser la route, à attraper un pot de confiture placé trop haut pour elle sur un présentoir de supermarché.

En matière de pauvreté et d’intervention humanitaire, on doit s’aider en attendant que notre société relève la tête du guidon, reconnaisse ses erreurs, prenne ses responsabilités et accepte de «changer».


2 LE DRAME ALIMENTAIRE ET ECOLOGIQUE

En matière de crise alimentaire et de modèle agricole,  Marie-Monique Robin et Pierre Rabhi, entre autres, ouvrent la réflexion. Il faudrait que leur message soit entendu par le plus grand nombre de nos concitoyens.

Le travail de ces deux auteurs nous permet de comprendre ce qui suit.
La sous-alimentation qui ravage l’Afrique par exemple provient souvent d’une inadéquation des techniques à un milieu particulièrement  compliqué ( aridité des sols, période de moussons, etc). Les techniques développées sont à la croisée syncrétique de procédés ancestraux et de techniques modernes et séduisantes par la promesse de productivité (relation entre l’effort fourni et le résultat obtenu) le concept retenu de productivité étant d’ordre quantitatif et non qualitatif.

Ces techniques (emploi de pesticides, monocultures, etc) sont occidentales.
Comme dans de très nombreux domaines (politique, économique, agricole), notre tempérament colonialiste ou impérialiste nous pousse à imposer ce qui est parfois « bon chez nous », aux autres. Nous dictons aux autres comment « bien » faire, comment « bien » vivre.
Nous uniformisons le monde à notre image – occidentale, judéo-chrétienne, capitaliste, etc.

Nous sommes trop butés pour accepter que ça ne marche pas. Des millions de gens meurent de faim : serait-ce la faute à la fatalité ? Non, c’est une conséquence.

Nous avons créé, alors, un système parallèle pour tenter de rendre tolérable, en surface, une réalité affligeante, honteuse, inhumaine, dégradante, irrespectueuse, irresponsable et déshonorante et au final nous nous empêtrons dans nos contradictions.

On est en droit de s’interroger sur nos intentions politiques:
Sommes-nous vraiment solidaires ? Souhaitons-nous seulement l’être ? Ne pensons-nous pas, plutôt, que, comme l’illustre la théorie de l’évolution, les plus forts s’en sortent ? Donc tant pis pour ceux qui sont nés ailleurs, car nous sous allons bien, forts que nous sommes grâce à notre matérialisme, à notre technologie, à nos hypermarchés. Nous sommes trop nombreux sur cette planète pour nourrir tout le monde comme nous pensons qu’il doit être nourri ? Qu’à cela ne tienne, la pauvreté exterminera le surplus, au même titre que les maladies pour lesquelles nous estimons qu’il n’est pas rentable de chercher un vaccin.
Le problème se résoudra de lui-même, d’une façon ou d’une autre.

Essayons de voir les choses en face.

Nous avons du sang sur nos mains.

Nous tuons nos enfants en laissant aux générations futures une planète aux sols épuisés, à l’air pollué. 
Nous tuons nos enfants en les nourrissant de produits toxiques.

Nous versons une larmichette sur les cadavres de nos semblables morts de faim. Nous ne nous scandalisons pas. Les tempéraments sont bridés.

Qu’y a-t-il derrière les appels à la mobilisation que lancent nos gouvernants et les associations humanitaires ?
S’il y a de la sincérité dans la préoccupation qui les anime, et il y en a, elle ne masque que partiellement une autre réalité.
Nous prenons de plus en plus conscience des erreurs que nous avons commises. Nous réalisons que les valeurs de notre société, depuis 200 bonnes années, ne sont peut-être pas les plus judicieuses pour l’ensemble de la société. Cependant, parce qu’elles donnent une réponse facile à la question de la richesse et du bonheur – être riche c’est accumuler des biens matériels- ces valeurs nous gouvernent et sont devenues indétrônables. Mais elles ne profitent qu’à un petit nombre, elles engendrent plus de problèmes bien réels qu’elles n’en résolvent de manière illusoire.
Au lieu de nous remettre fondamentalement en cause, on bricole des subterfuges pour pallier au plus urgent, tant bien que mal. 

On se cache derrière le pan de légitimité charitable de nos intentions politiques et individuelles.
On crée des ONG, on veut être plus solidaires de nos pauvres, des handicapés, des personnes âgées, tout cela pour pérenniser un système dont on a peur de se défaire.
Pour apaiser la mauvaise conscience qui ne manque pas de poindre pour peu que l’on regarde autour de soi.

Nous sommes hypocrites car nous savons pourquoi ces millions d'individus meurent de faim. Nous n'avons pas envie de changer les choses.

On s’accroche aux « avantages » de notre système et on en minimise les dégâts «épiphénoménaux» que l’on tente de « corriger ».

L’Etat providence est un bel édifice mais nous nous cachons un peu trop souvent derrière sa jolie façade de solidarité. C’est un édifice sur lequel repose la Vème république et nous n’osons, par déférence, le remettre en cause. Nous enjolivons les encornures, nous repeignons les bords de fenêtres. Certains souhaitent le voir disparaitre intégralement, ce qui n’est pas une solution non plus.

3- ECOUTONS-NOUS

Je ne crois pas que la charité qui consiste à envoyer des convois de surplus de nourriture issus des hypermarchés de nos contrées soit une véritable solution. C’est tout au plus une démarche transitoire, de dépannage pour pallier à l’urgence. Je ne pense pas que ce soit aux citoyens, dans l’intimité de la sphère domestique, à donner une partie de leurs courses à des organismes. 

Non, c’est aux hypermarchés, aux usines, aux grands producteurs de prendre leur responsabilité et de donner leur surplus à des organismes. Quitte à ce que cette pratique soit encadrée par l’Etat. Dans la mesure où l’Etat en manifeste la volonté.

Ensuite, laissons les gens trouver des solutions, ensemble, adaptées à leur région, leur climat, leur culture, leur histoire, leur croyance. Ils ont souvent beaucoup de sagesse et nous devrions les écouter sans préjuger de leur capacité à s’en sortir. 

Prenons l’exemple du Push-Pull, de la Milpa, du no labour et des tekkei du Japon, ne sont-ce pas là les manifestations de l’universalité du bon sens ?

C’est le terme universalité qui est trompeur. Il ne veut pas dire uniformité ou uniformisation.

En quoi consistent ces techniques agro-écologiques que Marie-Monique Robin nous présente ?

Trois plantes, toujours différentes en fonction des régions, répondant aux besoins primaires de l’agriculture (conservation de l’humidité des sols, captation de l’azote de l’air, relation avec les insectes), sont cultivées ensemble. Pas de monoculture : on respecte la nature dans son instinct de diversité. Le résultat coule de source : ça marche très bien.

A chaque fois, les hommes ont inventé ces techniques en observant leur environnement, les particularités de leur territoire.

Ce même bon sens nous apprend que l’on doit se plier aux nécessités de la nature. Il nous faut développer une agriculture locale, il nous faut respecter les cycles des saisons.
Les légumes, les fruits que l’on peut cultiver, par exemple, en octobre, au début de l’automne, sont justement ceux qui ont les propriétés nutritives correspondant à nos besoins physiologiques en cette période de l’année.
Pour notre santé à l’échelle individuelle, sous nos latitudes froides en hiver, mangeons des courges, des lentilles, des pommes et des pois cassés lorsque l’été s’en va. Nous serons contents de retrouver les tomates dans quelques mois… bref, plions-nous aux besoins de notre organisme, prenons ce que la nature nous donne quand elle nous le donne (tant qu’elle nous le donne encore!). 
Nous serons bien dans notre corps, nous serons bien dans notre tête, nous serons en meilleure santé et beaucoup d'autres conséquences en découleront.

Mobilisons-nous, réfléchissons, soyons responsables et honnêtes, discutons, partageons, écoutons-nous.



1 commentaire:

  1. A REGARDER:

    Le documentaire de M.M. Robin "Les Moissons du futur"

    http://www.youtube.com/watch?v=qq8J7H3UGAU

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