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Petite épistémologie de la créativité - première partie

(Sous-titre provisoire: De la contrainte nécessaire.) Une des choses qui font de l’Homme un être vraiment étonnant est sa capacité à in...

lundi 5 novembre 2012

Ô vulgarisateurs!

L'académisme intellectualisant à la française me donne des boutons. J'ai bien essayé diverses crèmes pour soulager les éruptions qui surviennent à l'écoute de certains et à la lecture de certains autres, mais il n'y a rien à faire si ce n'est tout simplement réduire au minimum les contacts  avec les tenants de cet élitisme nombriliste.

La pensée qui se contemple elle-même et se gargarise des fruits de son exercice réflexif dans un français ampoulé me donne la nausée. Souvent ce ne sont que références sur références à d'illustres penseurs passés, si bien que l'intervenant donne l'impression que sa propre réussite ne vient que du simple fait qu'il sache reconnaître lui-même la valeur de la pensée d'un autre et la réinterpréter dans un style encore plus obscure.
La réussite étant manifeste à travers la demande adressée par certains supports médiatiques  en quête de légitimité réclamant moult avis de savants bardés de diplômes.

N'être reconnu que par ses pairs académiques, aussi nombreux que les députés présents à l'assemblée nationale un jour ouvré, est gage de la qualité de son travail.

Pourtant, il en faut. Il faut des penseurs, des chercheurs, des amoureux des questions sur lesquelles personne ne veut se pencher. Il sont indispensables, partout dans le monde, les empêcheurs de tourner en rond.

Mais pourquoi donc se limiter à diffuser ces réflexions au plus petit nombre? La populace ne vaut elle pas la peine que l'on s'adresse à elle? Cette masse grouillante qui n'a d'intérêt que pour les prêt-à penser? Bien sûr puisqu'il faut bien que ces gens travaillent pour payer leurs factures. Ils n'ont pas de temps ni de besoin pour ces choses-là, les choses de l'esprit.

Eh bien je ne suis pas d'accord. Je force le trait bien volontairement car c'est cependant ce que m'inspire tout un pan de l'intellectualisme français.

Heureusement, ce n'est qu'un pan. Heureusement que certains auteurs viennent éclaircir le tableau par l'accessibilité de leur démarche.

Parce que l'amour de l'exercice spirituel, des belles lettres et des idées va de pair avec la notion de partage. Alors quand un auteur s'applique à exprimer le plus clairement possible, au travers de nouvelles, de romans, de préambules, d'essais, les enjeux qui animent sa recherche pour partager son enthousiasme et mobiliser les citoyens sur une question, je suis ravie.
Certes, la science s'est divisée en tant d'innombrables sous-disciplines que leur simple recensement constituerait une science à part entière. La spécialisation se fait alors au détriment de l'accessibilité, telle une mise en abîme dont la flamme initiale s'évaporerait dans les lueurs ténébreuses de l'infiniment petit, de l'infiniment spécial.

Tel le message que Platon illustre dans son Allégorie de la Caverne, la connaissance  ne vaut pas grand chose si elle ne va pas vers le plus grand nombre. On connaît biensûr le sort réservé ensuite au philosophe de l'Allégorie, mais tant pis. Cette allégorie peut être interprétée de deux manières: une favorise le cloisonnement élitiste, l'autre - un tantinet évangélique- favorise un certain sacrifice du philosophe incompris. Un sacrifice toutefois mortel.

Plus de 2000 ans après Platon, il est heureux de constater que les risques encourus par les vulgarisateurs sont moindres.

Cependant, il ne s'agit pas d'opposer scientifiques élitistes aux vulgarisateurs dans un manichéisme simpliste. Je me doute bien que nombre d'auteurs, par maladresse, par trop de proximité au sujet de leur étude, sont simplement maladroits et il serait malhonnête de juger des intentions de quelqu'un sur la seule forme avec laquelle il exprime ses idées.

Trop souvent, les penseurs élitistes aiment les idées pour leur complexité, pour l'agencement des termes de la dialectique, pour leur effet séduisant, le défi que ces idées posent à leur entendement,  leur dimension heuristique, le vernis de culture que leur mention induit.
Trop souvent, ce n'est que surenchère et épuisement de concepts déjà vus, alors que la pensée n'a jamais été plus belle que lorsqu'elle se nourrit de références pour s'en détacher.

Il ne s'agit pas de distinguer deux groupes d'intellectuels et de les opposer. Il s'agit de reconnaître l'intérêt des vulgarisateurs qui opèrent un travail de connexion entre pensées obscures et esprits non-initiés.
Souvent, les vulgarisateurs sont fardés d'adjectifs à la mode, tels "clientélistes", "populistes", "commerciaux". Biensûr, il y en a. Mais je dénonce le raccourcis trop souvent opéré entre ces derniers et les auteurs sincèrement motivés, un brin idéalistes.

Les gens sont beaucoup plus intelligents que ne le laisserait penser un primitif réflexe élitiste d'initiés. Sous-estimer ses contemporains est une erreur. Il faut donc que de part et d'autre, à mi chemin, les mains se tendent pour faciliter l'accès aux idées. Que les citoyens soient sensibilisés et non rebutés par la complexité des sujets abordés. Ils sont si nombreux à être bien avertis, mais non initiés.


Si l'on pouvait tous avoir une compréhension des sciences de la matière, de physique astronomique, de biologie... Je ne peux m'empêcher de croire qu'il existe un intérêt, quelque part, à maintenir le monde dans un flou artistique sur ces sujets fondamentaux, de la même manière que je ne comprends pas, par exemple, pourquoi les notions de secourisme ne sont pas enseignées à tous, gratuitement, partout.

Si l'on veut faire avancer le monde, à un moment, il faut parler au monde. A tout le monde.

Alors vive les chercheurs, les philosophes, les physiciens, les biologistes, les hommes concernés par leurs semblables, et vive le jour où le manque de temps, d'intérêt et la peur des uns ne paralyseront plus les esprits  des autres.




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