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samedi 15 décembre 2012

21 jours... (France 2)




21 jours... est une série de documentaires diffusés sur France 2. Le concept est simple, quoique plutôt original: pendant 21 jours Alexandra Alévêque intègre une condition, par exemple celle d'ouvrière, partage avec ses nouveaux "camarades de condition" toute sorte d'états d'âmes, voit de l'intérieur (pas l'intérieur de l'usine, mais l'intérieur psychologique). L'émission que j'ai préférée porte sur les aveugles (21 jours à l'aveugle). La journaliste Alexandra Alévêque s'est mise dans la condition d'une aveugle pendant 21 jours, comme une expérience sociologique et psychologique, voire plus psychologique que sociologique.
Le reportage nous montre les différentes étapes par lesquelles elle est passée:
  •     Apprendre à se repérer :

Pendant les deux premiers jours c’est sa mémoire qui l’aide à se souvenir des emplacements chez elle, par contre elle ne peut pas sortir toute seule. Au bout de 10 jours à peu près, les repères mnésiques ne sont plus fiables, Alexandra a plus de mal à se repérer chez elle, il lui faut redoubler de vigilance pour se déplacer, compter et tâtonner.

  •     Prendre conscience "autrement" de l'espace :

A l’aide d’une guide pour déficients visuels professionnelle, elle apprend à utiliser une canne et commence à percevoir autrement. Une capacité d’écholocation se manifeste, surement toujours présente en chacun mais qui se développe pour pallier l’absence de repères visuels. C’est très intéressant de voir que dès le début, Alexandra sent la présence des murs des immeubles et des voitures garées lorsqu’elle marche sur le trottoir, avant même de les toucher.

  •     Chercher un sens à sa vie quand rien de ce que l'on fait habituellement n'est plus faisable;

Coup de déprime, elle peine à se repérer, elle perd confiance en elle, et plus rien n’a d’intérêt ni de saveur. Elle réalise qu’elle ne peut plus rien faire, ni écrire, ni regarder un film, ni faire le ménage… la nourriture est sans intérêt car ne pas voir ce qu’on mange n’entretient pas l’appétit. Bref, coup de déprime.

  •     Rencontrer des gens aveugles - définitivement-, les voir autrement;

Quel meilleur moyen de reprendre goût à la vie que de sortir de chez soi et rencontrer ses semblables ? Alexandra –qui n’est aveugle que temporairement mais 3 semaines c’est une éternité quand on est en plein dedans- part rencontrer des aveugles. D’abord au sein d’un Institut spécialisé dans la rééducation des nouveaux aveugles, puis elle rencontre des aveugles de plus longues dates. Certains sont des battants au caractère bien trempé, d’autres luttent encore chaque jour pour accepter leur condition. Elle imagine leur visage, au son de leur voix, à leur façon de s’exprimer et à la mélancolie ou à la détermination qui les habite.

  •     Etre finalement étonnée de l'incroyable capacité de résilience de l'esprit.

Que les personnes rencontrées soient plus ou moins bien disposées, au final, elles se battent avec ardeur pour profiter de la vie, autrement. Il faut du temps pour façonner cet autrement, il faut toujours du temps pour tout, mais l’esprit finit par le façonner, cet autrement. Comme si, soumis à une logique d'entropie, avec le temps le pire et le mieux se fondaient en un acceptable.

Ce que je retiens de ce documentaire c’est qu’aussi dramatique que puisse être une situation, quand on ne la connait pas personnellement, elle paraît insurmontable. Il est même difficile de faire preuve de curiosité à l’égard des gens que l’on qualifie maladroitement de « déficients ». Quand on est voyant on peut difficilement concevoir la vie sans voir. Cela équivaudrait à une mort, d’une certaine façon, et ça fait peur.
Alors tant que l’on peut profiter de ce merveilleux sens qu’est la vue, profitons-en. Le corps et l’esprit sont dotés d’une force insoupçonnable pour peu qu’on ait confiance en notre incroyable instinct de survie.
Ce documentaire est très intéressant tout simplement parce qu'il est basé sur l'empathie et que c'est un des thèmes centraux de ma réflexion. La journaliste devient aveugle, devient ouvrière, pour un temps limité mais suffisant pour modifier ses habitudes et entrer en contact avec une condition étrangère, dont l’expérience lui laissera une empreinte bien moins éphémère.

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